Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Chimie verte : DSM-Firmenich se renforce dans les Landes

Après le rachat en 2020 du fleuron landais de la chimie verte DRT par Firmenich, et la fusion avec  DSM actée en 2023, le groupe helvético-néerlandais, leader mondial des ingrédients de parfumerie et arômes, poursuit son ancrage sur le territoire, de Castets où deux nouvelles usines viennent d’être inaugurées, à Vielle-Saint-Girons où une autre unité est en cours de démarrage.

Cédric Iso, Président de DRT. Amaury Roquette, Directeur Général ingrédients. Emmanuel Butstraen, Président Division Parfumerie et Beauté. Gilles Oddon, Senior Vice Président Opérations DSM Firmenich

Cédric Iso, Président de DRT. Amaury Roquette, Directeur Général ingrédients. Emmanuel Butstraen, Président Division Parfumerie et Beauté. Gilles Oddon, Senior Vice Président Opérations © Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

Cela faisait des lustres qu’il n’y avait pas un tel raout sur le site de DRT (Dérivés résiniques et terpéniques) à Castets : « depuis 1987 », a affirmé Emmanuel Butstraen, le président de la division parfumerie et beauté de DSM-Firmenich venu pour l’occasion. Le 13 mars dernier, il y avait foule d’officiels, élus, représentants de l’État ou de la chambre de commerce et d’industrie et de nombreux salariés pour assister à l’inauguration de deux nouvelles usines de production à Castets qui ont mobilisé 25 entreprises locales pour leur construction. La préfète des Landes, Françoise Tahéri, a même assuré, lors de son discours, que c’était « la première fois » qu’elle inaugurait en même temps deux sites de cette envergure, y voyant « la traduction de la volonté et de la stratégie de DSM-Firmenich sur ce site landais historique ». Ces nouvelles usines sont « synonymes de la reconquête industrielle et de l’accélération de la transition énergétique sur un des plus beaux fleurons de la région », a renchéri Éric Sargiacomo, élu de Nouvelle-Aquitaine qui représentait le président Alain Rousset arrivé en fin de visite car retenu à Bordeaux avec le ministre des Transports, Patrice Vergriete.

CHANEL, DIOR ET LANCÔME

La première nouvelle installation qui fonctionne depuis quelques mois sous le nom Unité IV, est une unité polyvalente pour la production d’ingrédients biosourcés à base de pin essentiellement venu d’Europe, sur quatre étages et 17 000 m² incluant le parc de stockage, au cœur des 26 hectares du site de DRT, rachetée en 2020 par Firmenich au fonds d’investissement Ardian qui était devenu actionnaire de référence trois ans plus tôt. De quoi créer des molécules plus complexes de parfumerie fine à forte valeur ajoutée, quand le site de Vielle-Saint-Girons se concentre plutôt sur des produits de base type détergence. Ici, la structure chimique des ingrédients est modifiée pour leur donner le comportement olfactif souhaité (rose, citron, poivre, rhubarbe…) avant leur livraison, sous forme liquide, partout dans le monde en fût ou cuve.

La deuxième usine sur cinq étages de 100 m² chacun, sur le site contigu Firlandes (propriété de Firmenich depuis 1998) est uniquement dédiée à la production du musc biodégradable Habanolide, parmi les ingrédients les plus vendus de DSM-Firmenich, qui sert aussi bien dans les lessives et shampooings que dans la parfumerie fine, avec des clients comme Chanel, Dior ou Lancôme.

DSM Firmenich

© Altispot

65 MILLIONS D’EUROS D’INVESTISSEMENT DEPUIS 2021

Au total, un investissement global de 65 millions d’euros depuis 2021 qui, selon Emmanuel Butstraen, « dénote notre volonté d’ancrage et notre envie de continuer notre développement économique dans la région », la France étant « le deuxième pays après la Suisse dans notre ancrage industriel et l’ancrage des marchés ». Ces projets d’expansion au cœur du massif forestier landais, a-t-il ajouté, « consolident la présence historique de DRT », fondée en 1932 par des sylviculteurs landais à Vielle-Saint-Girons où DSM-Firmenich vient d’ailleurs de construire un tout nouvel atelier Gum pour les résines hydrogénées (chewing-gum, adhésifs, asphaltes…) qui est en cours de démarrage, avec de nouvelles créations d’emplois à la clef.

Alors que le site DRT de Lesperon, spécialisé dans les dérivés de colophane, a été placé en activité partielle cet hiver et que la dernière étude de conjoncture en Nouvelle-Aquitaine de la Banque de France [cf. LAL n° 4104 du 2 mars] fait apparaître globalement un net recul du chiffre d’affaires sur l’activité produits industriels dans la chimie, Amaury Roquette, le directeur général ingrédients parfumerie et beauté, a assuré que sa division était « une industrie très résiliente, liée à l’évolution des classes moyennes et à la démographie dans le monde. Nous avons la chance de jouir d’une croissance constante ». Se recentrant sur ses activités nutrition, santé humaine et beauté, le groupe DSM-Firmenich a d’ailleurs annoncé le mois dernier qu’il allait se séparer de sa division nutrition animale et vitamines pour le bétail (3 milliards d’euros de chiffre d’affaires), un marché jugé trop volatil et qui a plombé ses résultats annuels.

