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Renforcement de la lutte contre la capture accidentelle de cétacés

À Capbreton, le Joker 2 d’Aurélien Sorin fait partie des cinq premiers bateaux de pêche du Golfe de Gascogne à s’équiper de caméras à bord pour lutter contre la capture accidentelle de cétacés. L’initiative s’intègre dans un plan d’action global, évoqué par Annick Girardin, la ministre de la Mer, le 30 janvier dernier à l’occasion de sa visite dans le port landais.

capture de cétacés

© D. R.

Les enjeux environnementaux et socio-économiques sont de taille. Au-delà de la pression médiatique exercée par les ONG environnementales, la France vient d’être rappelée à l’ordre sur l’augmentation des captures accidentelles de cétacés par la commission européenne. Celle-ci menaçait les fileyeurs, bolincheurs et chalutiers pélagiques d’une fermeture de la pêche pendant six semaines à partir du 15 février, soit 530 navires concernés sur le Golfe de Gascogne. « On ne peut pas faire l’autruche », martelait Annick Girardin à l’occasion de sa visite sur le port de Capbreton, le 30 janvier. « Nous avons besoin de données précises pour mettre en place les mesures qui permettront d’éviter ces captures », souligne la ministre de la Mer qui a obtenu de Bruxelles un délai supplémentaire en 2021, reconductible en 2022, pour améliorer les connaissances sur les conséquences réelles de la pêche sur le phénomène.

Transparence sur la pêche

De gauche à droite : Aurélien SORIN,
marin-pêcheur, Annick GIRARDIN, ministre de la Mer, Cécile BIGOT-DEKEYZER, préfète des Landes © D. R.

À Capbreton, le Joker 2 d’Aurélien Sorin fera partie des cinq premiers bateaux français à s’équiper de deux caméras spécifiques à l’activité de pêche, d’une balise GPS et d’une tablette pour surveiller une éventuelle prise de cétacés dans les filets. « La première caméra filme la montée des filets, la deuxième l’intérieur du bateau. Comme mes collègues, je tiens à une totale transparence même si je n’ai capturé accidentellement que deux dauphins en deux ans et demi », affirme le marin-pêcheur. Sur le Golfe de Gascogne, selon les dernières estimations de l’observatoire Pélagis, unité de recherche du CNRS basée à La Rochelle, le nombre de captures accidentelles, extrapolées à partir des échouages de dauphins, serait passé de 4 000 en 2018 à 9 500 en 2019 sur 180 000 à 200 000 individus présents sur le Golfe de Gascogne. « L’objectif est de les quantifier précisément, de connaître l’origine et les raisons de cette augmentation, et de trouver des solutions », explique Aurélien Henneveux, chargé de mission pour l’Organisation de producteurs pêcheurs d’Aquitaine. Les professionnels n’ont pas changé de techniques de pêche, poursuit-il. Ils ont le sentiment qu’il y a des déplacements de dauphins plus importants pour trouver leurs proies, petits pélagiques -anchois, sardines et maquereaux- qui évoluent désormais plus près de côtes. Il faut des données scientifiques pour le confirmer ».

Renforcer l’état des lieux

Le dispositif testé par le pêcheur capbretonnais qui doit être déployé sur 20 fileyeurs dans le courant de l’année, fait partie intégrante du plan d’action, financé par la profession, l’État, France filière pêche et les fonds européens, dans le cadre de la charte sur la pêche durable que vient de signer l’ensemble des comités régionaux de pêche de la façade atlantique.

Pour dresser l’état des lieux, en plus de la déclaration déjà obligatoire des captures de mammifères marins au journal de pêche des navires, le nombre d’observateurs scientifiques indépendants mandatés par l’État et l’Ifremer, dans le cadre du programme Obsmer va être renforcé avec 32 observateurs supplémentaires. La plateforme Obsenmer mise en place par l’Office français de la biodiversité, destinée à l’ensemble des utilisateurs de la mer est désormais dotée d’un volet Obsenpêche permettant aux bateaux de pêche de remonter les informations sur les conditions de capture accidentelle.

Des recherches en cours pour limiter les captures

Les professionnels se sont également associés aux scientifiques pour des projets d’expérimentations techniques afin de limiter les captures accidentelles. Si les chalutiers pélagiques sont obligatoirement dotés depuis le 1er janvier 2021 de répulsifs acoustiques (pingers) permettant, selon les études, de réduire de 65 % la capture accidentelle, le projet Licado, porté par le comité national des pêches, vise à perfectionner le système et à l’adapter aux fileyeurs. Porté par l’université de Montpellier, Dolphinfree travaille sur une balise acoustique émettrice d’un signal compréhensible et interprétable par les dauphins afin de leur signaler le filet. « La présence des mammifères marins ne se réduit pas au Golfe de Gascogne, poursuit Aurélien Henneveux. Nous attendons aussi beaucoup du programme de coopération nationale et européenne sur une campagne de survol aérien sur l’Atlantique Nord-Est pour définir leur répartition ». L’opération précédente, en 2016, avait dénombré 600 000 individus sur la zone.