Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Boîtes de nuit : comment vont-elles ?

Sur la côte ou à l’intérieur des terres, les discothèques landaises qui ont, comme ailleurs, souffert des fermetures Covid, connaissent aujourd’hui des réalités différentes. Un point commun : la baisse du pouvoir d’achat de leurs clients.

boite de nuit

© Shutterstock

Avec le Covid, le nombre de discothèques a fondu en France. Sur les 1 600 établissements dénombrés en 2020 avant la pandémie, 300 ont fermé leurs portes (19 %) et plusieurs milliers de salariés ont perdu leur emploi, selon le Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (SNDLL). Dans les Landes où il y a globalement moins d’établissements qu’il y a 20 ou 30 ans, la quinzaine de boîtes ou bars de nuit dont plusieurs uniquement saisonniers près des plages, se sont maintenus.

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© Le Patxio

« DERNIÈRE ROUE DE LA CHAÎNE DES DÉPENSES »

Direction la côte sud, la zone la plus attractive côté nuit avec plus de boîtes que partout ailleurs sur le littoral, du Traouc et sa mythique piscine sous les pins à l’Escargot à Seignosse, du Klub (ex-Privé) au Bakoua à la Centrale d’Hossegor.

« C’est une saison particulière. On sent qu’il y a une faiblesse des locations, ce n’est pas full, donc forcément ce ne sera pas notre meilleure année », explique un gérant qui préfère rester anonyme : « On est très assujetti à l’inflation actuellement. On est la dernière roue de la chaîne des dépenses. Même s’ils ont envie de s’amuser, certains pensent qu’il vaut mieux remplir son caddie que faire la fête en discothèque… »

Covid, incendies… tout ça c’est derrière nous. On s’est tous remis au charbon. On est à peu près sur les chiffres d’avant-crise sanitaire

Au nord du département, les habitants et touristes de Biscarrosse ne peuvent, eux, profiter que d’une seule discothèque quand il y en avait trois ou quatre dans les années 1990, époque où les boîtes étaient partout davantage à la mode. À l’Oceana qui ouvre à l’année les week-ends et tous les jours l’été (capacité de 700 personnes), la directrice Mélanie Lemesle pointe ces derniers temps, « une « cata » tous les ans, entre le Covid et les incendies. Il a fallu être patient ! On a la chance d’être propriétaire des murs [son père, Christian, est le gérant depuis longtemps, NDLR] et donc de ne pas avoir de loyer à payer. Mais on s’est tous remis au charbon et tout ça c’est derrière nous. On est à peu près sur les chiffres d’avant-Covid. » Ce printemps, dans cette discothèque à deux pas du front de mer disposant d’un espace extérieur avec petite restauration, ils ont même été « très bons, dit-elle. En juillet, ils ont de nouveau baissé. On sent un problème de pouvoir d’achat. Il y a du monde qui se promène, mais la clientèle de camping reste encore plus au camping. Les boîtes sont la dernière ligne pour les dépenses. Mais ce n’est qu’à la fin de la saison qu’on verra vraiment, comme l’an dernier qui finalement a été correct », selon la responsable qui emploie ici 18 salariés dont huit pour la sécurité le week-end : « Du fait qu’on est les seuls dans les environs, on attire et on ne peut pas toujours satisfaire tout le monde à l’entrée… »

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© Heaven Club

SNACK, BABY-FOOT ET SOIRÉES « POUVOIR D’ACHAT »

Un peu plus au sud, à Parentis-en-Born, Frédéric Bosquet qui a vécu le monde de la nuit en région parisienne avant de s’installer dans le Sud-Ouest a, lui, racheté le Heaven Club après la première crise Covid, à l’automne 2021 : « Ça a toujours été mon rêve. On a fait de gros travaux d’aménagement pour plus de confort, avec salon VIP, nouveau fumoir et un snack avec baby-foot qui attire aussi du monde. Il faut varier les plaisirs, si on reste uniquement en mode discothèque, ça ne fonctionne pas. » Peu à peu, et entre de nouvelles fermetures Covid pour lesquelles il n’a « pas eu d’aides de l’État » dans la mesure où il reprenait la société (« heureusement on avait de la trésorerie »), le chiffre d’affaires grimpe, grâce, entre autres, à ses soirées thématiques dont celles sur les années 1980 qui attirent les quadragénaires et quinquagénaires, et ses « soirées pouvoir d’achat », avec bouteille à quasiment moitié prix avant une heure du matin. « Les clients jouent le jeu et viennent plus tôt », assure le gérant qui poursuit, en parallèle, son activité avec sa société d’électricité en journée. À cinq l’hiver, avec « des grosses soirées jusqu’à 200 personnes », ils sont sept ou huit salariés les week-ends d’été, avec des renforts disponibles pour la sécurité. « Le monde de la nuit n’est plus ce qu’il était. Avant, les gens sortaient vraiment pour s’amuser. Le Covid a changé les mentalités. Maintenant, ils sont souvent plus tournés vers l’alcool », déplore-t-il. À quelques kilomètres de la côte, la saison estivale avec plutôt une clientèle familiale sur Parentis-en-Born, est traditionnellement moins festive que le reste de l’année, avec des jauges plus petites : « Les jeunes d’ici vont plus dans les ferias, de Mont-de-Marsan, Bayonne et Dax, mais la feria de Parentis, début août, nous sauve les meubles ! »

