Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Marie-Hélène Cazaubon : « Que l’État fasse respecter la loi Égalim »

Depuis des semaines, les panneaux de villes et villages landais se sont retrouvés, comme ailleurs en France, la tête à l’envers. Et la mobilisation s’est amplifiée par des blocages de routes. Cette semaine, les agriculteurs landais mènent des opérations sur des sites de la grande distribution (GMS). Le point des revendications avec la présidente de la chambre d’agriculture des Landes, Marie-Hélène Cazaubon, éleveuse de canards à Montsoué.

Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la chambre d’agriculture des Landes

Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la chambre d’agriculture des Landes © Chambre d’agriculture des Landes

Les Annonces landaises : Y a-t-il des spécificités landaises dans ce mouvement national des agriculteurs ?

Marie-Hélène Cazaubon : Nos revendications s’inscrivent dans les revendications nationales. Lors de la réunion avec la préfète des Landes ce lundi après-midi, nous avons soulevé de nombreux points comme sur l’élevage bovin. Nous sommes dans un département où nous avons perdu il y a quelques années la totalité des zones agricoles classées « défavorisées » qui permettaient un accompagnement spécifique sur ces espaces soumis à des contraintes naturelles ou spécifiques, notamment dans le Tursan et en Chalosse. Les producteurs ont été très pénalisés par cette disparition qui n’a jamais été compensée par ailleurs. S’y ajoute le problème sanitaire avec la maladie MHE qui affecte les bêtes, la prise en charge n’est pas suffisante. Une vache qui ne produit pas un veau, c’est une année sans revenu. Comment accompagner ce dossier différemment, sans compter que la nouvelle PAC (Politique agricole commune) a fait un peu plus souffrir les éleveurs de bovins ? Nous avons des jeunes engagés dans la filière, donnons-leur la possibilité de maintenir l’élevage. Sans production et valorisation de ces terres, ces surfaces deviendraient des friches et des ronciers. Nous avons un rôle social, économique et au-delà un rôle dans le dynamisme et la richesse de nos territoires : nous sommes 2 % de la population à rendre service à 100 % de la population. Et l’enjeu est bien de donner envie à nos jeunes de reprendre des exploitations et de s’installer durablement dans tous ces métiers-là.

LAL : Qu’en est-il des éleveurs de poulets landais de qualité ?

M.-H. C. : Dans les Landes, notre agriculture est basée sous le signe officiel de qualité, nous sommes le bastion historique du poulet Label Rouge qui est aujourd’hui mis en concurrence avec les poulets importés à bas coûts. Aujourd’hui, 80 % du poulet consommé est du standard dont 50 % importés du Brésil ou d’Ukraine et avec toute la compassion qu’on peut avoir pour un pays en guerre, c’est injuste. On ne peut pas être nous, agriculteurs landais, la variable d’ajustement en termes d’importations. La loi Égalim prévoit 50 % de produits sous signe officiel de qualité, bios ou locaux dans la restauration collective, on n’y est pas du tout ! Certaines cantines landaises la respectent mais il faut faire un état des lieux de ce qui est fait partout. Il y a bien sûr une grande colère des agriculteurs face aux poids lourds de la grande distribution qui trouvent les moyens de contourner la loi Égalim et achètent en dessous du prix qui permet aux éleveurs de vivre. D’où la présence de manifestants, syndiqués ou non syndiqués, qui s’est renforcée cette semaine devant les sites de GMS, toujours dans le respect des biens et des personnes. Il faut des contrôles dans la grande distribution, que l’État fasse respecter ce qui a été signé dans la loi !

Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la chambre d’agriculture des Landes

Pour Marie-Hélène Cazaubon, la « grande colère des agriculteurs » vient, entre autres, du fait que « des poids lourds de la grande distribution achètent en-dessous du prix qui permet aux éleveurs de vivre » © D.R.

LAL : Vous parlez aussi de normes intempestives et de « suradministration »

M.-H. C. : Nous sommes constamment bloqués pour faire notre métier dans de bonnes conditions par toujours plus de déclarations, d’autorisations, de papiers de-ci de-là. Cette surcharge normative, cette suradministration, les délais d’instruction… que ce soit, par exemple, pour l’entretien des cours d’eau, les remplacements de forage ou l’agrandissement d’un bâtiment d’exploitation, tout cela est devenu invivable et décourage les agriculteurs. C’est le cumul de tout ça qui fait que la coupe est pleine, et elle déborde dans la rue. Sur l’influenza aviaire, les dossiers d’indemnisations arrivent à terme six à 12 mois après. Sur l’eau et l’irrigation, revenons aux niveaux d’autorisations de 2022. S’il n’y a pas besoin d’irriguer, nous n’irriguons pas ! Et nos collègues kiwiculteurs savent bien que si on peut retenir l’eau en amont, leurs kiwis auraient moins les pieds dans l’eau… Faisons confiance à nos gestions saines d’utilisation !

La loi Égalim prévoit 50 % de produits sous signe officiel de qualité, bios ou locaux dans la restauration collective, on n’y est pas du tout !

LAL : Certains commencent à évoquer sur les réseaux sociaux un boycott du prochain Salon de l’agriculture à Paris (24 février-3 mars), qu’en pensez-vous ?

M.-H. C. : Le Salon est une vitrine de notre agriculture et de nos élevages, il faut que nos agriculteurs aient envie d’y aller et j’espère qu’on sera nombreux à s’y rendre dans la sérénité. Boycotter ne rendrait pas une bonne image, car c’est aussi un endroit de rencontres, de discussions, de dialogue, où on parle à un maximum de dirigeants pour traiter les sujets de fond. Mais bien sûr, on espère tous des annonces avant ce rendez-vous incontournable pour l’agriculture française.