Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Maïsadour : une ambition pour l’agriculture

Daniel Peyraube préside le groupe coopératif Maïsadour depuis le 9 décembre dernier. Entre guerre en Ukraine, inflation et nouvel épisode d’influenza aviaire, la prise de fonction n’a pas été de tout repos. Mais cela ne l’empêche pas de tracer des axes pour l’avenir de la coopérative. Entretien.

Maïsadour

© Maïsadour

Les Annonces Landaises : Comment se sont passés les six premiers mois de votre présidence ?

Daniel Peyraube : Je découvre un environnement que je connaissais déjà un peu. C’est très prenant et très exigeant, car il y a de multiples facettes et de multiples métiers. Sans compter un contexte compliqué. Entre la guerre en Ukraine, l’inflation et la sécheresse, l’année 2022 a perturbé les fondamentaux de l’économie, et donc de la coopérative. Et depuis mai, nous devons aussi gérer le retour de l’influenza aviaire.

LAL : Justement, quelles sont les conséquences pour le groupe ?

D.P. : Après un hiver clément durant lequel le Plan Adour* a été couronné de succès, ce nouvel épisode nous a touchés de plein fouet. Un million de canards ont été dépeuplés dans le Sud-Ouest, dont une partie chez les éleveurs de Maïsadour. Il est cependant encore trop tôt pour tirer le bilan. Il semblerait que la situation soit en passe d’être maîtrisée. Nous œuvrons énergiquement pour minimiser les impacts et d’ores et déjà, des mises en place sont programmées pour la saison festive. Ce qui est certain, c’est que cette nouvelle alerte montre à quel point il est important que le dossier de la vaccination aboutisse enfin.

Maïsadour

Le bureau de Maïsadour : Chantal Brèthes, Jean-Luc Blanc-Simon, Arnaud Tachon, Daniel Peyraube, Pierre Harambat, Mickaël Dolet-Fayet, Bernard Tauzia et Jean-Luc Capes © Maïsadour

LAL : Où en est ce dossier de la vaccination ?

D.P. : Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a annoncé un démarrage de la campagne de vaccination au mois d’octobre. Ce que nous demandons, avec toute la filière, c’est qu’elle débute progressivement dans les zones à risque dès le mois d’août. C’est impératif pour nous afin que la campagne vaccinale soit parfaitement opérationnelle à l’automne. Nous avons travaillé l’hiver dernier sur une vaccination au couvoir, qui permet aux éleveurs de recevoir des canetons déjà vaccinés. Les premiers essais sont concluants. Nous avons besoin de les valider au plus tôt. Car quand on vaccine les canards, on protège toutes les autres espèces. Nous avons une solution qui met tout le monde d’accord. Avec tous les acteurs de la filière, nous nous battons pour qu’elle soit mise en œuvre dans les plus brefs délais. Il en va de la survie des filières palmipèdes et volailles dans le Sud-Ouest, mais aussi en France. Chez Maïsadour, 2 150 salariés travaillent sur la partie animale et nous avons près de 800 éleveurs. Je ne suis pas prêt à les mettre en péril.

Nous souhaitons, avec toute la filière, que la vaccination des canards débute progressivement dans les zones à risque dès le mois d’août. C’est impératif pour que la campagne vaccinale soit parfaitement opérationnelle à l’automne

LAL : Autre sujet complexe : la guerre en Ukraine. Quel impact a-t-elle sur votre activité de production de semences ?

D.P. : Nos collègues sur place font preuve d’une grande agilité pour s’adapter aux conditions et poursuivre la production aussi bien que possible dans ce contexte très difficile.

LAL : Au niveau français, comment s’annonce la campagne maïs 2023 ?

D.P. : Il est trop tôt pour le dire. Les semis sont quasiment terminés. Ils ont été faits entre avril et début juin. Pour l’instant, la météo alterne entre soleil et pluie, ce qui est plutôt favorable.

Nous avons plusieurs solutions pour accompagner les agriculteurs pour faire face à une éventuelle sécheresse

LAL : Comment vous préparez-vous à une éventuelle sécheresse, comme celle de l’année dernière ?

