Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Sébastien et Clément Cazelle : la recette du bonheur

Les frères Cazelle ont repris l’entreprise familiale et représentent la cinquième génération à fabriquer artisanalement la fameuse « Madeleine de Dax ».

Clément Cazelle et Sébastien Cazelle

Clément Cazelle et Sébastien Cazelle © Patxi Beltzaiz

Au 6 rue de la Fontaine-Chaude à Dax, c’est au tour de Clément Cazelle d’accueillir la clientèle dans l’une des plus anciennes institutions de la ville. Ce beau gosse sportif de 28 ans est le nouveau visage de la maison Cazelle. Avec son frère Sébastien, 36 ans, charismatique artisan biscuitier formé par son père Philippe, il forme la cinquième génération à la tête de l’entreprise familiale.

Malgré leurs huit ans d’écart et des caractères aux antipodes, les deux nouveaux entrepreneurs s’entendent comme larrons en foire et partagent une vision commune. « On ne veut pas monter des franchises partout en France et faire du business. Notre métier c’est de fabriquer notre pâte tous les matins et de la pérenniser pendant 30 ans si on y arrive. Mais on cherche aussi un équilibre de vie. L’idée à terme est de fabriquer une semaine chacun », expliquent-ils.

Si l’aîné pratique l’escalade quand le plus jeune préfère le surf, les deux frères sont inséparables et nourrissent une passion commune pour le rugby depuis leur plus jeune âge. Ils partagent aussi l’amour de leur terroir et le plaisir des grandes tablées où on chante et on mange entre amis et en famille. Et pour rien au monde, ils ne quitteraient Dax, la ville qui les a vus naître et où ils ont grandi. Des Landais pur jus, bons vivants et épicuriens qui chérissent leur culture locale parce qu’« il fait bon vivre chez nous, à Dax ! », comme ils disent dans un éclat de rire.

Tous deux titulaires d’un BTS commerce, ils ont rejoint l’entreprise familiale après une première expérience dans la banque au Crédit Agricole Aquitaine pour Sébastien, alors que Clément terminait ses études.

« J’ai eu le déclic après un voyage d’un an en Nouvelle-Zélande. Quand je suis rentré un matin de fabrication pour voir mes parents, je suis arrivé au labo avec l’odeur des madeleines qui sortaient du four et j’ai réalisé que c’était ce que je voulais faire. J’ai mis le sujet sur la table avec Clément. Ça a sonné comme une évidence », se souvient Sébastien.

Maison Cazelle

Les traditionnelles boîtes rose et bleu ont été imaginées par le fondateur, Antonin Cazelle © Patxi Beltzaiz

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

Depuis leur arrivée en 2019, rien n’a changé. Enfin presque. Certes, la devanture Art nouveau porte la même emblématique enseigne « Madeleines de Dax » et à l’intérieur, on retrouve avec plaisir et nostalgie le comptoir en bois, les traditionnelles panières en osier débordant de madeleines et les boîtes rose et bleu imaginées par le fondateur Antonin Cazelle. Mais désormais les portes de la maison sont plus largement ouvertes sur les Landes avec l’envie d’inspirer l’échange et de provoquer les rencontres. Clément et Sébastien ont décidé de cultiver la gourmandise et de faire connaître son histoire. « Personne ne savait que notre madeleine était servie à la table de l’Élysée sous Valéry Giscard d’Estaing, que François Mitterrand envoyait son chauffeur en acheter quand il venait à Latche ou que l’on comptait parmi nos clients privés de nombreux chefs étoilés comme Ducasse, Dutournier, Darroze ou Guérard », précise l’aîné des deux frères. « Il y avait beaucoup d’humilité et de pudeur à l’époque. La valeur du travail était récompensée et le reste n’avait pas d’importance. »

Alors, Clément et Sébastien ont repris le fil de l’histoire. Celle d’Antonin, devenu majordome à Commercy (Meuse) après son service militaire, qui apprit à faire les madeleines, spécialités du coin, pour les petits-enfants de la famille grâce à leur grand-mère. Lui succèdera Marthe, sa fille, Pierre, son petit-fils qui fera le choix décisif pour l’avenir de l’entreprise de ne pas céder aux sirènes de l’industrialisation, puis Philippe après des années comme professeur de tennis, avant Clément et Sébastien.

