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Bio Pays Landais tient le choc

Sur un marché en déclin, la Sica Bio Pays Landais a perdu 20 % de son chiffre d'affaires en trois ans. Mais la force du collectif lui a permis de résister et de poursuivre son activité. La plateforme de distribution de fruits, légumes et épicerie bio cherche même de nouveaux producteurs.

« Tout ce qui pousse sous nos latitudes, on le propose », assure le directeur Michel Bonadeo

« Tout ce qui pousse sous nos latitudes, on le propose », assure le directeur Michel Bonadeo© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

À en croire les sondages, les consommateurs cherchent à manger sain, durable et local. Mais lorsque leur pouvoir d’achat est mis à mal, l’alimentation devient la principale variable d’ajustement de leur budget et ils se replient instinctivement vers les premiers prix. Bio Pays Landais en a fait les frais. Le chiffre d’affaires de la plateforme de distribution de fruits, légumes et épicerie bio installée à Saint-Geours-de-Maremne est passé de 22 millions d’euros en 2020 à 18 millions d’euros en 2023. Moins 20 % en trois ans !

« Les ventes ont commencé à décrocher en octobre 2021, indique Michel Bonadeo, cogérant directeur de la Société d’intérêt collectif agricole (Sica). Mais c’est le conflit en Ukraine, fin février 2022, qui a accéléré le processus. Dès que les médias ont commencé à parler d’inflation, et avant même que les étiquettes n’augmentent réellement, on a ressenti un fort ralentissement de la consommation. »

25 ANS D’EXISTENCE

Heureusement, Bio Pays Landais a une assise solide. La Sica est née en 1999 à Saint-Jean-de-Marsacq dans un hangar de 120 m². À l’époque, une quinzaine de producteurs bio créent un service commercial et logistique capable de regrouper l’ensemble des fruits et légumes bio produits dans les Landes pour les mettre à disposition de tous les circuits de distribution de la région. Après des débuts anecdotiques, le succès est tel que Bio Pays Landais est obligé de déménager pour assurer la logistique des commandes. Elle loue un entrepôt de 700 m² à Saint-Vincent-de-Tyrosse en 2005, avant de s’installer dans le parc d’activités Atlantisud de Saint-Geours-de-Maremne en 2011, dans un bâtiment financé avec le concours du conseil départemental.

Aujourd’hui, après un agrandissement en 2019, la Sica mène ses activités dans 5 000 m² de locaux et de bureaux. Elle regroupe une centaine de producteurs de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie. « Tout ce qui pousse sous nos latitudes, on le propose ! Chacun des producteurs s’attache à développer le ou les produits pour lesquels il a le meilleur terroir afin d’obtenir une production de qualité. Nous avons également recours à quelques produits hors région pour répondre au mieux à la demande de nos clients. » C’est le cas notamment pour les agrumes d’Espagne en hiver.

© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

Née dans un hangar de 120 m2 à Saint-Jean-de-Marsacq en 1999, la Sica mène aujourd’hui ses activités dans 5 000 m2 de locaux et de bureaux à Saint-Geours-de-Maremne. © Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

67 ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN

Comme les produits commercialisés, l’activité est très saisonnalisée. « Février est un mois creux, le plus bas en chiffre d’affaires. A contrario, avril est le mois où nous réalisons nos meilleures ventes grâce aux asperges. Août, pour sa part, est le plus gros mois en tonnage. »

Cette fluctuation de la production a un impact sur la main-d’œuvre. La Sica, qui emploie 45 personnes à l’année, embauche une quarantaine de saisonniers en juillet, août et septembre, soit au total 67 équivalents temps plein. « Nous garantissons la fraîcheur à nos clients. Nous travaillons donc sur commande et nous ne pouvons pas prendre plus d’un jour d’avance dans le conditionnement. » La mise en sachet ou en barquette se fait en flux tendu : 7 000 unités par jour en hiver et jusqu’à 40 000 en été.

Le gros du chiffre d’affaires se fait grâce aux asperges, tomates, carottes, pommes de terre, kiwis, pommes et courgettes, en marque propre ou en marque de distributeurs. Toutes les enseignes de supermarchés et d’hypermarchés de la région font appel à Bio Pays Landais. D’ailleurs, la mise en vente des magasins Casino fait planer une incertitude sur les volumes qui vont être commercialisés cette année. « À eux seuls, ils représentent 40 tonnes de courgettes et 20 tonnes de tomates… Espérons que les repreneurs poursuivent le partenariat ! »

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Sur les chaînes de conditionnement, les salariés de Bio Pays Landais emballent 7 000 unités par jour en hiver, et jusqu’à 40 000 en été© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

