La Vie Économique : Comment appréhender la RSE, la transformation digitale, le management, l’expérience client, des expertises différentes qui sont les axes de votre mission ?
Magali Villenave : « J’ai eu la chance d’avoir la confiance de mon entreprise pour me former en continu à chaque étape que cela soit la redirection de nos métiers vers le conseil, la transformation digitale, celle de l ’expérience client, ou encore des sujets socio-écologiques. J’évolue aussi beaucoup dans des écosystèmes en dehors de la profession comptable qui sont très inspirants et apprenants. Mon travail est de contribuer, avec d’autres au sein de mon entreprise, à de nouveaux projets, puis de susciter une prise de position et des décisions de la direction générale et des associés pour ensuite évoluer dans le sens du monde qui bouge et dans celui des besoins de nos clients et collaborateurs. »
LVE : La transformation digitale concerne la numérisation des procédures déjà bien appliquée mais aussi l’arrivée récente de start-ups bousculant les leaders des logiciels métiers. Qu’observez-vous ?
M.V. : « Nos efforts en matière de transformation digitale ont porté essentiellement sur les petites entreprises de moins de 10 salariés. Nous avons conçu il y a trois ans une plateforme digitale pour fédérer en un seul endroit les services de pilotage au quotidien de nos entrepreneurs. Nous avons gagné en efficience et en amélioration des conditions de travail. Cette plateforme va prendre de l’ampleur pour répondre au défi de la facture électronique pour les experts comptables et les entrepreneurs. Nous sommes prêts à accueillir cette nouvelle donne pour les entreprises et à la transformer en création de valeur pour eux en apportant des indicateurs de pilotage en temps réel, au-delà de nos offres classiques des bilans et des déclarations fiscales. Quant à l’arrivée des start-ups, nous avons été interpellés par leurs solutions technologiques et leur promesse de simplicité. Mais force est de constater que ces start-ups ont eu un taux de pénétration finalement assez faible au sein de nos entreprises. »
LVE : Quel changements pilotez-vous sur l’expérience utilisateur de vos clients et collaborateurs ?
M.V. : « Avec nos clients l’objectif est toujours de passer de la réactivité à la proactivité. L’idée est d’identifier les besoins de chaque client et d’aller au-devant de risques et d’opportunités que peut-être il n’entrevoit pas. Nous devons davantage le préparer aux défis de l’avenir que nous ne le faisons aujourd’hui. Ce n’est pas facile car nous connaissons un problème de rareté des compétences dans notre métier. »
LVE : L’un des défis des experts comptables est de bien connaître les secteurs économiques de leurs clientèles pour mieux les conseiller. Comment y répondre ?
M.V. : « Nous avons des départements spécialisés notamment sur les secteurs agricole, automobile, santé et pharmacie. Sur les sujets socio-écologiques, le secteur agricole doit incontestablement évoluer parmi les premiers. C’est un secteur capital dans lequel nous comptons 2 500 clients et collaborateurs spécialisés disposant de formations et évoluant au sein de cet écosystème. C’est bien d’avoir des spécialités mais la diversité est importante pour, par exemple, établir des ponts entre des sociétés. Il ne faut pas non plus enfermer les collaborateurs dans des spécialités car ils ne restent pas. C’est une question d’équilibre. »
50 AGENCES DANS LE SUD-OUEST
Membre d’Exco, un réseau de cabinets d’audit, d’expertise comptable et de conseil en France, le cabinet Exco Fiduciaire du Sud-Ouest (FSO) compte plus de 800 collaborateurs dont près de 70 experts-comptables et commissaires aux comptes. Créé en 1946, Exco FSO dont le siège est à Toulouse est dirigé par Philippe Lafargue, compte 50 agences, plus de 17 000 clients et a réalisé un chiffre d’affaires de 55 millions d’euros en 2022.
LVE : La RSE semble presque simple à mettre en place car ses normes sont connues et ses objectifs paraissent accessibles. C’est aussi votre point de vue ?
M.V. : « Si l’entreprise choisit une stratégie RSE pour respecter des obligations réglementaires ou à des fins purement marketing, la démarche demande du temps mais reste accessible. L’approche est normée. L’urgence nous impose de prendre le sujet au niveau stratégique. C’est une question d’éco-compatibilité du modèle économique. Comment concilier le business, les limites planétaires et la nouvelle donne sociale et sociétale. Il faut considérer l’entreprise dans sa globalité et analyser toute sa chaîne de valeur et y relever ses points de vulnérabilité. »
LVE : Quels sont les limites aux conseils que vous donnez aux entreprises notamment dans des hypothèses de changement de modèle économique ?