Depuis 117 ans, l’entreprise à taille humaine produit artisanalement ses madeleines, six jours sur sept, tous les matins dès 4 h 30, et emploie aujourd’hui trois salariés et un extra une fois par semaine. Seul un membre de la famille Cazelle est à la fabrication de ce biscuit craquant sur le dessus et moelleux à l’intérieur, « imité mais jamais égalé ! », s’amuse Sébastien. Son secret de longévité reste bien sûr sa mystérieuse recette à base de farine, beurre, sucre et d’un zeste de citron, transmise de père en fils.

Maison Cazelle

© Patxi Beltzaiz

UN PATRIMOINE CULINAIRE VALORISÉ

En quatre ans, les deux nouveaux dirigeants ont fait entrer la maison dans le cercle prisé du Collège culinaire de France. Membres du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, ils ont rejoint le réseau gourmand des Landes et développent des partenariats avec des artisans locaux pour sublimer leurs produits. « On a créé une madeleine au chocolat avec l’artisan Hugues Gaudet de l’atelier Un bain au chocolat, et on travaille à la création d’une confiture à madeleine avec la confiturière Isabelle Amistadi d’Oh palais d’Isa, à Saint-Cricq-en-Chalosse, troisième au championnat du monde 2021 », dévoile l’artisan biscuitier toujours en apprentissage au côté de son père. « Mon père me transmet le savoir-faire et je ferai de même petit à petit avec mon frère. »

Clément et Sébastien continuent à s’ouvrir, conscients que le rajeunissement de l’image et le réseau local sont de bons leviers de développement. Ils offrent les invendus de la journée aux associations caritatives, à l’école de rugby, au club de basket ou à l’hôpital de Dax et participent à de nombreux événements de la ville.

FRÈRES ET ASSOCIÉS

La gestion se fait à deux, et les tâches sont réparties naturellement. Alors que Sébastien gère la partie commerciale et le développement du réseau de partenaires, Clément s’occupe de la communication et de la vente. « On est différent mais on s’apporte beaucoup. On a en commun d’aimer les gens, notre terroir et de privilégier la valeur humaine », souligne l’aîné, plus rompu à l’exercice de l’interview. Il insiste sur la complémentarité du binôme : « Mon frère a une grande maturité. Il est plus posé que moi. Jamais un mot plus haut que l’autre », dit-il avec beaucoup de tendresse. Et cela marche. En trois ans, leur objectif de chiffre d’affaires, fixé sur cinq ans, est déjà atteint. Un pari gagnant pour les deux frères dont l’enthousiasme et la joie de vivre offrent une nouvelle jeunesse à la maison Cazelle.

Maison Cazelle

© Patxi Beltzaiz

EN QUELQUES MOTS

SÉBASTIEN CAZELLE

Le mot qui vous définit : passionné Votre occupation préférée : l’escalade Votre réseau social préféré : aucun

Si vous étiez un sens : le toucher

Si vous étiez une ville : Dax ! (éclat de rire) Si vous étiez un plat : la garbure

Si vous étiez une saison : l’hiver

Si vous étiez une chanson : La Dacquoise, j’adore chanter !

Si vous étiez un sport : le rugby

Si vous étiez un objet : une pierre

CLÉMENT CAZELLE

Le mot qui vous définit : généreux Votre occupation préférée : le surf Votre réseau social préféré : aucun Si vous étiez un sens : l’odorat

Si vous étiez une ville : Dax ! (éclat de rire) Si vous étiez un plat : un confit de canard Si vous étiez une saison : l’été

Si vous étiez une chanson : Ma liberté de Serge Reggiani (ma mère va être contente !)

Si vous étiez un sport : le rugby ou le surf

Si vous étiez un objet : une planche de surf