Couverture du journal du 02/10/2024 Le nouveau magazine

Le thermalisme récupère

Avec en 2022, 25 % de fréquentation en moins par rapport à l’avant-Covid, contre - 70 % pendant la crise, les établissements thermaux de Nouvelle-Aquitaine entrevoient le bout du tunnel, en continuant d’investir. Exemple dans les Landes, toujours premier département thermal de France.

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© Landes Attractivité - Sébastien Chebassier

Dans les cinq stations landaises spécialisées en rhumatologie, phlébologie, troubles du métabolisme ou voies respiratoires, les masques et les protocoles sanitaires sont encore bien présents dans les allées des 19 établissements thermaux de Dax, Saint-Paul-lès-Dax, Saubusse, Préchacq ou Eugénie-les-Bains. Mais partout, on espère que la Covid est derrière soi.
À Préchacq, dans ces thermes à la campagne où les eaux sulfatées-calciques sortent naturellement à 60°C, et les boues des alluvions de l’Adour sont affinées pendant 24 mois dans les eaux bienfaisantes, Thierry Colson, le directeur de cet établissement de la Chaîne thermale du soleil, se veut positif : « C’est beaucoup mieux. Déjà on a fait une saison complète, c’est bien par rapport aux dernières années. Si on compare à 2021, on est aux alentours de + 20 % de fréquentation, avec notamment près de 50 % d’augmentation du nombre de nouveaux curistes. Et les réservations pour 2023 sont en hausse, comparées à l’an passé, il y a un élan, ça repart. »

UNE FIN DE SAISON QUASI-NORMALE

Ici, malgré la Covid, on n’a pas arrêté les investissements, plusieurs centaines de milliers d’euros chaque année. « On continue le programme de rénovation et les investissements prévus au budget ont été validés. » À peine la station fermée ce 19 novembre, les entreprises doivent arriver dès le 21 pour démarrer les travaux (rénovation de cabines de soin, de certaines résidences, interventions techniques, etc. ).

Dès la station fermée cet automne, les travaux de rénovation démarrent

Même tendance à Eugénie-les-Bains. Si on ne parle pas encore non plus de retour à la normale, on se satisfait que « cela revienne progressivement », avec 7 500 curistes cette année, contre 9 000 en année normale, pour une augmentation de 20 % sur 2021. « Le démarrage de saison a été un peu lent au printemps dernier, entre vagues Covid et élections nationales, mais la fin de saison est fidèle à elle-même », malgré des réservations « un peu plus en dernière minute », résume Cathy Couralet, la directrice des thermes, qui met en avant la toute nouvelle piscine qui a ouvert début mai avec parcours de marche à contre-courant et aquabikes, dans ces lieux de quiétude au cœur du « village minceur » du chef triplement étoilé au guide Michelin, Michel Guérard.

DES COÛTS DE L’ÉNERGIE QUI EXPLOSENT

Sur le Grand Dax, les 16 établissements suivent à peu près la même courbe de fréquentation. « C’est encore une saison de relance, on reste une activité fragile, explique Virginie Bérot, responsable des thermes du même nom. Ce qui nous a pénalisés, c’est le début de saison. Il ne faut pas oublier qu’en janvier, au moment où on prend les réservations, on parlait de cinquième vague Covid… »

Au final après un hiver et un printemps très faibles et « des clients frileux » (400 curistes en avril contre 650 en 2019), « on fait une bonne fin de saison quasinormale (853 curistes en septembre contre 910 en 2019, soit tout juste – 7 %), pour finir sur l’année à – 20, – 25 % par rapport à 2019 ». Pendant la crise Covid, les thermes Bérot comme beaucoup d’autres, n’avaient même pas réalisé l’équivalent d’un an de chiffre d’affaires en deux ans d’activité.

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Aux Thermes Bérot à Dax, les curistes sont revenus en nombre sur la haute saison © Thermes Bérot

« Aujourd’hui, on est clairement à la relance », même s’il faut désormais, en plus, faire face au coût de l’énergie qui explose, alors que les tarifs fixés par la Sécurité sociale pour les cures n’ont que légèrement été réévalués. « On voit en urgence ce qu’on peut mettre en place pour limiter la consommation de gaz, mais c’est très compliqué. On peut réguler un peu le chauffage à la baisse, mais on est tout de même avec des gens en maillot mouillé et peignoir, le but ce n’est pas de rendre tout le monde malade ! »

Quoi qu’il en soit, « les signaux globaux sont très positifs », note Virginie Bérot qui a remarqué « plus de nouveaux curistes en pourcentage, une clientèle rajeunie, grâce à une activité qui répond à la demande par le côté naturel qui a le vent en poupe. »

À Saubusse, ce sentiment est décuplé avec une fréquentation 2022 qui va être quasiment équivalente à celle de 2019 en nombre de curistes, autour de 2 400 (- 3 %). « On a une clientèle très fidèle. On a perdu en avril les curistes qui allaient voter comme à chaque fois, mais on a relevé le chiffre de fin de saison, avec au final un chiffre d’affaires supérieur à celui d’avant- Covid. On ne s’en sort pas mal », fait valoir Arnaud Laborde, directeur de ces thermes en pleine nature, à 15 minutes de Dax, également président du cluster régional Aqui O Thermes qui faisait le bilan de la saison thermale dans la région Nouvelle-Aquitaine, le 8 novembre dernier.

Globalement, « les petites stations ont en effet plutôt mieux redémarré que les grandes », a expliqué à ses côtés, Julien Bazus, maire de Saint-Paul-lès-Dax et conseiller régional délégué au thermalisme, lors d’une conférence de presse d’Aqui O thermes à l’hôtel de région à Bordeaux.

