Les Annonces landaises : Être seulement six dans une communauté de communes, n’est-ce pas trop peu pour développer des projets d’envergure ?
Jérôme Baylac-Domengetroy : À l’origine, nous étions neuf communes, mais quatre (Arjuzanx, Garrosse, Morcenx et Sindères) ont choisi de créer la commune nouvelle de Morcenx-la-Nouvelle. Nous sommes « petits », avec moins de 10 000 habitants au total, et cela peut en effet parfois poser des questions sur le seuil d’efficacité. Nous avons une grosse commune-centre qui pèse lourd dans la balance, Morcenx-la-Nouvelle, avec plus de la moitié de la population et la moitié du budget. Mais il n’a pas été question de regroupement avec d’autres communautés de communes comme ça a pu être le cas pour d’autres EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) landais. Toutes les fusions de communauté de communes n’ont pas été faciles. Nous sommes dans un territoire intermédiaire géographiquement et nous fonctionnons bien comme cela pour l’instant, avec un vrai travail en équipe.
LAL : Quel premier bilan tirez-vous à mi-mandat ?
J.B.-D. : Nous avons créé une dynamique collective, avec l’envie de travailler ensemble en transparence. Cela s’est notamment concrétisé par le Pacte fiscal en 2020 qui a permis de dégager des marges de manœuvre afin de réus- sir à porter des projets d’investissement sur le territoire. Nous avons réussi à atteindre le million d’euros d’investissement, soit 100 euros par habitant, le seuil des collectivités de notre strate, alors que nous en étions loin en 2020. Nous avons finalisé en 2022 notre PLUi-H (plan local d’urbanisme intercommunal valant programme local de l’habitat), un serpent de mer. Il a mis six ans à être élboré, et là nous le remettons tout de suite en révision en raison des nouvelles attentes des communes et avec la question des réductions de consommation foncière qui bousculent les élus. Avec la Zéro artificialisation nette (ZAN), nous allons devoir diviser par deux notre consommation d’ici 2031, et être à zéro en 2050. À la fin de notre PLUi-H, nous avions prévu 170 hectares de consommation foncière (projet de développement, lotissements, etc.). En 2031, nous devrons être à 90 hectares ! Chacun va devoir faire des sacrifices et il va falloir redéfinir les choses collectivement. Cette loi est certes une démarche vertueuse, mais les questions sont nombreuses et les délais courts. Hélène Cousseau, maire de Lesperon, qui porte la démarche travaille finement avec l’ensemble des élus pour trouver des réponses équilibrées.
Côté CIAS (centre intercommunal d’action sociale), nous avons par ailleurs doublé les dépenses sociales avec la subvention d’équilibre, de 250 000 euros au départ à bientôt 500 000 euros, alors que nous n’avons pas doublé la population. C’est plutôt une question de montée du coût des prises en charge, d’un meilleur service de maintien à domicile. Nous avons, comme tout le monde, des problèmes de recrutement, mais ici il n’y a pas d’absentéisme. Nous travaillons à une meilleure formation des agents, – plus les agents sont formés, plus ils trouvent d’intérêt à leur travail du quotidien -, le tout dans un dialogue social constant. Notre expérimentation de prises de repas partagé est, par exemple, née d’une discussion avec des agents de terrain ayant imaginé le dispositif pour des bénéficiaires qui, par isolement ou manque d’envie, n’avaient pas une alimentation suffisante. Partager ce moment du repas, de la confection à la table, est très bénéfique à la fois pour la personne âgée et pour l’agent qui voit que son accompagnement a beaucoup de sens.
Pour les jeunes, nous avons aussi mis en place la Coopérative jeunesse de service (CJS) qui, depuis trois ans, leur permet d’apprendre l’entrepreneuriat, en menant des projets où ils sont DRH, comptables, dirigeants, exécutants. Cette première sous l’axe de l’économie sociale et solidaire, a été étendue à d’autres territoires. Nous sommes fiers de l’avoir fait et de ne pas être exclusif en partageant l’idée !
Depuis trois ans, la Coopérative jeunesse de service (CJS) permet à des jeunes d’apprendre l’entrepreneuriat
LAL : Ici, France Services se déploie via un bus itinérant, pourquoi ?
