Couverture du journal du 03/12/2024 Le nouveau magazine

Sarro Voyages : une femme au volant

À 41 ans, Lise Sarro dirige l’entreprise familiale. Avec l’envie de changer l’image du voyage en bus. Même si depuis le Covid, l’activité tourisme ne s’est jamais aussi bien portée.

Sarro voyages

Lise Sarro, Directrice du groupe Sarro © Patxi Beltzaiz - Hans Lucas

À elle de nous faire préférer le bus. Cela pourrait être en plagiant un slogan célèbre pour un autre type de transport, le mantra de Lise Sarro. À 41 ans, cette bosseuse qui écrit toutes ses nouvelles idées sur des petits carnets, dirige depuis 17 ans déjà l’entreprise familiale. Sarro, un nom devenu une marque, siglé sur des autocars qui traversent le territoire landais pour le transport scolaire et le tourisme de moyenne et longue distance, avec des bases et des dépôts à Mont-de-Marsan, Orthevielle et Mimizan, deux agences de voyage à Dax et Bayonne où sont principalement vendus les voyages « maison ». Des voyages en bus à travers l’Europe qui séduisent principalement une clientèle senior, dont le succès ne s’est pas démenti et même bien au contraire depuis les années Covid. Ce qui n’empêche pas l’entreprenante quadra qui a dû mettre les bouchées doubles pour prouver, sans rien renier, qu’elle n’était pas qu’une héritière, d’apporter sa griffe. Et de vivre avec son temps.

UN SERMENT À HUIT ANS

« C’est fou ce qu’on se met sur les épaules à huit ans ! », sourit Lise Sarro. Mais pour la petite fille qu’elle était, il n’y avait aucun doute. Michel, son grand-père adoré venait de mourir et elle s’était fait le serment de le rendre fier d’elle et de reprendre l’entreprise créée en 1944 à Roquefort par son arrière-grand-père. Une histoire de famille et de couples comme on en trouve beaucoup dans les entreprises d’autocaristes. À la suite de son grand-père, ce sont Alain et Monique, les parents de Lise, qui ont fait croître les cars Sarro, en rachetant notamment l’entreprise Doméjean à Peyrehorade en 1977 et en développant l’activité tourisme. Ces voyages en bus qui font le bonheur d’une clientèle de 75 ans de moyenne d’âge, qui apprécie de découvrir Rome, la Costa Brava ou d’autres régions de France, de façon sécure, où tout est organisé de A à Z. À chaque saison, le catalogue s’arrache.

BAC + 5 ET PERMIS BUS

Même s’ils n’ont pas totalement délaissé l’entreprise Alain et Monique ont laissé les rênes à leur fille unique dont l’enfance a baigné dans l’entreprise, au volant du bus avec son père, dans les bureaux avec sa mère. « Ils ne m’ont jamais poussée dans cette voie. Mais c’était mon choix et j’ai fait mes études en fonction de ça » : IUT du transport à Bordeaux, école de direction dans le transport de voyageurs à Paris, et école de commerce à Pau, section reprise des entreprises familiales et patrimoniales. Mais elle savait aussi qu’un bac + 5 n’impressionnerait pas dans un milieu d’hommes. Elle a donc passé son permis et effectué régulièrement du transport scolaire, ce qu’elle fait encore parfois pour pallier le manque de chauffeur. « À l’époque, j’avais 23 ans, il fallait que je prouve plus que les autres, que j’aie le permis, que je connaisse un peu de mécanique, en gros que je sois comme mon père. À 40 ans, on se dit que ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Et qu’il vaut mieux utiliser sa force de femme ou tout simplement ce que l’on est pour manager au mieux. »

Sarro voyages

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

MIEUX QU’AVANT LE COVID

En douceur, Lise Sarro, directrice générale des trois sociétés(*), a donc tracé sa route, amené ses idées. « Je suis entrée au Centre des jeunes dirigeants et j’y suis restée 13 ans. Cela m’a beaucoup apporté. Du réseau, oui, mais j’ai surtout beaucoup appris en termes de développement personnel, de management. Ça m’a aidée à grandir dans l’entreprise. » L’entreprise qui affiche toujours une belle santé avec un chiffre d’affaires global de 7,5 millions d’euros. Et le Covid n’y a rien fait. « On pensait que les gens seraient frileux pour repartir. Au tout début oui, mais après, ils ont très vite voulu voyager de nouveau. En 2023, les chiffres pour le tourisme dépassent ceux de 2019, avec une progression de 10 %. »

CHAUFFEURS, LA DENRÉE RARE

Une marque de confiance pour Lise Sarro qui veut développer le secteur tourisme, mais dont le problème majeur reste le recrutement de chauffeurs. « C’est un métier qui va à l’opposé de ce que recherchent les gens aujourd’hui. Ils veulent profiter de leur famille, avoir leur week-end. C’est un métier qui va au-delà de celui de conduire. On s’occupe des passagers pour régler toutes sortes de problèmes, on est l’image de l’entreprise. C’est un métier de passion. » Alors, elle multiplie les initiatives originales comme celle initiée avec le GEIQ (Groupement d’employeurs pour l ’insertion et la qualification), consistant, entre autres tests, à recevoir des candidats en immersion dans l’entreprise pour savoir s’ils sont faits pour ça ou pas. Elle multiplie aussi les visites de classes : « J’adore échanger avec eux sur le métier. »

J’ai envie d’attirer des gens de ma génération, que l’image du car évolue, qu’il soit vu comme pouvant favoriser un lien de partage, à travers le voyage

Le Covid s’est avéré une période propice pour noircir le papier de ses carnets. « J’ai envie d’attirer des gens de ma génération, que l’image du car évolue, qu’il soit vu comme pouvant favoriser un lien de partage, à travers le voyage. En proposant des expériences nouvelles à cette génération, des choses qu’ils n’ont jamais vécues. » À l’image de cette location de vans qu’elle propose avec Moovecamp by Sarro, accompagnée de suggestions libres de road trips. Et pourquoi ne pas appuyer sur l’argument écologique ? L’entreprise s’est équipée de bus roulant plus vert en utilisant des GNL (gaz naturel liquéfié) et biocarburants.

L’an prochain, Sarro fêtera ses 80 ans. L’entreprise compte 80 collaborateurs que Lise dirige à sa façon, moins pyramidale, en s’appuyant sur une équipe solide de directeurs. Le téléphone jamais très loin, mais en s’accordant aussi du temps pour vivre. Son fils de 11 ans rêve pour l’heure d’être Antoine Dupont. Quant à elle, elle se dit que son grand-père serait fier d’elle.

(*) Cars Sarro à Orthevielle ; Sarro Autocars à Mont-de-Marsan et les agences de voyage