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[ Dossier : La cybersécurité met le turbo ] Nouvelle-Aquitaine : un campus cyber régional

Le campus cyber régional, porté sur les fonts baptismaux par la Région Nouvelle-Aquitaine, le 9 mai dernier, doit permettre à la lutte contre la cybercriminalité de passer la surmultipliée. Au programme : assistance, sensibilisation, formation et innovation.

CAMPUS CYBER

© Shutterstock

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 202 1 , le nombre d’intrusions avérées dans des systèmes d’information a augmenté de 37 % au niveau national, selon l’Agence de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), soit 1 082 attaques contre 786 en 2020.

« Le bilan des diagnostics lancés par la Région Nouvelle-Aquitaine auprès des plus grandes PME et des ETI montre que les failles restent nombreuses en termes de sécurité, souligne Mathieu Hazouard, conseiller régional délégué au numérique. Et dans les attaques récentes des acteurs publics de la santé qui touchent directement la population, il y a une dimension de souveraineté qui nous incite à changer de braquet. Dans la feuille de route sur les enjeux numériques, votée en juillet 2020, la cybersécurité est désormais en haut de la pile. »

Au cœur du réacteur : le campus cyber Nouvelle-Aquitaine, dont la Région est officiellement membre fondateur, depuis le 9 mai dernier, au côté de l’Agence de développement et d’innovation (ADI) Nouvelle-Aquitaine, du Club de la sécurité informatique (Clusir) Nouvelle-Aquitaine et du groupe d’intérêt public Acyma qui porte le site internet cybermalveillance.gouv.fr.

6 PÔLES DE RESSOURCES LOCAUX AUTOUR DU CENTRE DE PESSAC

Si physiquement, le centre névralgique néo-aquitain de la cybersécurité ouvrira en septembre dans le parc d’activité Ampéris à Pessac (Gironde), en raison de la concentration sur la métropole bordelaise d’acteurs du secteur comme Tehtris, Thalès, Atos ou Sogeti, les pôles de ressources territoriaux constitueront l’ancrage local du campus. À Mont-de-Marsan, Niort (Deux-Sèvres) et Limoges (Haute-Vienne) déjà identifiées, viendront s’ajouter, début 2023, Pau (Pyrénées-Atlantiques), Périgueux (Dordogne) et Agen (Lot-et-Garonne). « En majorité portés par des communautés de communes ou d’agglomération, ils seront les points de contact de proximité avec lesquels nous allons partager un certain nombre de missions sur les quatre volets de l’action du campus : l’assistance, la sensibilisation, la formation et l’innovation », explique Guy Flament, directeur du campus cyber, après avoir été délégué régional de l’Anssi en Nouvelle-Aquitaine.

Les pôles de ressources de Mont-de-Marsan, Périgueux, Pau, Agen, Niort et Limoges constitueront l’ancrage territorial du campus

UN NUMÉRO UNIQUE D’ASSISTANCE FACE AUX CYBERATTAQUES

« Une attaque informatique, ça se perd ou ça se gagne dans les premières heures. Tout dépend des réflexes qu’on va avoir après l ’avoir découverte. » Aussi, le campus cyber prévoit-il de proposer, dans les prochains mois, aux 600 000 entreprises et 4 500 collectivités néo-aquitaines une réponse sur mesure en cas de cyberattaque. « Il s’agit à la fois de proposer un service pour préserver ce qu’il est possible de préserver, éviter que l’infection ne s’étende et les orienter vers un prestataire de proximité pour assurer la remise en route du système d’information le plus rapidement possible. » Mais aussi de mettre les victimes en relation avec les forces de sécurité intérieure pour déposer la plainte nécessaire dans les échanges qui suivent avec les assurances et pour récupérer les fonds auprès de leur banque, en cas de détournement d’argent.

