Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Dossier – Cabanes de plages : effet mer

Quoi de plus agréable que de déguster une poêlée de chipirons ou boire un verre en regardant le soleil se coucher sur l’océan ? Les cabanes de plage sont devenues un incontournable de l’été landais. Avec un poids économique et un impact touristique non négligeables. D’où l’émoi suscité par la menace qui plane au-dessus de certains toits en bois.

Les cabanes de plage font désormais partie de la carte postale de l'été landais

Les cabanes de plage font désormais partie de la carte postale de l'été landais © Bernard Dugros

Hossegor avait lancé la tendance en 2016. Réinventer les cabanes de plage en modifiant les règles d’attribution de ses concessions, mais surtout en manifestant la volonté de les voir devenir des lieux de vie, où l’on vient s’attabler pour manger un morceau, boire un verre sur un transat, les pieds dans le sable, les yeux rivés sur l’océan. Aux buvettes où l’on venait chercher une glace ou un sandwich se sont en partie substituées des cabanes fleurant bon le bois, du toit au plancher. À site exceptionnel, exigence d’esthétique pour ces structures démontables et donc éphémères, dont le style correspond à l’époque et à raisonnables, là encore en phase avec l’air du temps : poke bowls et assiettes « healthy », « veggie », côtoyant plats à la plancha. En résumé, un concept qui a tout de suite suscité un réel engouement. Si bien que la menace de leur suppression, en raison de l’application d’un décret de 2019 protégeant les sites naturels du littoral, provoque une vague de protestations.

CARTE POSTALE ANIMÉE

« Nous sommes dans un endroit magique et je me réjouis que les cabanes continuent à exister sur nos plages, et j’espère qu’elles y resteront. C’est très important pour le territoire. On s’est battu pour que cela soit ainsi. On se battra pour que cela le reste. » C’est Hervé Bouyrie, le président de Landes Attractivité, qui s’exprimait ainsi le 28 juin dernier, à la cabane des Estagnots à Seignosse, choisie pour accueillir la signature d’une convention des plus officielles. Loin d’être anodin, ce choix soulignait l’importance prise par ces structures présentes sur quasiment toutes les plages landaises. Chacune dans son style. « Cela fait désormais partie de la carte postale de l’été landais », note Pierre Pecastaings, le maire de Seignosse.

« C’est un atout touristique largement plébiscité par les vacanciers, mais aussi par les locaux, ajoute Patrick Laclédère, son homologue de Capbreton, qui estime qu’elles sont aussi devenues de véritables lieux d’animation. « On sait que la population touristique vient à 70 % pour nos plages de sable fin. Mais aujourd’hui ces cabanes constituent un point d’attractivité nouveau qui participe à l’idée d’animer les plages où l’on ne vient plus seulement pour se baigner et bronzer. »

À la carte, une offre à prix raisonnables, en phase avec l’air du temps

Planches éphémères cabanes

© Les Planches éphémères

UNE DIMENSION ÉCONOMIQUE

Une fonction d’animation qui n’occulte pas un aspect financier non négligeable pour les collectivités. Selon les choix effectués par les communes, les attributaires de concessions s’acquittent d’une redevance fixe et/ou d’une part variable de leur chiffre d’affaires (de 6 à 10 %). À titre d’exemple, ces chiffres d’affaires oscillent entre 600 000 et un million d’euros pour les cabanes de Seignosse. Une activité lucrative, si l’on en juge par l’effervescence suscitée à chaque nouvel appel d’offres. Et ce, même si cette activité ne dure que cinq mois, de mai à octobre, et se trouve entièrement soumise à la météo. Pour autre illustration, l’activité des cabanes a rapporté la somme de 320 000 euros à la commune de Capbreton en 2022, avec une progression de près de 100 000 euros depuis le changement de procédures d’appel d’offres en 2018. « Cela fait partie aussi de la doctrine du GIP Littoral Nouvelle-Aquitaine, note Patrick Laclédère, qui confère aux plages une dimension économique. »

Un atout touristique largement plébiscité par les vacanciers, mais aussi par les locaux

Une activité lucrative, sur cinq mois, soumise aux caprices de la météo cabanes

Une activité lucrative, sur cinq mois, soumise aux caprices
de la météo © Bernard Dugros

NOUVELLES VIGIES

Autant de raisons qui ont motivé la levée de boucliers des gérants de cabanes soutenus par leur clientèle parfois via des pétitions pour protester contre le décret de 2019 qui prévoit d’interdire les commerces se trouvant sur les espaces naturels et inscrits comme tels, ou tout au moins ceux n’ayant pas une activité directe avec l’océan comme les écoles de surf ou les clubs de sauvetage. Les élus accompagnés par le député Lionel Causse multiplient les interventions, pour convaincre les institutions de l’État dont dépendent les différents sites – Conservatoire du littoral, Office national des forêts – que la situation du littoral landais n’a rien à voir avec celle du Sud-Est de la France. « Nous payons les pots cassés des excès commis dans d’autres régions », se désole Christophe Vignaud, maire d’Hossegor où trois cabanes sont concernées. « Toutes les cabanes réunies ne représentent que 0,16 % de notre espace de plage. C’est infime en surface. Par ailleurs, ces cabanes concentrent les gens sur un endroit et évitent les pique-niques sauvages avec leurs risques de pollution. De plus, elles sont ouvertes de mai à octobre, de 9 h à 23 h, et servent de vigie complémentaire lorsque les heures de surveillance s’interrompent. Ce sont des arguments non négligeables et nous sommes dans une discussion constructive avec les services de l’État, qui doivent venir sur place cet été pour, j’espère, trouver une solution.

« Deux solutions techniques» s’offrent aux élus, ajoute Lionel Causse : ou ils les déplacent à proximité, mais en dehors des sites inscrits, ou ils modifient leurs documents d’urbanisme pour sortir les emplacements des cabanes des sites inscrits. Je les accompagne pour trouver la meilleure solution pour tous. » « Quelle que soit la décision prise, mais que j’espère favorable pour le maintien des cabanes, conclut Pierre Pecastaings, je souhaite que l’on ait un traitement similaire pour toutes les communes du littoral landais ou atlantique, quel que soit le gestionnaire. » 2024, 2025, 2026 : selon les dates d’échéance des concessions, le couperet est en passe de tomber. Le combat pour sauver les cabanes ne devrait pas connaître de trêve estivale.