FLUO PARTY, CHAMPAGNE SHOWER ET BODEGA

À Mont-de-Marsan, les fêtes de la Madeleine, fin juillet, sont aussi une bonne semaine dans les trois clubs de Daniel Delhoste (Osasuna, le Patxio, le Joxabana, et 22 salariés au total) qui ferme comme d’habitude deux de ses établissements le reste de la saison estivale toujours calme ici, avant la rentrée de septembre. « On se maintient, c’est correct », assure le patron. Avec la dernière réouverture post-Covid en février 2022, « on avait fini par retrouver les chiffres d’avant la crise sanitaire. Mais avec l’inflation ces derniers mois, on a reperdu 25 % du chiffre d’affaires. Les parents donnent moins d’argent aux jeunes. Alors on module les ouvertures », fait valoir celui qui a accusé sur ses trois sites « 170 000 euros de pertes pendant le Covid, compensés par les prêts de l’État qui ne nous a pas laissés mourir, et qu’on rembourse maintenant. »

Seule boîte entre Mont-de-Marsan et Dax, l’Expérience à Hagetmau avait été l’une des premières à rouvrir après les interdictions Covid.

« On avait mis en place des tests par des infirmiers à l’entrée, on a eu une affluence importante, les gens venaient de partout », se rappelle Dorine Lafitte-Darrieutort, devenue cogérante en 2020 au côté de son mari DJ, Émeric Darrieutort, qui avait racheté les lieux trois ans plus tôt avec un associé dont elle a récupéré les parts. Aujourd’hui,

« les choses ont repris leur cours avec un retour à peu près à la normale », explique le couple qui a pu bénéficier des aides de l’État pendant cette période compliquée. Toutefois, « certains changements d’habitudes se sont opérés depuis, avec des jeunes qui restent peut- être plus entre eux chez eux, cette génération des 18 ans qui a passé quasiment deux ans sans boîte de nuit. L’inflation a aussi un impact : certains font un peu plus attention à leur porte-monnaie, même si c’est vraiment très variable d’une soirée à l’autre. Globalement, ça fonctionne bien et on s’y retrouve. » Ici en Chalosse, la saison de la nuit la plus courue va de novembre à mars, de fluo party en bodega et champagne shower (douche en anglais). L’été, c’est aussi porte close, sauf pendant les fêtes d’Hagetmau, fin juillet : « On a la chance d’être dans la rue principale, alors ça a toujours été aussi une bonne période ! »

Autre ambiance de nuit totalement différente, l’Euphoria Spa à Bénesse-Maremne, racheté il y a un peu plus de deux ans par Isabelle Vinsonneau et son mari, propose des soirées libertines.

« Nous avons acheté l’établissement pendant la crise sanitaire du Covid, raconte la patronne. Nous avons fait pas mal de travaux, créé un club qui nous ressemble. Quand il y avait encore le couvre-feu, nous pouvions ouvrir uniquement jusqu’à 23 h. Puis, en juillet 2021, comme pour toutes les discothèques, les restrictions ont été levées et on a pu commencer pleinement notre activité. » Après deux ans à accueillir toute l’année une clientèle assez jeune (35/40 ans en moyenne), Isabelle Vinsonneau est satisfaite :

« Nous fonctionnons à l’année et les retours de nos clients sont très bons, sur la propreté, l’accueil et l’ambiance », notamment au cours des « soirées pool » de l’été, le week-end, autour de la piscine.