Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

La course landaise en ébullition

Ce sport extrême, « Adrénaline gasconne » comme évoqué dans la nouvelle communication de la Fédération française de la course landaise, attire de plus en plus de spectateurs dans les gradins. Un atout économique et touristique.

course landaise

@ Melanie Brethous

La saison 2023 a démarré par une polémique après la décision, courant juin, du multiple champion de France, Fabien Napias, de se retirer de toutes les compétitions officielles individuelles après une notation ayant suscité la bronca dans les arènes de Doazit. « Il n’est pas dans mes valeurs d’accepter une injustice, l’irrespect du sportif et le manque de compétence non assumé de ceux qui en font les juges de nos exploits », a posté sur Facebook le sauteur qui dénonce un « corps arbitral à des années-lumière du professionnalisme que les acteurs essaient de donner. »

Pour éteindre ce début d’incendie dans les talanquères, la Fédération française de la course landaise (FFCL), basée à Saint-Pierre-du-Mont, et son président, Patrice Larrosa, ont réagi par communiqué, apportant leur « entière solidarité et total soutien » aux arbitres, évoquant « une réaction démesurée d’un licencié sportif sur les réseaux sociaux ».

Toujours à la recherche de nouveaux partenaires pour augmenter les ressources

538 SPECTACLES EN 2022, 300 000 SPECTATEURS

En homme de dialogue et de concertation n’aimant pas la polémique, Patrice Larrosa précise aux Annonces landaises, avoir « réuni les arbitres pour reposer les choses. Depuis quelque temps, on a mis en place un vrai projet d’évolution de l’arbitrage. Les arbitres se retrouvent chaque semaine pour des séances de formation continue. On travaille sur vidéo, on leur montre les écarts, les sauts, le bétail, on pointe, on explique le pourquoi, le comment, les grilles d’évaluation. Il y a des échanges avec d’anciens arbitres et avec des écarteurs et des sauteurs, on fait intervenir des personnes extérieures sur la gestion du stress et du conflit. La notation est très complexe, mais on va trouver un outil plus lisible, plus facile à comprendre pour éviter des problèmes inutiles », dit-il, réfléchissant pourquoi pas au recours à l’arbitrage vidéo.

Une campagne de recrutement de juges est également lancée pour renforcer la quinzaine d’arbitres qui courent sur toutes les courses pendant la saison. Et un travail est en cours à l’école taurine « pour que les jeunes qui se préparent puissent aussi s’initier au travail d’arbitrage, en s’inspirant d’autres sports, comme le basket où les sportifs sont amenés à voir les difficultés que peut représenter l’arbitrage. Il faut que les gens se parlent et se comprennent ! » Et tout faire pour que perdure dans les meilleures conditions cette « fête garante du bien vivre ensemble » qu’est la course landaise selon lui, « un héritage qui rassemble, un remède en ces temps agités de division. » Globalement, « la course landaise qui est inscrite depuis 2020 au patrimoine culturel immatériel en France, se porte bien », assure Patrice Larrosa. Avec 538 spectacles (de la formelle à la course touristique) dans 175 arènes, surtout des Landes et aussi du Gers, des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Pyrénées et de Gironde (Captieux), « la saison 2022 a permis de retrouver un nombre de courses identique à l’avant-Covid en 2019, avec même plus de monde sur les gradins (300 000 spectateurs) et notamment plus de jeunes qui répondent à notre appel avec notre nouvelle campagne de communication « Adrénaline gasconne ». On essaie de montrer que la course est un sport extrême à (re)découvrir, un sport générateur d’émotions qui correspond à notre culture régionale par sa longue histoire gasconne depuis le Moyen-Âge, avec des valeurs ô combien précieuses autour de la fête, du partage, de l’enthousiasme, de la solidarité, de la fraternité et du courage pour affronter le bétail. Il y a d’ailleurs peut-être une volonté pour certains de maintenir cette culture par rapport au monde des anti-taurins, avec aussi l’accent mis sur le bien-être animal de ces vaches à la vie de luxe dans les champs », dans la douzaine de ganaderias landaises et gersoises aux 2 000 bêtes.