D.P. : Nous avons plusieurs solutions pour accompagner les agriculteurs pour faire face à une éventuelle sécheresse. Tout d’abord des variétés qui s’adaptent au stress hydrique, notamment la gamme Waterlock de MAS Seeds. Nous proposons aussi des diversifications de cultures comme le tournesol et les couverts végétaux, plus sobres en eau. Enfin, nous disposons d’outils de pilotage de l’irrigation pour la moitié des parcelles qui sont irriguées chez nos adhérents.

Mettre nos atouts en avant pour que nos métiers restent attirants

LAL : Comment envisagez-vous la succession de Michel Prugue qui a présidé Maïsadour durant 21 ans ?

D.P. : Tout d’abord, je n’ai pas l’intention de rester 21 ans ! Je suis un sprinter plutôt qu’un coureur de fond. Je mets beaucoup d’énergie dans mes mandats, mais sur une période de quelques années seulement. J’envisage cette présidence dans la continuité de mon prédécesseur. On ne fait pas dévier comme cela le gouvernail d’un paquebot qui pèse 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires ! Le bureau de Maïsadour, à côté des expérimentés que sont Jean-Luc Capes, Bernard Tauzia, Chantal Brèthes et Jean-Luc Blanc-Simon, se rajeunit avec Pierre Harambat, Mickaël Dolet-Fayet et Arnaud Tachon. Le conseil d’administration, lui aussi, accueille plus de jeunes. J’ai à cœur que tout le monde participe. Une coopérative, ce n’est pas une dictature. Il n’y a pas de petites questions, pas de petits avis. C’est la somme de toutes les opinions qui permet de coconstruire une stratégie. D’ailleurs, nous poursuivons les « business reviews » impulsées par Michel Prugue et le directeur Christophe Bonno. Tous les mois, nous consacrons deux journées au cours desquelles nous passons tous les métiers en revue. Des élus sont associés à côté des cadres pour veiller à ce que la stratégie puisse être mise en place le mieux possible sur le terrain.

LAL : Cette stratégie a-t-elle changé ?

D.P. : Face aux défis qui se présentent à nous, nous l’avons fait un peu évoluer et nous la présenterons en septembre prochain. Mais d’ores et déjà, je peux vous dire que notre feuille de route 2030 comportera quatre axes. Une ambition agroécologique et environnementale, tout d’abord. Il s’agira de produire autant, mais mieux. Des filières à haute valeur ajoutée, ensuite. L’idée est de capitaliser sur nos savoir-faire que ce soit en matière de volailles et de palmipèdes, en productions contractuelles, en semences ou en maïs waxy pour l’amidonnerie. Le troisième axe vise à faire de Maïsadour une entreprise attractive avec des équipes performantes. Le maintien d’une agriculture forte passe par la complémentarité entre les exploitants et les salariés. Avec nos 4 300 collaborateurs, nous sommes déjà le premier employeur privé du département. Nous souhaitons mettre nos atouts en avant pour que nos métiers restent attirants. Enfin, le dernier axe concerne une coopérative engagée dans ses territoires et actrices des évolutions de société. Nous sommes fiers de ce que nous faisons, mais nous sommes encore trop discrets. Il ne s’agit pas de fanfaronner, mais d’afficher notre ambition pour l’agriculture de ce territoire. C’est ce que je vais continuer à faire, comme je l’ai toujours fait.

Maïsadour

Daniel PEYRAUBE, Président du groupe Maïsadour © Patxi Beltzaiz

BIO EXPRESS

Agriculteur à Castaignos-Souslens depuis 1996 (maïs grain et semence, soja, tournesol, poulets, canards et asperges vertes), Daniel Peyraube a toujours assuré des responsabilités syndicales et économiques. En 2000, il est élu président des Jeunes Agriculteurs des Landes. Il sera ensuite tour à tour secrétaire général de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles), membre de la chambre d’agriculture des Landes, administrateur, trésorier, secrétaire général puis président de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) et président de la CEPM (Confédération européenne de la production de maïs). Coopérateur pour Maïsadour dès son installation en 1996, il en devient administrateur en 2012, membre du bureau en 2015, puis président délégué en 2020.

* Financé partiellement par l’État, le Plan Adour a permis une baisse importante de la densité de production de palmipèdes et de volailles, entre le 15 décembre et le 15 janvier, dans les élevages de 68 communes des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et du Gers, « systématiquement contaminées lors des crises précédentes.