M.V. : « Dans notre métier d’expertise comptable, nous produisons de l’information financière et nous conseillons nos clients sur des thématiques assez vastes. Sur le cœur du modèle de l’entreprise qui touche à sa stratégie, nous souhaitons avoir un mot à dire car il en va de la pérennité des entreprises à moyen terme dans nos territoires. Avec la Convention des entreprises pour le climat, j’ai adopté de nouvelles lunettes. Quand on est formé à l’analyse stratégique, on étudie sa concurrence, son marché, ses clients. Considérer aussi les limites de notre planète et l’environnement social pose d’autres questions relatives à la robustesse d’une entreprise dans les trois, cinq ou dix ans. Nous n’avons pas forcément la solution tout de suite mais nous devons être là pour créer les prises de consciences et les conditions de l’émergence de nouveaux projets contribuant à la pérennité. »
Nous nous professionnalisons sur le conseil avec deux marques lancées il y a deux ans : Exco Gestion privée by Patrimum pour l’accompagnement des dirigeants dans leurs projets patrimoniaux et Exco finance et transactions
LVE : Comment est structurée votre activité de conseil ?
M.V. : « Nous nous professionnalisons sur le conseil avec deux marques lancées il y a deux ans : Exco Gestion privée by Patrimum pour l’accompagnement des dirigeants dans leurs projets patrimoniaux et Exco finance et transactions pour aider les entreprises dans leurs opérations de fusions et acquisitions. Et dans le FP&A (NDLR : planification et analyse financières) du Corporate Finance, les indicateurs extra-financiers vont devenir de plus en plus importants. Exco Gestion privée by Patrimum participera également à la CEC Monde Financier en 2024. Notre ambition est d’intégrer dans chacune de nos lignes de services les enjeux socio-écologiques. Nous avons aussi lancé Exco consulting qui fédère un réseau de consultants indépendants susceptibles d’adresser des sujets bien particuliers pour nos clients. Sur des changements de modèles d’affaires, nous disposons ainsi de cet écosystème de consultants. »
LVE : Comment initier ce changement de modèle d’affaires ?
M.V. : « En ce moment, nous créons des démonstrateurs dans chacun de nos métiers que sont l’audit, le commissariat aux comptes, l’expertise comptable, le conseil. Dans l’audit, l’enjeu est l’arrivée de la CSRD qui, en 2026, impliquera de nombreuses entreprises de plus de 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, 20 millions de total bilan, ce sont les seuils actuels. En janvier prochain nous allons devenir organisme tiers indépendant, nous n’étions pas obligés de le faire, mais nous avons opté pour la qualification la plus élevée. Nous prenons des engagements très qualitatifs et nous recrutons pour être à ce niveau. Dans le métier de l’expertise comptable, comme nous accompagnons le monde agricole, nous menons une belle expérimentation dans un écosystème régénératif sur la comptabilité triple capital qui intègre la mesure de l’impact sur l’environnement. Dans le conseil, ce sont des expérimentations chez des entreprises contraintes au changement souvent pour des raisons réglementaires et chez certaines qui voient les risques arriver. C’est le cas notamment dans l’agroalimentaire et dans le bâtiment, deux secteurs questionnés par les changements de modèle. Nous développons un programme de formation pour que nos principaux leaders adoptent d’autres lunettes face à nos clients pour avoir un autre niveau de questionnement et de nouvelles pistes de préconisations. Sur des questions de modèles d’affaires, il faut s’inspirer des pionniers. C’est pour cela que la Convention des entreprises pour le climat est importante puisque l’on a dix mois pour repenser un modèle en profondeur. Notre stratégie est de créer des démonstrateurs concrets, car nous avons une culture de terriens. La montée en puissance se fera plus naturellement et facilement après. »
En janvier 2o24, nous allons devenir organisme tiers indépendant… Nous avons opté pour la qualification la plus élevée
LVE : Que notez-vous dans l’état d’esprit des dirigeants d’entreprise ?
M.V. : « Une accélération de la fatigue depuis la Covid. Les vagues se sont succédé. Après la Covid, il y a eu un changement très net du rapport au travail avec même une inversion des valeurs. Les dirigeants d’entreprises doivent désormais piloter dans une économie de rareté avec le défi de concilier le quotidien et l’anticipation des changements pour s’assurer de la pérennité de l’entreprise. Mon expérience à la CEC m’a montré qu’il ne fallait pas avancer seul sur ces sujets et prendre de la hauteur. Participer à une dynamique collective d’entrepreneurs a été aussi très soutenant et énergisant. Elle permet aussi d’expérimenter dans le réel l’importance de la coopération. Autrement dit, il faut s’entourer. »
MEMBRE DU 13E RÉSEAU MONDIAL
Membre du réseau international Kreston Global classé à la 13e place mondiale, Exco affiche un chiffre d’affaires de 207 millions d’euros dont 196,3 réalisés en France (chiffres rapport de transparence 2022).
En France Exco compte 3 000 collaborateurs, 197 associés, 140 bureaux et 79 000 clients. La stratégie du réseau Exco est définie par un comité directeur composé de 21 associés représentant chaque cabinet membres du réseau.