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@ Melanie Brethous

DU FOIN SOLIDAIRE

Des ganaderias dont certaines vont pouvoir bénéficier de l’opération Foin solidaire à l’initiative du viticulteur du Madiran, Alain Brumont, et organisée par la FFCL : des balles de foin (plusieurs milliers sont espérées) offertes par des agriculteurs à des éleveurs de vaches coursières qui ont été fortement impactés par le Covid, le tout en échange d’une bouteille de bon vin. « La générosité et la solidarité ne sont pas de vains mots » en pays coursayre, résume le président. Un milieu où la passion pousse l ’ensemble des acteurs, des 200 clubs organisateurs de courses à la dizaine de bénévoles au moins chacun, aux 250 sportifs dont les gains varient de 80 euros à quelques centaines d’euros la course gagnée et qui devraient bientôt voir adopter dans les arènes le protocole commotion cérébrale pour une meilleure protection comme au rugby. Côté carrière, le dossier avec l’Urssaf et le ministère des Finances qui voulaient que les écarteurs et sauteurs passent au régime des sportifs et qui a empoisonné le milieu ces dernières années, a finalement été réglé. « Nous avons réussi en concertation avec les services concernés, à établir une relation de confiance et obtenu que le régime de la course landaise soit maintenu pour les anciens licenciés, éclaire Patrice Larrosa. Les nouveaux licenciés seront eux sur le régime sportif, mais tout en intégrant les spécificités de la course, avec notamment une fiche de frais qui tient compte du pantalon qui va craquer toutes les deux courses, de l’achat du boléro (500 euros) qui dure en moyenne trois ans, des frais kilométriques ou pharmaceutiques… C’était le nerf de la guerre. »

À l’école taurine, on est passé d’une quinzaine d’élèves à 45 en un an

STRATÉGIE ÉCONOMIQUE ET TOURISTIQUE

Et pour faire perdurer la course landaise, la FFCL investit également dans l’école taurine à Mont-de-Marsan qui a été complètement refondée cette année. « On est passé d’une quinzaine d’élèves à 45, en ouvrant notamment les portes dès huit ans, au lieu de 13 », fait valoir le dirigeant. Un apprentissage des plus petits devant des ballons ou des bouées à la place du bétail, avec notamment des champions parmi la quinzaine d’encadrants, comme Élodie Poulitou, David Laplace ou Loïc Lapoudge. Point d’orgue, la course de représentation de l’école qui a été un gros succès populaire à l’Ascension à Bascons. Sans oublier le projet gascon dans une cinquantaine de classes primaires landaises avec le département et l’Éducation nationale au cours de l’année et une soirée festive finale au Plumaçon à Mont-de-Marsan avec 5 000 personnes au son de la Cazérienne.

Dans cette dynamique engagée, de nouveaux partenaires et entreprises sont également séduits par la FFCL pour promouvoir la course, d’Aqualande à PiXL (fibre optique) ou Debard Automobiles, qui ont rejoint les « historiques » comme les Vins de Tursan, Maïsadour ou le Crédit Agricole. « On cherche toujours de nouveaux partenaires pour augmenter nos ressources », rappelle-t-on à la fédération.

Dans les villages, des ambassadeurs bénévoles, les greeters, se mobilisent aussi, de leur côté, pour expliquer aux néophytes le fonctionnement des courses, en lien avec les offices de tourisme. Trésors locaux toujours, des routes des arènes ont, ces dernières années, été mises en place avec les mairies, à l’image de la nouvelle route des Landes d’Armagnac. Histoire de faire venir des touristes vers l’intérieur, sur les chemins coursayres des vaches, écarteurs et sauteurs, à la découverte de ces lieux sociaux et patrimoniaux emblématiques du territoire landais.

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@ Locatelli

IRONDA, PHÉNOMÈNE D’ÉDITION

Après un démarrage en trombe au championnat de France de la course landaise, en octobre dernier à Nogaro, les ventes de la bande dessinée Ironda, reine des arènes n’ont pas faibli. Le premier tirage de 2 000 exemplaires est totalement écoulé. Au point que les éditions Passiflore ont dû en tirer 1 000 supplémentaires en prévision de l’été. L’ouvrage réalisé par Patrice Larrosa, président de la Fédération française de la course landaise, et David Dupouy vise en effet à expliquer la course landaise aux enfants et aux touristes… à travers les yeux d’une vache. « L’histoire de Passiflore est intimement liée à la course landaise, assure Patricia Martinez, responsable de la maison d’édition dacquoise.

Elle était au cœur du premier livre que nous avons publié en 2009 : Les Acteurs de la course landaise, d’Alain Laborde. » Depuis, d’autres titres consacrés à Nicolas Vergonzeanne, Mathieu Noguès et Loïc Lapoudge se sont ajoutés à la collection. Patrice Larrosa a également signé La Course landaise a une histoire, en 2018. Mais la BD, la première pour Passiflore, reste l’ouvrage qui remporte le plus de suffrages auprès du public. D’ailleurs, afin que même les plus jeunes puissent découvrir la course landaise, certaines des planches ont été déclinées en livre de coloriage.

À VOIR SUR TVPI

« Coursayre, une passion gasconne », la série d’été de la chaîne locale TVPI, propose huit émissions exclusives sur l’univers de la course landaise, diffusées quatre jours chacune en juillet-août : de la genèse de la course aux grands acteurs, en passant par les élevages de vaches. www.sudouest.fr/lachainetvpi