Chercher la petite bête… et l’empêcher de nuire : c’est la raison d’être de Scyll’agro. Créée en 2008 à Orthez et installée à Hastingues depuis novembre 2022, l’entreprise est spécialisée dans la formulation et la production de phéromones pour le biocontrôle en agriculture. « Nous proposons des solutions de lutte biologique contre les insectes ravageurs », explique le directeur, Christophe Bresse.
Ces solutions offrent une alternative aux produits phytosanitaires dont l’utilisation est loin d’être anodine. Du fait de leur impact sur l’environnement et la santé humaine, de plus en plus de molécules chimiques sont d’ailleurs interdites. « Heureusement, on peut produire autrement ! », affirme Sébastien Bonduelle, le créateur de Scyll’agro. Face aux dérives de l’agriculture de masse, cet ancien de l’Istom, l’École supérieure d’agro-développement international, a décidé de mettre l’écologie au service du monde agricole en développant des solutions de protection intégrée. « Les phéromones sont les moyens de communication des insectes. En les libérant au bon endroit, il est possible de les piéger. »
Alternative aux pesticides non sélectifs
Ingénieur en agronomie tropicale de formation, il s’est d’abord intéressé au charançon de la banane. Les larves de la charmante bestiole se nourrissent de la tige souterraine des bananiers et affaiblissent les arbres. Pendant plus de vingt ans, c’est à grand renfort de chlordécone que les cultures ont été protégées. Mais le pesticide ne s’est pas attaqué qu’au charançon. En Guadeloupe et en Martinique où il a été utilisé jusqu’à son interdiction en 1993, il a entraîné une pollution durable de l’eau et des sols, et des effets nocifs sur la santé humaine.
Contrairement aux insecticides qui ne sont pas sélectifs, cette phéromone est spécifique au charançon de la banane et permet donc d’être utilisée sans impact sur l’environnement
La solution mise au point par Scyll’agro, elle, n’a d’impact que sur le charançon de la banane. Elle est formulée à base de sordidine, une phéromone que cet insecte libère pour attirer ses congénères vers leur garde-manger préféré. Baptisée Cosmo Plus, elle constitue donc un leurre qui entraîne les ravageurs vers des pièges où ils peuvent ensuite être détruits. « Contrairement aux insecticides qui ne sont pas sélectifs, cette phéromone est spécifique au charançon de la banane et permet donc d’être utilisée sans impact sur l’environnement », souligne Christophe Bresse.
Recherche et développement
Actuellement, Cosmo Plus est le seul produit commercialisé par Scyll’agro. En conséquence, 100 % de la production landaise part à l’exportation. Grâce à cela, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 700 000 euros par an. Un montant qu’elle aimerait doubler dans les années à venir. « L’objectif est de financer la recherche et le développement afin d’imaginer des solutions pour d’autres cultures, en particulier des cultures en zone tempérée. » L’entreprise mène ainsi des projets autour du frelon asiatique et de la punaise diabolique du kiwi.
Mais la R & D prend du temps. « Identifier les phéromones des ravageurs est une première étape réalisée par des entomologistes. C’est à partir de cette littérature scientifique que nous pouvons commencer à travailler. » L’entreprise qui compte deux agronomes et trois chimistes cherche des voies de synthèse pour reproduire la phéromone. Puis elle travaille à la formulation du produit final. « Nous devons trouver le support sur lequel fixer la phéromone et décrire la méthode pour l’utiliser efficacement. » Enfin, elle passe à la production.
L’objectif est de financer la recherche et le développement afin d’imaginer des solutions pour d’autres cultures, en particulier des cultures en zone tempérée
Volontariat international en entreprise
La mise au point d’un produit peut donc prendre plusieurs années. « Si nous voulons en développer de nouveaux, il est impératif que nous augmentions nos ventes. » C’est en embauchant des personnels en VIE (Volontariat international en entreprise) que Scyll’agro entend booster son chiffre d’affaires.
Lauréate du programme « 360 Export », elle bénéficie du soutien financier de la région Nouvelle-Aquitaine pour l’embauche de deux ingénieurs. D’ici mars, l’un sera envoyé en République dominicaine, l’autre en Côte d’Ivoire. « Nous avons besoin de personnes sur place pour accompagner nos produits et services et ainsi développer nos ventes. Ce n’est qu’en solidifiant notre chiffre d’affaires à l’export que nous pourrons sécuriser la R & D pour répondre à des problématiques locales. »
La plus antillaise des entreprises landaises
L’entreprise Scyll’agro tient son nom de la mythologie grecque. « Bonduelle, c’était déjà pris, sourit Sébastien Bonduelle, le créateur de l’entreprise. Dans la légende, Charybde et Scylla étaient deux monstres marins situés de part et d’autre du détroit du Bosphore et qui en rendaient le passage impossible. Cette histoire est à l’origine de l’expression « tomber de Charybde en Scylla » qui signifie « aller de mal en pis », et c’est ça qui m’a inspiré. Quand on voit l’impact sur l’environnement des produits phytosanitaires, on se dit qu’il y a moyen de faire mieux. Pour « traverser le détroit », ce sont des solutions naturelles que Scyll’agro met au point. »
Après avoir créé l’entreprise en 2008, Sébastien Bonduelle l’a vendue à l’un de ses principaux clients en 2019 : le groupe familial antillais CGFI. « J’avais besoin d’aide pour continuer à investir. Et la gestion de l’entreprise m’éloignait de ce que j’aime faire par-dessus tout : le développement de produits. » CGFI a nommé Christophe Bresse directeur de l’entreprise en 2021, mais Sébastien Bonduelle y reste pleinement investi en tant que directeur de la recherche et du développement.
La région aux côtés des entreprises exportatrices
Depuis mars 2023, Frédérique Charpenel, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, déléguée à l’international, réalise un « Export Tour ». Chaque mois, elle se rend dans des entreprises accompagnées par la région sur la thématique de l’export. Le 1er février dernier, elle était à Hastingues. « Scyll’agro est la première entreprise à être entrée dans le programme « 360 Export », indique-t-elle. Avec tous les partenaires réunis au sein de la « Team France Export Nouvelle-Aquitaine », nous proposons un accompagnement sur mesure aux entreprises qui ont une stratégie de développement à l’international. »
Que ce soit pour développer de nouveaux marchés ou s’implanter à l’étranger, le dispositif propose conseils et subventions aux entreprises retenues. Scyll’agro devrait ainsi recevoir une aide de 76 000 €.
« Ce soutien répond à un double enjeu, reprend Frédérique Charpenel. Celui du développement économique et celui de l’emploi des jeunes. Car les VIE sont recrutés localement, en Nouvelle-Aquitaine, avant de connaître une première expérience enrichissante à l’étranger. »