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La librairie landaise : un marché attractif mais fragile

Depuis la crise Covid, les librairies ont fleuri dans les Landes. Sept en quatre ans. Un record en Nouvelle-Aquitaine. Mais le marché reste fragile dans ce secteur confronté à une surproduction de livres face à toujours moins de lecteurs.

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« La crise du covid a accéléré des projets de reconversion. Ils concernent 90 % des nouvelles créations de librairies » © Patxi Beltzaiz - Hans Lucas

Elles sont 3 500 librairies indépendantes parmi les 20 000 à 25 000 points de vente en France(1) et leur chiffre d’affaires avoisine 1 milliard d’euros chaque année(2). Un livre sur deux est acheté dans ce commerce reconnu « essentiel » durant la crise sanitaire. Une récente étude du Centre national du livre (CNL) dénombre 142 créations en 2022. C’est une année record, selon l’organisme qui précise que « depuis deux ans, tous les acteurs observent une démultiplication des ouvertures de librairies, notamment dans les territoires ruraux ».(3) Un paradoxe pourtant pour le président du Syndicat de la librairie française, Guillaume Husson, car « d’un côté, leur chiffre d’affaires se maintient et leur nombre ne cesse de croître, néanmoins, leur situation financière est fragile du fait de marges réduites et de charges croissantes, notamment sur le transport, les factures d’énergie et les salaires. »

UNE ANNÉE PHÉNOMÉNALE

La Nouvelle-Aquitaine n’échappe pas à cette tendance. Elle fait d’ailleurs partie des régions qui comptent la plus forte densité de librairies avec l’Île-de-France, l’Occitanie, les régions Provence- Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes. « En 2022, nous avions 221 librairies dont 26 créations et sept reprises. Une année phénoménale », constate Jean- Marc Robert, chargé de mission économie du livre à l’Agence régionale du livre, du cinéma et de l’audiovisuel (Alca). Cette croissance s’illustre particulièrement dans les Landes avec ses sept nouvelles librairies en quatre ans : La Louve à Saint-Sever en 2020, Au Camion à Contis-Plage, Les Colettes à Tarnos, La Rêverie à Aire-sur-l’Adour et La Lanterne à Morcenx en 2022, L’Esperluette à Soustons et Aux feuilles volantes à Saint-Paul-lès-Dax en 2023.

Cette forte dynamique s’explique par l’attractivité du territoire mais pas seulement. « La crise du covid a accéléré des projets de reconversion. Ils concernent 90 % des nouvelles créations de librairies avec une majorité de cadres supérieurs qui n’étaient pas dans l’économie du livre mais souhaitent après une carrière installée, retrouver une certaine indépendance et de la proximité. »

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© Christelle Chabasse

LE CONTRAT DE LA FILIÈRE LIVRE

Avec leur dispositif de soutien, la région Nouvelle-Aquitaine, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et le CNL ne sont pas étrangers non plus à ce succès. « Tout a commencé avec la mise en place d’un protocole d’accord entre l’État et la région Aquitaine en 2003, reconduit jusqu’en 2015 pour laisser place au premier contrat de filière en France. Revu et étendu à la Nouvelle-Aquitaine après la fusion des régions jusqu’en 2024. » 420 000 euros répartis entre le CNL (130 000 euros), la

Drac (140 000 euros) et la région (150 000 euros) sont alloués à la librairie chaque année. « Nous proposons un accompagnement à la création, à la reprise et au développement de la librairie. L’Alca est la porte d’entrée de tous les dispositifs », ajoute Jean-Marc Robert. Partenaire de l’agence, la très active association des Libraires indépendants en Nouvelle-Aquitaine (Lina) apporte aussi sa pierre à l’édifice. Elle accompagne plus de 120 librairies adhérentes (formations, conseils, mutualisations d’achats…) dont elle assure aussi la promotion.

DES FORMATS UNIFORMISÉS

Dans les Landes comme ailleurs, les professionnels du livre observent une uniformisation des projets sur des formats n’excédant souvent pas 80 m2 et avec une offre majoritaire d’actualités qui évoluera en fonction des goûts du lectorat. Installés pour la plupart dans des villes de taille moyenne, les libraires offrent désormais de nouveaux services et produits pour créer du lien social et culturel.

Ainsi à côté du livre, se développent des coins café, presse, espaces de coworking, galeries, cavistes… « Ils se consacrent [aussi] à des spécialités émergentes (environnement, fantasy, LGBTQIA+…). Mais, fondamentalement, les bases du métier restent les mêmes : l’accueil, la qualité de l’assortiment, les animations (invitations d’auteurs, rencontres-débats, ateliers pour les enfants…) et la capacité à interagir avec son environnement et son territoire notamment en collaborant avec les autres institutions culturelles, les associations, les écoles… », ajoute Guillaume Husson.

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE VIABLE

L’enjeu reste à trouver un modèle économique adapté. « Ce n’est pas simple de jongler avec le stock, la trésorerie et s’adapter à sa clientèle. Pour arriver à faire un Smic, il faut compter un chiffre d’affaires d’à peu près 180 000 euros », explique Jean-Marc Robert.

Enfin entre la surproduction des livres – « 70 000 nouveautés soit plus de 200 titres par jour ! », annonce Guillaume Husson -, et les lecteurs qui sont moins nombreux, le casse-tête des libraires est quotidien. La rentrée littéraire représente un pourcentage important de leur chiffre d’affaires. Mais même si cette année elle est un peu moins bonne qu’espéré, l’annonce des prochains prix littéraires devrait redynamiser le marché, voire redoper la lecture avec quelques titres phares.

  • Source Syndicat de la librairie française (SLF) et ministère de la Culture
  • Source SLF
  • Communiqué du CNL du 6 mars 2023