Depuis le 1er janvier 2024, Pôle emploi est devenu France Travail. Directrice territoriale déléguée pour les Landes depuis 2018, Isabelle Jullian-Averous a bien l’intention de démontrer avec ses équipes qu’il ne s’agit pas d’un simple changement de logo, mais le signe d’une mobilisation vers de nouveaux objectifs, à l’aune de la loi pour le Plein emploi. Simplifier le parcours du candidat à l’emploi, tout comme celui du recruteur, pour la meilleure offre de service, travailler au plus près du terrain en renforçant les partenariats avec tous les acteurs concernés, rivaliser de créativité pour faire émerger de nouvelles compétences chez les demandeurs d’emploi et ouvrir leur champ des possibles, sont inscrits sur leur feuille de route.
PARTENAIRES PRIVILÉGIÉS
« Nous conservons nos missions principales : accueillir, accompagner, diagnostiquer, indemniser, recruter, souligne Isabelle Jullian-Averous. Mais nous allons augmenter notre champ d’intervention pour aller vers un objectif de simplification. Cela veut dire travailler de manière plus rapprochée avec les acteurs avec lesquels nous travaillons déjà comme le conseil départemental pour l’accompagnement global, le réseau Cap emploi pour ce qui relève du handicap, les missions locales avec lesquelles nous travaillons de manière encore plus rapprochée depuis la mise en place du Contrat engagement jeunes. Mais nous allons aussi renforcer nos actions avec les chambres consulaires. L’idée est d’approcher au plus près leurs réseaux et coconstruire avec chacun de ces acteurs une solution pour simplifier les démarches de recrutement, accélérer sur les besoins de formation. Si je prends l’exemple des Quartiers prioritaires de la ville, nous allons renforcer notre présence auprès des acteurs qui connaissent le mieux les personnes issues de ces quartiers. Et peut-être que les besoins qui remonteront des quartiers attachés à l’agglomération de Mont-de-Marsan ne seront pas les mêmes que ceux des quartiers prioritaires du Grand Dax. »
LEVER LES FREINS
31 751 offres d’emploi enregistrées sur un an auprès de France Travail – soit une part seulement du marché du travail -, cela pose forcément la question du rapport entre les besoins des employeurs et la main-d’œuvre disponible sur le territoire. Et si rien n’est évidemment mathématique, il y a pour la représentante de France Travail dans les Landes « un véritable travail d’intermédiation à mettre en œuvre pour faire en sorte que les compétences des candidats disponibles puissent correspondre au mieux à celles recherchées par les recruteurs ». Dans cette optique, plusieurs leviers sont actionnés pour lever les freins à l’accès à l’emploi. « Dans les Landes, les deux premiers freins cités par les personnes en recherche d’emploi sont le numérique et la santé. La mobilité arrive en troisième position. »
Pour répondre à la fracture numérique, France Travail s’appuie sur le relais des maisons France services pour accompagner les utilisateurs dans leurs démarches en ligne, mais aussi sur l’Agence landaise pour l’informatique (Alpi) pour des dispositifs de formation et d’équipement. Pour ce qui concerne la santé, France Travail œuvre en grande proximité avec la Caisse primaire d’assurance maladie et l’Agence régionale de santé (ARS), et dispose d’une prestation avec un psychologue pour travailler sur ces questions. Sur la mobilité, plusieurs dispositifs sont proposés notamment par le biais de partenariats avec Landes insertion mobilité ou l’ALPCD (Association landaise pour le perfectionnement des conducteurs débutants) afin d’amener chaque personne vers la meilleure solution pour elle. « Mais la solution mobilité passe parfois par réinterroger sa stratégie de recherche d’emploi, et il est aussi souvent important de constater qu’à côté de chez soi, on a quelquefois de l’emploi dans des entreprises que l’on méconnaît », insiste Isabelle Jullian-Averous. Une carte est d’ailleurs affichée dans le hall d’accueil de l’agence France Travail à Mont-de-Marsan, situant les pourvoyeurs d’emploi par secteur géographique.
