Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Inway crée l’espéranto des instruments chirurgicaux

À Dax, la société InWay développe une codification universelle des instruments chirurgicaux afin d’éviter les dysfonctionnements en milieu hospitalier. Au-delà du gain de temps et d’argent pour les établissements de santé, l’objectif ultime est d’assurer la sécurité des patients.

Jean-Paul AVERTY, Fondateur d’InWay

Jean-Paul AVERTY, Fondateur d’InWay © Inway

Quelle que soit la marque d’outillage choisie, une clef de douze reste une clef de douze. Mais ce qui est vrai en bricolage ne l’est pas en médecine. Les quelque 150 fournisseurs mondiaux d’instruments chirurgicaux disposent chacun de références et de dénominations propres pour leurs matériels. Des instruments parfaitement identiques peuvent donc ne pas s’appeler pareil selon leur marque, alors que d’autres aux fonctionnalités différentes peuvent avoir des dénominations similaires. Or, lorsque dans un même hôpital, les équipes n’appellent pas les instruments de la même façon, les problèmes commencent… Perte de temps due à l’incompréhension sur les matériels souhaités, restérilisation d’outils ouverts mais non utilisés, surcoûts ou erreurs lors du renouvellement des stocks, et même annulation d’interventions faute de disposer du bon instrument, « c’est cette absence de langage commun qui est à l’origine d’une partie des dysfonctionnements en milieu hospitalier », estime Jean-Paul Averty. Commercial consultant pendant une trentaine d’années dans l’industrie médicale, il a créé InWay en mars 2021 pour pallier ce problème. Depuis la pépinière Pulseo de Dax, il développe une codification universelle pour les instruments chirurgicaux. « L’objectif est que les professionnels de santé se comprennent mieux afin que le matériel soit exploité correctement. »

DES PROSPECTS CONQUIS

Grâce à l’Atlas InWay, dévoilé le 1er juin dernier, le monde médical dispose désormais d’une base de données numérique unique et universelle. « Chaque instrument y est répertorié avec une image, un descriptif précis, un hologramme et toutes les équivalences chez chaque fournisseur, précise Jean-Paul Averty. Les utilisateurs peuvent rechercher leurs instruments par mots-clés, les visualiser en 2D ou en 3D, partager les données avec les différents services (stérilisation, bloc, achats, maintenance…) ou encore créer et référencer leurs plateaux opératoires. » Actuellement, 5 000 instruments d’une trentaine de fournisseurs francophones sont référencés dans la base de données. « Il s’agit d’instruments généraux qui sont utilisés dans plus de 90 % des blocs opératoires du monde entier. La base est toutefois appelée à évoluer et à s’enrichir avec des instruments plus spécifiques. »

Mais dans sa forme actuelle, elle a déjà séduit les visiteurs du Congrès de la société française des sciences de la stérilisation, qui s’est tenu à Marseille du 18 au 20 septembre derniers. « C’est la première fois qu’on présentait l’Atlas officiellement et les retours ont été unanimes. Tous les gens qui sont passés sur notre stand nous ont dit à quel point on allait leur faire gagner du temps et générer moins de stress et des économies. » Commercialisé sous forme de licence, l’Atlas

InWay a déjà séduit ses premiers clients : l’hôpital de Sète (Hérault) et le groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. « Avant la fin de l’année, les cliniques Aguiléra (Biarritz), Belharra (Bayonne) et Jean Le Bon (Dax) devraient également travailler avec nous. » Grâce à ces commandes, l’entreprise devrait réaliser 35 000 euros de chiffre d’affaires cette année, mais vise déjà les 200 000 euros en 2024.

FORMER ET SÉCURISER

L’Atlas n’est toutefois que le premier étage de la fusée InWay. Grâce à son équipe de bientôt quatre personnes, la société développe deux autres produits : Horizon et Compass. InWay Horizon est un outil de formation des agents de stérilisation assisté par réalité augmentée. « Si le langage commun n’existe pas dans le référencement, il n’existe pas plus dans la formation, souligne Jean-Paul Averty. Aujourd’hui, on ne forme donc pas les gens de la même façon à Lille, à Lyon ou à Marseille. » La solution développée par l’entreprise entend donner l’information la plus exhaustive possible pour chaque instrument ou type d’instruments afin d’harmoniser les connaissances. Et comme les photos ne suffisent pas pour maîtriser un outil, c’est avec des lunettes de visualisation 3D que les apprenants sont invités à s’exercer. Ils peuvent ainsi prendre l’hologramme de l’instrument en main, le manipuler, l’agrandir, le disposer sur un plateau et être prévenus s’ils ont commis une erreur… « Les intérêts sont multiples, assure le créateur. Le logiciel permet de créer une infinité de scénarios. Il n’y a plus besoin de mobiliser de matériel. Les agents peuvent préparer les interventions virtuellement sans avoir à stériliser à nouveau les boîtes. Et pour tout ranger, il n’y a qu’à éteindre le casque ! » Encore en développement, InWay Horizon devrait sortir en décembre ou en janvier.

InWay développe un outil de formation par réalité augmentée

Et d’ici un an et demi, c’est InWay Compass qui pourrait être mis sur le marché. « Il s’agit d’un outil de production et d’aide à la recomposition des plateaux opératoires en stérilisation. » Toujours avec des lunettes de réalité augmentée, les agents de stérilisation pourront préparer des plateaux opératoires complets et conformes. « Grâce à l’utilisation de calques virtuels de plateaux types, chaque erreur ou oubli sera immédiatement détecté et corrigé. Cela va permettre de fluidifier le chemin de l’instrument entre la stérilisation et le bloc, assurer la sérénité des chirurgiens et, in fine, la sécurité des patients. »

Si le concept est abouti, reste à alimenter la base de données. « Pour avoir une proposition vendable, nous avons besoin d’au moins 1 500 hologrammes d’instruments chirurgicaux correspondant exactement à ceux qui sont utilisés au bloc. Or aujourd’hui, nous n’en avons qu’un peu plus de 400. J’espère intégrer une personne dédiée à la production d’hologrammes d’ici la fin de l’année pour mener ce travail à bien. »

Découvrez le Dossier : [ Dossier - La santé d’abord ]