DSM Firmenich

© DSM Firmenich

POUVOIR GROSSIR ENCORE

Sans trop en dire sur les milliers de tonnes de matières premières et finales qui, chaque année, entrent et sortent d’ici – concurrence mondiale oblige -, les deux nouvelles usines en fonctionnement 7 jours/7 et 24 heures/24 (classées Seveso seuil haut), vont en tout cas permettre d’accroître les capacités de production « pour une plus grande performance industrielle et aller plus loin dans l’efficacité énergétique », a insisté Emmanuel Butstraen. Chacune possède d’ailleurs encore des espaces vides pour pouvoir grossir encore. Celle consacrée à l’Habanolide, la première en Europe, va désormais faciliter l’approvisionnement des marchés européens et du Moyen-Orient alors que le groupe préparait jusqu’ici l’entièreté de ce « musc macrocyclique élégant aux notes chaudes et légèrement boisées » uniquement dans son usine du New Jersey, près de l’aéroport de Newark. « On était sold-out (en rupture de stock) avec l’usine aux États-Unis vu la demande. Et en produisant désormais de A à Z ici aussi [une partie de la chaîne était déjà effectuée sur place avant d’être achevée aux USA, NDLR], on se rapproche de nos clients européens, on dépensera moins en logistique, et cela participera à la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) », fait valoir Amaury Roquette. DSM-Firmenich s’est en effet fixé pour objectif une baisse de 25 % de GES d’ici à 2030 sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.

Une chimie verte et durable qui prend ses fondements dans l’essence même de sa production puisque DRT utilise depuis toujours des ingrédients dérivés du pin (colophane, térébenthine…) et des coproduits (déchets valorisables) de l’industrie papetière pour les transformer en ingrédients de valeur ajoutée pour la parfumerie, la santé, la nutrition, l’industrie. Dans la nouvelle Unité IV, les résidus de fabrication sont également recyclés en combustible pour produire 90 % de la vapeur nécessaire sur le site : « Notre spécialité, selon un salarié sur site, c’est l’art d’accommoder les restes. »

DSM Firmenich

© Agence Odds

 

LE GROUPE DSM-FIRMENICH

Issue de la fusion en mai 2023 de DSM, née en 1902 aux Pays-Bas, et de Firmenich, née en 1895 à Genève

12 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 (- 7 % par rapport à 2022)

4 divisions :

  • Parfumerie et beauté (40 % de l’activité du groupe),
  • Goût texture et santé
  • Santé nutrition et soins
  • Nutrition et santé animales (cession prévue en 2025)

« 2 milliards de personnes touchent nos produits chaque matin »

Présence dans 60 pays

6 sites dans les Landes : à Castets avec DRT, Action Pin (hygiène professionnelle et protection des cultures) et Firlandes, à Vielle-Saint-Girons, Lesperon et Dax (bureaux).

Présent aussi en Béarn à Mourenx (SBS, produit des dérivés de l’acroléine)

30 000 salariés dans le monde, dont un millier dans les Landes

EN CHIFFRES

65 millions d’euros d’investissement depuis 2021 pour ces deux nouvelles usines à Castets, dont 3,8 millions de subventions de la région Nouvelle-Aquitaine et de l’État dans le cadre du plan de relance

27 recrutements sur les deux sites sur un total de 900 salariés environ

Unité IV : 17 000 m² de surface, 30 km de tuyauterie, 5 000 vannes, 4 colonnes à distiller, 2 réacteurs, et de la place pour plus si besoin

Unité Habanolide : 5 étages de 100 m² chacun

 

CASTETS PENSE EXTENSION

En saluant ce « grand moment » d’inauguration des deux nouvelles usines, Philippe Mouhel, maire de Castets et président de la communauté de communes Côte Landes Nature, a proposé au groupe DSM-Firmenich de lui réserver une quarantaine d’hectares sur le territoire (34 à Castets et 10 à Vielle-Saint-Girons) pour des projets futurs. « Nous allons autoriser 100 nouveaux hectares pour les entreprises, vous seuls aurez droit à 45 », a-t-il dit, espérant que le nouveau PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) « passe sous les fourches caudines de la préfecture », tout en s’en prenant à la loi Zéro artificialisation nette (ZAN). L’élu a aussi dit son projet de création d’une « foncière ouverte au privé » pour permettre in fine aux jeunes qui arrivent de se loger : « Il faut que vous y participiez », a-t-il lancé aux dirigeants de DSM-Firmenich, soulignant que la commune était revenue à l’époque des forges avec « autant d’habitants que de salariés. Et c’est grâce à vous. »

« L’extension de foncier n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd », a réagi auprès de la presse, Amaury Roquette, directeur général de la division ingrédients parfumerie et beauté du groupe, qui prend aussi « très au sérieux » la proposition de foncière pour résoudre les problèmes récurrents de logement des personnels.