FACILITER L’IMMERSION
D’où également le coup de projecteur mis sur le dispositif Immersion facilitée. « On ne recrute plus sur un seul CV, mais sur différents savoirs : le savoir-faire, le savoir être, les attitudes, les aptitudes, l’habileté, tout un éventail de critères qui peuvent permettre d’accéder à l’emploi. Avec cette période d’immersion à laquelle on croit beaucoup, l’objectif est de faire se rencontrer un recruteur potentiel et un candidat potentiel. » De plus en plus d’entreprises sont volontaires pour accueillir des stagiaires pendant une, deux semaines, un mois. « Souvent, l’expérience lève des représentations des deux côtés. » Sur le plan national sept immersions sur 10 débouchent sur un emploi. Dans les Landes, tous les secteurs dits « pénuriques » signent ces contrats d’immersion, dans le BTP, le transport, la filière bois, l’agroalimentaire, le thermalisme ou l’aéronautique. « De nombreuses entreprises se sont auto-inscrites sur le site (https://immersion-facile.beta.gouv.fr/). Nous nous appuyons beaucoup sur le club Les Entreprises s’engagent, animé par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), dont nous sommes parties prenantes, pour diffuser l’information autour de l’immersion. »
Parmi les secteurs en tension, figure la santé sur lequel France Travail mène une action spécifique, en collaboration avec l’ARS, pour faire découvrir les différents métiers proposés dans les Ehpad ou les hôpitaux. De l’accueil aux espaces verts, de la cuisine aux services qualité, une palette de métiers peut se découvrir en immersion. « Une fois l’immersion effectuée, si des besoins de compétences sont identifiés, ce qui est souvent le cas, un parcours de formation individualisé va se mettre en place. L’intérêt majeur est de faire rapidement monter en compétence le candidat retenu pour qu’il soit opérationnel C’est une personnalisation de la réponse, tant pour le candidat que pour le recruteur. »
SAISONNALITÉ
Autre caractéristique de l’emploi dans les Landes : la saisonnalité. « J’ai fait faire une étude à ce sujet par la direction régionale. Nous avons des saisons qui s’enchaînent et nous avons tenté en 2023 une expérience dont nous ferons le bilan prochainement. Après avoir été sollicités par un groupement d’employeurs (Côte sud emploi) nous avons proposé des contrats qui s’enchaînent entre deux entreprises de l’agroalimentaire, comme Labeyrie Fine Foods et Soleal-Bonduelle. L’idée étant de proposer des opportunités d’emploi plus longues aux demandeurs d’emploi de ce secteur, et plutôt qu’un contrat de quatre mois, leur offrir la possibilité d’aller jusqu’à six à huit mois. Nous travaillons avec d’autres groupements d’employeurs pour favoriser ce type de solution. »
« Dans les Landes, les freins cités par les personnes en recherche d’emploi sont le numérique, la santé et en troisième position, la mobilité »
SPORTS, JEUX VIDÉO
Simplification proximité et donc innovation. Ce troisième mantra s’applique notamment aux méthodes de recrutement qui s’adaptent à l’époque, mais dont certaines ont largement fait leurs preuves, comme la fameuse méthode de recrutement par simulation (MRS), créée par l’ANPE il y a plus de 25 ans, mais toujours au goût du jour pour France Travail. Il s’agit, à travers des tests, des exercices très concrets, de repérer des candidats qui auraient les habiletés à occuper un poste sans avoir l’expérience ou le diplôme habituellement requis. Une expérimentation qui intègre des exercices de la MRS est en cours dans les Landes en partenariat avec la Caisse d’allocations familiales et le Département pour le métier d’assistante maternelle sur lequel il existe un gros besoin de recrutement.