640 000 TONNES DE CAROTTES

Michel Bonadeo reste globalement optimiste. « Je pense que la situation traversée par le bio est conjoncturelle. D’ailleurs, la consommation s’est stabilisée depuis le mois d’octobre. Certains prix commencent même à remonter ! » En observant les ventes, le directeur souligne que tous les produits ne se sont pas comportés de la même façon durant la crise. « On est en difficulté sur ceux dont le prix unitaire est élevé. Pas sur le fond de panier. Les produits lourds se sont mieux maintenus que les autres. » C’est le cas notamment pour les carottes. Bio Pays Landais en a vendu 479 000 tonnes en 2022 et 640 000 tonnes en 2023 (+ 33 %), tout en faisant passer le prix de 0,89 euro à 1,04 euro le kilo (+ 17 %). Même chose pour la pomme de terre dont les tonnages ont augmenté de 11 % et les prix de 4 %. En revanche, les ventes de raisins ont diminué de 28 % en tonnage et de 10 % en prix. Et si le tarif des fraises a augmenté de 21 % d’une année sur l’autre pour compenser la hausse des coûts de production, les ventes, elles, ont chuté de 29 %. Pour autant, la Sica ne s’est pas retrouvée avec des centaines de cageots de fraises sur les bras. « L’avantage d’être un groupement de producteurs, c’est que nous pouvons adapter l’offre à la demande en fonction de ce que nous pressentons du marché. Pour les fraises, par exemple, nous avions réduit les enclavements afin de ne pas nous retrouver en surproduction. »

Patxi BELTZAIZ

Patxi BELTZAIZ

AU SERVICE DE SES PRODUCTEURS

Contrairement à un grossiste lambda, Bio Pays Landais est avant tout au service de ses producteurs. D’ailleurs, 37 d’entre eux sont sociétaires et participent à la gouvernance de la Sica au cours d’une assemblée générale annuelle.

« En plus de voter l’évolution des projets, devenir sociétaire permet aux producteurs d’être prioritaires sur les apports. Ils s’engagent sur une planification et de notre côté, nous nous engageons à commercialiser la totalité de leur production. » Seuls les producteurs qui travaillent depuis au moins deux ans avec la Sica peuvent prétendre à souscrire des parts sociales. « Il faut aussi qu’ils soient fiables, sérieux, qu’il y ait une bonne communication entre nous et que leur adhésion soit validée par les autres sociétaires », complète Michel Bonadeo.

Pour compléter les gammes, Bio Pays Landais fait appel à des producteurs non sociétaires. Et maintenant que la demande ne baisse plus, elle est prête à en accueillir de nouveaux. « Nous étudions les projets en fonction des terroirs et des objectifs des agriculteurs, afin de créer des partenariats gagnant-gagnant. » La Sica recherche notamment des producteurs de céleri-rave, brocoli, panais, poires, kiwis et raisin.

© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

UNE GAMME D’ÉPICERIE QUI SE DÉVELOPPE

En 2022, Bio Pays Landais a racheté la marque Hello Bio. Créée à Biron (Pyrénées-Atlantiques) en 2015, elle propose une gamme de protéines végétales biologiques : soja texturé, légumineuses, graines et plats cuisinés végétariens prioritairement d’origine locale. « Cela complète parfaitement notre propre offre », indique Michel Bonadeo, directeur de la Sica.

La ligne d’emballage de légumes secs a été rapatriée à Saint-Geours-de-Maremne, tandis que la marque est en train d’être déployée sur toute la gamme d’épicerie de Bio Pays Landais : jus de fruits, huiles, confitures… « Nous voulons étoffer l’offre afin de proposer la gamme de protéines végétales la plus complète possible. »

© Patxi Beltzaiz / Hans Lucas

DU RESTAURANT À LA CENTRALE D’ACHAT

Avec son offre diversifiée, Bio Pays Landais séduit tous les circuits de distribution de la région. Les centrales d’achat de la grande distribution du Sud-Ouest génèrent 33 % du chiffre d’affaires de la Sica. Les magasins bio (environ 70) arrivent en deuxième position avec 25 % des ventes. Les expéditions hors région sur des productions très spécifiques, comme l’asperge, fournissent 18 % du chiffre d’affaires. Une trentaine de commerçants non sédentaires et une quinzaine de boutiques à la ferme se partagent 15 % des ventes. Enfin, la restauration commerciale et collective représente 9 % du chiffre d’affaires.

« En restauration commerciale, nous travaillons avec une centaine d’établissements, précise le directeur Michel Bonadeo. Souvent, il s’agit de petites commandes de quelques kilos de fruits et de légumes. Pour les servir au mieux, nous nous sommes équipés de trois véhicules qui réalisent des tournées de livraison quotidiennes. »

La vente directe est un segment que la Sica a pour l’instant peu développé. Elle propose toutefois depuis 2017 une boutique en ligne, Le Panier biologique, sur laquelle les particuliers peuvent commander des paniers précomposés ou en libre choix à retirer à Saint-Geours-de-Maremne en click and collect. Depuis 2020, la Sica s’est également lancée sur l’application Too good to go pour revaloriser ses écarts de tri.