J.B.-D. : Le bus France Services créé il y a deux ans avec un cofinancement entre l’État et la communauté de communes, remplit ses objectifs au-delà de ce qu’on pouvait espérer. Plus de 19 personnes par jour y sont accueillies en moyenne dans tous les villages, il y a une vraie attente de la population pour s’informer sur les dossiers retraite, le paiement des impôts, l’inclusion numérique, etc. Nous avons choisi un dispositif itinérant avec ou sans rendez-vous. À chaque fois que l’on crée quelque chose, on imagine le déployer, à l’image de la médiathèque en quatre lieux, du ludobus itinérant et du formidable succès de son Festival du jeu présent partout, du réseau d’assistantes maternelles qui se déplacent dans toutes les communes pour pallier les problématiques de mobilité. On ne voulait pas que tout revienne toujours dans la commune-centre. C’est l’avantage de n’être que six, un territoire peu étendu, même s’il y a 40 km d’un bout à l’autre. L’organisation est facilitée, c’est aussi un atout. Notre volonté est de faire des politiques communautaires des actions de proximité au service de tous dans toutes les communes.
LE PAYS MORCENAIS EN CHIFFRES
6 communes : Arengosse, Lesperon, Morcenx-la-Nouvelle, Onesse-Laharie, Ousse-Suzan, Ygos-Saint-Saturnin
9 365 habitants
8 millions d’euros de budget de fonctionnement en 2022/2023
1 million d’euros de budget d’investissement en 2022/2023
26 agents à l’EPCI et 64 au CIAS
LAL : Quels projets sont développés pour l’économie du territoire ?
J.B.-D. : Sur les trois zones d’activité qui comptent 103 entreprises (plus de 700 emplois), plus aucun lot n’est actuellement disponible alors que nous sommes sollicités par des porteurs de projets. Il va falloir passer par une modification du PLUi. Bien placé près de l’autoroute vers l’océan et aux portes de Mont-de-Marsan, il y a ici un vrai potentiel de développement. Roxanne Olivier, élue d’Ousse-Suzan, porte une importante réflexion sur l’accompagnement des nouveaux projets économiques.
Nous avons la chance sur ce territoire de disposer d’une gare qui voit passer 500 personnes par jour. On a constaté un effet réel post-Covid en termes d’arrivée de populations, il faut cultiver cette attractivité. Avec le développement du pôle multimodal à la gare dans le cadre du Contrat de développement et de transitions 2023- 2025 [LAL n°4046 du 21 janvier 2023], signé à Morcenx-la-Nouvelle en janvier dernier entre la région Nouvelle-Aquitaine et les communautés de communes Cœur Haute Lande, Landes d’Armagnac, Pays morcenais et Pays de Villeneuve en Armagnac landais, nous pouvons imaginer un projet économique sur le buffet de la gare. Il s’agit là de rénover un bâtiment du centre-ville historique de Morcenx-la-Nouvelle qui fut le plus grand buffet d’Europe à l’époque des grands pèlerinages vers Lourdes au début du siècle dernier. Sur ces 400 m2, on imagine mettre un réparateur de vélo et deux ou trois autres porteurs de projets.
L’EPCI est aussi signataire du dispositif national de redynamisation Petites Villes de demain qui concerne Morcenx-la-Nouvelle. Nous sommes en train de finaliser la dimension de l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat, Renouvellement urbain (Opah-RU) pour travailler la question de l’habitat. Notre volonté est de développer un Opah à l’échelle du territoire, la question du logement et de sa qualité est centrale. Portée par le CIAS, la création d’une résidence autonomie de 20 logements dans le parc de la maison Saint-Geours accueillera les services du CIAS. Les travaux doivent commencer en 2025 pour un budget de 3 millions d’euros, en partenariat avec le bailleur social Énéal (filiale d’Action Logement).
Nous avons la chance de disposer d’une gare qui voit passer 500 personnes par jour
LAL : Comment le Pays Morcenais s’implique-t-il dans la transition écologique ?
J.B.-D. : C’est un de nos trois axes prioritaires, avec l’inclusion numérique et l ’action sociale. Depuis 2022, nous avons intégré Précoreno, le service public gratuit d’accompagnement pour la rénovation énergétique de l’habitat porté collectivement par les communautés de communes Cœur Haute Landes, de Mimizan et des Grands Lacs. 160 ménages ont sollicité le service ici en 2022 et 100 logements ont été visités, il y a une vraie attente. On va plus loin que le conseil, on aide au montage du dossier.