Le sport peut être aussi un moyen d’évaluer des qualités comme le dépassement de soi, le respect de la consigne, l’entraide, la rigueur, l’endurance. Ainsi, depuis 2022, l’opération « Du stade vers l’emploi » permet, en lien avec les fédérations sportives, de favoriser des échanges entre employeurs et candidats, à travers des activités sportives. Dans un premier temps, lors de rencontres entre équipes mixtes (candidats-recruteurs), l’anonymat est maintenu puis il est levé après le déjeuner. La journée se poursuit par un job dating, les deux parties ayant pu s’observer au préalable et briser la glace, grâce au sport. Le Stade montois y a participé en 2022 et l’USD judo en 2023.
« On ne recrute plus sur un seul CV, mais sur différents savoirs : le savoir-faire, le savoir être, les attitudes, les aptitudes, l’habileté »
Troisième exemple d’action innovante, la réalisation d’un jeu vidéo « Forindustrie » par l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) pour permettre à des demandeurs d’emploi devenus des « gamers » de découvrir les métiers de leur secteur. Et à partir du jeu virtuel, les encourager à aller à la rencontre des entreprises. « Ce que nous avons fait le 19 décembre dernier en partenariat avec la CCI en organisant une rencontre entre les entreprises de l’industrie des Landes et des « joueurs » landais. Il y a eu de superbes rencontres et derrière, des « immersions » ont été signées, des CV récupérés. Nous devons nous autoriser à être créatifs, tout en gardant l’objectif d’intermédiation. »
Autre secteur sur lequel Isabelle Jullian-Averous veut attirer l’intérêt : celui des structures d’insertion par l’activité économique. « Nous en avons 36 dans les Landes et elles sont essentielles pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, pour reprendre confiance en elles, travailler sur leur parcours professionnel, la levée des freins à l’emploi, le lien social. Au terme de contrats de deux ans, généralement les personnes qui ont intégré ces structures peuvent aborder le marché du travail « classique ». Nous avons organisé en mai 2023 à Dax une journée dédiée à ce secteur avec des entreprises qui recrutent. Et ça a été un véritable succès. »
85 % DES ENTREPRISES SATISFAITES
Du pain sur la planche en 2024 donc, avec la mise en place des premières actions concrètes en lien avec la loi pour le Plein emploi, la mise en place d’une gouvernance infradépartementale avec l’État et le Département pour créer des comités locaux d’emploi et pouvoir décider d’actions au regard du diagnostic posé au plus près du territoire. « Nous avons la chance d’avoir des partenaires alignés vers un même objectif. C’est très facilitant. Nous allons avoir à capitaliser sur ce que nous avons déjà réussi à faire ensemble. France Travail s’avère un partenaire central de confiance. 85 % des entreprises sont satisfaites quand elles ont bénéficié des services de nos équipes « entreprises ». Notre ambition en 2024 est d’être encore plus présents auprès d’elles. Avoir à la fois des « viviers de candidats pour les besoins immédiats, mais aussi disposer de données nécessaires pour anticiper leurs besoins. Nous voulons aussi identifier l’entreprise qui ne recrute pas alors qu’elle a un besoin mais estime que c’est trop compliqué et pouvoir lui apporter le service qui va lui permettre de le faire. »
Isabelle Jullian-Averous en convient « Oui, du pain sur la planche mais c’est génial. C’est toute la finalité de notre métier. Se réinventer tous les jours tout en ayant la même finalité. Il faut de l’agilité, de la rapidité, de l’écoute. »
L’EMPLOI DANS LES LANDES EN CHIFFRES
Taux de chômage : 6,8 % (publié en janvier pour le troisième trimestre 2023). À la même période, l’an dernier il était de 6,9 %
Demandeurs d’emploi inscrits
Catégorie A : personnes ayant déclaré ne pas avoir travaillé le mois précédent : 19 000
Catégories A, B, C : (personnes ayant déclaré ne pas avoir travaillé le mois précédent ; avoir travaillé moins de 72 heures ; avoir travaillé plus de 72 heures) : 36 000
Offres d’emploi : 31 751 offres enregistrées auprès de France Travail entre février 2023 et janvier 2024
Recrutements (hors intérim) : 150 757 recrutements réalisés en 2023