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Miraïa : le biochar, ce nouvel or noir

D’ici deux ans, une usine de production de biochar devrait entrer en service à Garlin, en Nord-Béarn. L’entreprise Miraïa, aux manettes de ce projet, mise sur ce charbon végétal « stockeur » de CO2 pour contribuer à la décarbonation de l’économie.

© E.L-T - La Vie Economique

Ce vendredi après-midi, en mairie de Garlin, deux riveraines terminent une discussion de près d’une heure avec Jean Escaffre, directeur général et cofondateur de Miraïa. Un échange éclairant sur un sujet qui les interpelle : dans un an, la construction d’une usine de biochar et de bio huiles par cette jeune société toulousaine débutera non loin de leurs habitations, sur un terrain de 5 hectares en bordure de l’A65. Le projet industriel, d’ampleur, fait logiquement grand bruit dans ce village de 1 300 habitants dont les interrogations et les considérations veulent être prises en compte. « Nous souhaitons être le plus transparents possible », témoigne ainsi le dirigeant à l’occasion d’une permanence à destination des Garlinois avides d’en savoir davantage sur la future unité et, aussi, sur ce fameux biochar.

De l’or végétal

Très peu connu du grand public, ce matériau ancestral sous forme de poudre noire utilisé par les civilisations précolombiennes et surnommé « or végétal » et « or noir », revient sur le devant de la scène. D’autant plus depuis sa classification par les climatologues du GIEC parmi « les techniques à émission négative », indispensables selon eux pour retirer du CO2 de l’atmosphère et limiter le réchauffement climatique. Pour cause, le biochar, charbon d’origine végétal issu de la combustion par pyrolyse de résidus de bois, emprisonne 60 à 90 % du carbone extrait de ce dernier. « On a coutume de dire qu’une tonne de biochar stocke l’équivalent de trois tonnes de CO2 », précise à ce sujet Jean Escaffre, avant d’en détailler les applications vertueuses.

Miraïa prévoit d’implanter 5 voire 6 autres usines en France, à horizon 2030

Du biochar pour amender le sol

« Utilisé comme amendement de sol, le biochar permet de réduire le stress hydrique, de stimuler la biodiversité et de stocker le carbone dans le sol de façon durable », résume-t-il ainsi. « C’est également un produit qui permet de remplacer le charbon fossile et ainsi de décarboner les industries les plus émettrices de CO2, mais aussi de fabriquer des matériaux carbonégatifs ». L’agriculture, la construction ou encore la métallurgie sont ainsi autant de marchés visés par Miraïa, qui souhaite travailler en circuit court avec des agriculteurs et des entreprises locales dès le lancement de la production en 2026, arguant utiliser « des ressources du territoire pour le territoire ».

Le biochar de Miraïa pourra être utilisé par le secteur de l’agriculture, de la construction ou encore de la métallurgie

Une unité modèle

D’ici là, plusieurs étapes restent encore à valider dont celle, cruciale, de demande d’autorisation environnementale (DDAE). « Le dossier est en cours de dépôt », assure Jean Escaffre, par ailleurs confiant bien que les financements ne soient pas bouclés. L’entreprise toulousaine n’a visiblement que peu de doute sur la viabilité de son projet et son exécution. Pour preuve, elle vise plus loin selon Jean Escaffre qui annonce : « L’unité de Garlin sera un modèle. Ensuite, nous souhaitons créer 5 voire 6 autres usines, notamment dans le Grand Est et dans le centre de la France, à horizon 2030 ». En l’occurrence, au plus près de la ressource en bois. « Nos implantations sont réfléchies avec l’aide de tous les spécialistes de l’écosystème forestier, afin de faire matcher les besoins par rapport à la ressource », précise-t-il encore, lui qui avec ses associés a choisi Garlin pour son site labellisé « Clés en main », sa proximité avec Toulouse et, bien entendu, avec les forêts pyrénéennes et landaises.

© Miraïa

© Miraïa

Redynamiser la filière bois

La question de la matière première nécessaire à la fabrication du biochar est en effet au cœur de ce projet. Le processus Miraïa utilise uniquement du résidu de l’exploitation forestière du bois d’œuvre, appelé « bois industrie », « issu de forêts locales durablement gérées avec un approvisionnement varié ». Sur ce sujet, Jean Escaffre, par ailleurs issu d’une famille d’entrepreneurs négociants en bois dans l’Albigeois, veut aller encore plus loin : « Nous souhaitons redynamiser la filière bois en replantant sur des terres autrefois destinées à l’élevage et aujourd’hui en friches. » Une manière, aussi, de répondre aux ambitions affichées de Miraïa : « créer une usine exemplaire et respectueuse de son environnement au cœur du territoire ».

L’unité Miraïa en chiffres

35 emplois directs créés

30 M€ d’investissement

135 000 tonnes de bois frais consommés par an soit 75 000 tonnes de bois sec

20 000 tonnes de biochar

50 000 tonnes de bio huiles issues de la condensation des fumées de la pyrolyse

1 000 m3 d’eau consommés par an

9 GWh d’électricité produits par an