Une attaque informatique, ça se perd ou ça se gagne dans les premières heures

Guy Flament, Directeur du cyber campus Nouvelle-Aquitaine

Guy Flament, Directeur du cyber campus Nouvelle-Aquitaine © ADI N-A

NOUVEAUX OUTILS DE SENSIBILISATION AUX RISQUES

« Tant qu’on n’a pas été confronté à une cyberattaque, il est difficile d’avoir conscience du danger qu’elle représente, observe Mathieu Hazouard. Le campus cyber doit permettre de passer la surmultipliée en matière de sensibilisation, en lien avec les prescripteurs locaux (chambre de commerce et d’industrie, chambre de métiers et de l’artisanat, clubs d’entreprises, industriels…). » En jeu : la mobilisation des experts de la filière, dès la rentrée, pour construire des outils de sensibilisation « plus immersifs, plus offensifs qui incitent les entreprises et collectivités à s’engager dans une démarche construite sur la sécurisation de leur système, avec les outils les plus appropriés pour chacun. » Un service de détection et de correction de leur vulnérabilité, financé par la Région, sera, en outre, proposé gratuitement aux entreprises et collectivités.

INTENSIFICATION DE LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE

Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui le secteur manque de bras. « La région aurait besoin de 400 à 500 spécialistes en cybersécurité », souligne Guy Flament, de retour des rencontres professionnelles organisées à la Maison de Nouvelle-Aquitaine à Paris, le 10 mai dernier, avec pas moins de 250 candidats pour plus de 100 emplois proposés en région.

La région aurait besoin de 400 à 500 spécialistes en cybersécurité

« De l’Inserm à Bordeaux ou du master Cryptis (sécurité de l’information et cryptologie) de l’université de Limoges, ne sortent actuellement que 20 à 50 ingénieurs par an. Il faut démultiplier les parcours de formation d’experts cyber pour permettre aux entreprises et aux collectivités de se doter de personnel formé aux enjeux et aux technologies de la cybersécurité », martèle Mathieu Hazouard. Autre objectif du campus cyber donc : développer les formations initiales en partenariat avec les écoles d’ingénieurs publiques et privées, les universités, les IUT et BTS. Et créer des contenus pédagogiques certifiés qui serviront de base aux formations continues développées sur les territoires via le réseau des centres de ressources. « Il s’agira aussi d’accompagner les entreprises des services du numérique dans la montée en compétences sur l’expertise en cybersécurité pour qu’elles puissent s’approprier ce nouveau marché et accompagner de manière plus efficace leurs clients », complète Guy Flament.

Mathieu Hazouard, conseiller régional délégué au numérique, cyber

Mathieu Hazouard, conseiller régional délégué au numérique © Aurélien Marquot – Région Nouvelle-Aquitaine.

L’INNOVATION ACCOMPAGNÉE

Pour garder un temps d’avance sur l ’évolution du niveau des attaques toujours plus sophistiquées, le campus cyber se fixe également pour mission d’accompagner l’innovation. Les échanges avec les entreprises, les universités, les centres de transfert technologique ont déjà permis de faire naître des projets qui commencent à se structurer. « L’un d’eux, très prometteur, développé par Inspeere à Limoges, porte sur la création d’un système de sauvegarde, physiquement étanche à toute attaque informatique. Il constituera le coffre-fort dans lequel seront enfermées les données extrêmement sensibles de l’entreprise qui lui permettront de se reconstruire en cas d’attaque très violente », cite le directeur.

Des projets collaboratifs amenés à se multiplier au sein des centres de ressources territoriaux en fonction de leur tissu économique. « Sur la problématique très particulière de la cybersécurité dans l’aéronautique, par exemple, même si la présence en métropole bordelaise de Dassault et Thalès va permettre d’avoir des apports non négligeables, la réflexion, l’innovation et la R&D, ont pour vocation à s’installer à Mont-de-Marsan, compte tenu de la présence sur place de L’Escadron des systèmes d’information opérationnels et de cyberdéfense (ESIOC), acteur incontournable de l’Armée de l’air et de l’espace en matière de cyberdéfense ». Un enjeu particulièrement stratégique.

EN CHIFFRES

Au sein du campus cyber Nouvelle-Aquitaine, 60 entreprises de la filière sur plus de 100 présentes en région se mobilisent par la mise à disposition de leurs experts sur la production des outils de sensibilisation, des contenus pédagogiques et les projets collaboratifs.

Soutenu dans le cadre du plan France relance à hauteur d’1 million d’euros, le campus cyber néo-aquitain est accompagné par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) sur l’organisation.

Une subvention de près de 400 000 euros pour 2022 de la Région Nouvelle-Aquitaine sera proposée au vote de l’assemblée, le 21 juin.