UN PLAN THERMAL RÉGIONAL 2023-2028

Le cluster Aqui O Thermes participe à l’élaboration du nouveau plan thermal 2023-2028 de la Nouvelle-Aquitaine, futur socle de la stratégie de développement de la filière, qui sera voté prochainement dans le cadre de la feuille de route santé de la région. Ce plan de plusieurs millions d’euros pour renforcer le leadership néo-aquitain en la matière, s’articulera autour de cinq axes : maillage des stations ; modèle thermal, format de cure, prévention ; territoire durable dans le cadre de la feuille de route Néo Terra pour accélérer la transition énergétique et écologique, avec notamment l’élimination du plastique à l’horizon 2028 ; formation et emplois ; innovation et recherche.

2 400 EUROS GÉNÉRÉS PAR CURISTE POUR L’ÉCONOMIE LOCALE

Sur les 28 établissements dans les 15 stations néo-aquitaines qui reçoivent le quart des curistes en France, 110 000 à 115 000 patients ont été accueillis cette année (- 25 % par rapport à 2019), représentant un chiffre d’affaires global de 67,5 millions d’euros (contre 96 millions d’euros trois ans plus tôt). Partout, « on constate un retour progressif à la normale », détaille Laurence Delpy, directrice du cluster qui fédère les professionnels régionaux du thermalisme, de la santé, du tourisme, de la formation et de la recherche. « La prochaine saison devrait nous permettre de passer un cap supplémentaire », selon Arnaud Laborde, rappelant qu’un curiste dont la cure de 21 jours est remboursée aux deux tiers par la Sécurité sociale (le reste par la complémentaire), génère environ 2 400 euros pour l’économie locale lors de son séjour, sans compter la valeur créée par un accompagnant. Et d’indiquer que 10 à 25 % des recettes sont réinjectées dans l’économie via de nouveaux investissements, « un taux qui monte à 35 % dans les Landes », a-t-il précisé.

Plus de nouveaux curistes en pourcentage, une clientèle rajeunie, grâce à une activité qui répond à la demande par le côté naturel qui a le vent en poupe

Alors que « la période de crise a confirmé l’intérêt de la cure pour réduire les douleurs des patients qui, sans soins thermaux pendant parfois deux ans, ont dû reprendre des médicaments », l’amendement que voulait récemment présenter un député de la majorité pour conditionner le remboursement Sécurité sociale des cures à une étude par la Haute autorité de santé (HSA), n’a « pas affolé » Arnaud Laborde. « En retirant le thermalisme, on ne ferait pas d’économies, ce serait plutôt un désastre », a réagi le dirigeant, d’autant que  la filière représente « moins de 0,5 % des dépenses de la Sécurité sociale, a abondé Julien Bazus : certains croient que le thermalisme, c’est le passé, nous au contraire, nous pensons que le thermalisme, c’est l’avenir. »

PLATEFORME THERMASSIST ET ÉTUDE PRÉVICHUTE

Dans ce contexte, et pour soutenir la relance des stations, le cluster accompagne les acteurs du thermalisme néo-aquitain dans leur transformation. Aujourd’hui, « la filière doit évoluer et relever de nouveaux défis » autour de deux axes prioritaires : l’innovation et la santé, souligne Laurence Delpy.

Sur le volet innovation, Aqui O Thermes mise sur la recherche de nouveaux services en milieu thermal comme la thérapie digitale avec le masque de réalité virtuelle Bliss, censé réduire la douleur et l’anxiété (budget de déploiement à 25 600 euros). Aqui O Thermes a aussi développé Thermassist, la première plateforme en ligne pour l’amélioration de l’accueil du curiste (ordonnance, planning de cure, infos touristiques, etc.), déjà testée auprès de 3 000 curistes dans trois établissements pilotes (Evaux-les-Bains dans la Creuse, Saujon-les-bains en Charente-Maritime et les Thermes à Dax). La technologie, personnalisable selon les stations, doit être proposée à l’ensemble des adhérents du cluster en 2023 pour un budget de 92 200 euros. Côté santé, de nouveaux formats de cure sont à l’étude pour proposer une offre adaptée aux attentes, comme des cures fragmentées pour des actifs exerçant dans le soin ou des professions marquées par la pénibilité. Aqui O Thermes va également investir en 2023, 40 000 euros dans le projet Prévichute, porté par la fondation MAIF, pour de la recherche en matière de risque de chute. « Souvent les personnes qui tombent n’arrivent pas à lever les pieds. Nos couloirs de marche les obligent à le faire et ils marchent mieux après », affirme Arnaud Laborde.

De la thérapie digitale avec un masque de réalité virtuelle censé réduire la douleur et l’anxiété

Autre enjeu majeur, « nerf de la guerre », la formation et le recrutement de personnels, des kinés aux agents thermaux et médecins thermaux (dont beaucoup partent à la retraite)… « Notre défi est d’aller chercher les jeunes pour leur dire que le thermalisme est une possibilité intéressante pour eux », a souligné Laurence Delpy. « Des formations existent, il faut les remplir et une fois formés, il faut faire en sorte que les gens restent dans le secteur thermal où les métiers sont vraiment en tension », a conclu Julien Bazus. Pour les kinés, « on fait venir des Moldaves, des Espagnols, etc. Il faut se poser la question de faire évoluer le métier car ici, les kinés estiment qu’au bout de cinq ans d’études, ils ne vont pas venir faire uniquement des massages en établissement. Or, c’est ce dont nous avons besoin… »

LE THERMALISME NÉO-AQUITAIN EN CHIFFRES

28 établissements thermaux (deux tiers dans les Landes)

15 stations qui accueillent le quart des curistes en France

14 500 emplois directs ou indirects.