Depuis l’an passé, nous avons par ailleurs recruté un chargé de mission transition écologique, Guilhem Herbert, qui porte l’ensemble des dossiers, des ateliers fresques du climat pour comprendre les conséquences des actions humaines au développement du photovoltaïque sur les bâtiments publics ou privés, de l’expérimentation de compostage à la création d’un Repair’café associatif début 2024 pour réparer plutôt que jeter les objets du quotidien, un travail inspiré par la Maison écocitoyenne des Landes en lien avec le Syndicat d’élimination des déchets de la Haute Lande pour une dynamique collective.
On a constaté un effet réel post-Covid en termes d’arrivée de populations, il faut cultiver cette attractivité
Nous sommes aussi en train de finaliser notre schéma cyclable pour identifier les zones prioritaires à développer, avec un double enjeu autour du tourisme et de l’écologie. La communauté de communes a récemment accompagné la commune d’Onesse-Laharie dans l’aménagement de son centre-bourg pour la partie cyclable.
LAL : Le classement d’Arjuzanx en réserve naturelle nationale à l’été 2022 a-t-il été bénéfique pour le tourisme local ?
J.B.-D. : C’est une chance pour le territoire. La réserve naturelle, plus grand site français d’hivernage des grues cendrées, est désormais visible à l’échelle internationale.
La fréquentation est très importante, autour de 200 000 personnes chaque année. Je ne crois plus trop à un grand développement industriel, je crois plutôt au développement d’un tourisme éco-responsable qui caractérise mieux notre territoire : l’été avec la plage et le lac, l’automne avec les grues. Post-Covid, des gens ont développé des gîtes d’accueil collectif, on sent que ça frémit, il y a un axe touristique à développer. Suite à un appel à projets du syndicat mixte d’aménagement, un projet d’écolodges intégrés à la nature vient d’être attribué sur site à un porteur privé. La commune de Morcenx-la-Nouvelle vient d’ouvrir une aire de camping-car à grands espaces dans le même état d’esprit. L’été prochain, le Smata (Syndicat mixte d’aménagement touristique d’Arjuzanx) aura réhabilité l’ancienne maison Catachot pour en faire un lieu de restauration. La commune d’Onesse-Laharie porte un projet d’auberge en centre-bourg et celle de Lesperon un très beau projet de tiers-lieu artisanal. Tout cela prouve la volonté de développement et le dynamisme du territoire au-delà de l’EPCI.
LA MICRO-FOLIE À MORCENX
Inaugurée le 29 septembre dernier dans la médiathèque du Pays morcenais à Morcenx-la-Nouvelle, la Micro-folie est un musée virtuel permettant d’accéder sur écran géant et tablettes numériques aux œuvres de 12 établissements culturels nationaux, sur place et en itinérance. Il existe 400 Micro-folies en France, un projet porté par le ministère de la Culture et coordonné par l’établissement public de La Villette, avec la participation du Centre Pompidou, du Château de Versailles, de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris et d’autres opérateurs nationaux. « Ce n’est pas parce que nous vivons dans le monde rural qu’on doit être éloigné de tout, selon Jérôme Baylac-Domengetroy. Ce projet participe de la volonté d’inclusion numérique et de l’envie de développer la proximité culturelle pour tous. »
SANTÉ : UN « VILLAGE DES AIDANTS » EN PROJET À ARJUZANX
Après le Village Alzheimer à Dax ouvert en 2020 et le projet innovant de maisons pour jeunes adultes autistes à Mont-de-Marsan, le département des Landes a confirmé début octobre son projet de « Village de vacances et répit partagés » qui pourrait voir le jour à proximité du site d’Arjuzanx, à l’horizon 2027-2028. Une double alternative aux aidants et aux aidés dans un établissement touristique et hôtelier cumulant le médico-social et la prestation de loisirs et pouvant accueillir jusqu’à 150 personnes venues de toute la France pour des séjours moyens de deux semaines par an. Le budget de ce lieu innovant, dans l’attente d’un appel à projets national, est estimé entre 25 et 30 millions d’euros et devrait « permettre de créer 80 à 100 emplois dans un territoire rural », a dit Paul Carrère, vice-président du conseil départemental, lors d’une table ronde organisée par le département avec le journal Sud-Ouest à l’occasion de la Journée nationale des aidants.