Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

INTERVIEW – « Construire un territoire équilibré », Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes du Seignanx

La communauté de communes du Seignanx vient de fêter ses 30 ans. Développement économique, logement, mobilité, environnement, patrimoine… Sa présidente depuis 2020, Isabelle Dufau, fait le point des grands enjeux de ce petit territoire landais situé entre le Pays basque et Maremne Adour Côte sud.

Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes du Seignanx

Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes du Seignanx © Patxi Beltzaiz - Hans Lucas

Les Annonces landaises : Le 23 décembre 1993, naissait la communauté de communes du Seignanx. Comment marquer cet anniversaire ?

Isabelle Dufau : Après la loi de 1992 sur la possibilité de mutualiser des actions entre communes, le Seignanx a été, à l’époque, avec le Grand Dax, une des intercommunalités pionnières dans les Landes avec déjà ses huit communes réunies. Pour fêter ces 30 ans, nous avons choisi d’éditer 30 affiches avec des portraits d’habitants et acteurs du territoire qui participent, œuvrent ou bénéficient des politiques publiques du Seignanx. Maraîcher qui cultive des terres louées au Seignanx, bénévole pour la distribution alimentaire, spectateurs du FestiMai, créateur d’entreprise sur une zone d’activités économiques, agent de la gestion des milieux aquatiques, citoyen accompagné pour l’achat de récupérateurs d’eau de pluie… Ils sont 50 à avoir participé et c’est une façon de découvrir la diversité des projets et actions portés par l’intercommunalité.

LAL : Quelles sont les spécificités du Seignanx ?

I. D. : Nous sommes un petit territoire de 15 000 hectares, avec une spécificité littorale, entre Maremne Adour Côte Sud (Macs) et le Pays basque. Tarnos en est la commune la plus importante en termes d’habitants, avec un port important, une forte activité industrielle et de belles entreprises, comme Safran Helicopter Engines qui emploie plus de 1 500 personnes et prévoit des recrutements dans les années à venir. Ondres et Saint-Martin-de-Seignanx avec des populations autour de 6 000 habitants, ont aussi des zones d’activités développées. Mes prédécesseurs ont été assez visionnaires, ils ont fait beaucoup de réserves foncières qui provoquent un certain regard de convoitise de la part de nos voisins, côté Pays basque notamment. Enfin le Seignanx compte également cinq communes au tissu plus rural mais dynamiques.

Nous réfléchissons à plusieurs extensions de zones d’activités économiques

Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes du Seignanx

Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes du Seignanx © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

LAL : Dans ce contexte, comptez-vous développer de nouvelles zones d’activités économiques ?

I. D. : La zone de Northon-L’Hermitage, en cours d’installation à Saint-Martin-de-Seignanx, est la dernière que nous sommes en train d’aménager, dans le cadre du Syndicat mixte qui regroupe le département des Landes et la communauté de communes et dont l’aménageur est la Satel (Société d’aménagement des territoires et d’équipement des Landes). Sur 63 hectares, nous déployons un programme mixte entre industrie, artisanat et tertiaire. À Labranère sur Ondres, nous proposons du foncier pour des artisans et, victimes de notre succès, nous réfléchissons à une extension dans le PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal). Sur celle de Souspesse qui est pratiquement remplie, sont en train de s’installer les Délices du Seignanx, une entité qui regroupe des d’agriculteurs et éleveurs, pour proposer un magasin de producteurs en circuits courts avec possibilité de déjeuner sur place, courant 2024. La zone d’Ambroise, une des plus anciennes a, elle, besoin d’être requalifiée pour être mieux mise en avant, elle accueille beaucoup d’emplois et d’activités et on réfléchit là aussi à une extension. À noter encore la création d’un restaurant inter-entreprises (RIE) grâce au terrain cédé par Safran à l’euro symbolique après dépollution du site : ce projet à 9 millions d’euros (20 % pris en charge par le Seignanx, le reste en subventions) qui devrait être livré en 2025, sera un bel outil au service de tous les employés de ce bassin d’emploi.

LAL : Vous attirez aussi désormais des entreprises basques séduites par le foncier local…

I. D. : Grâce à notre foncier disponible et à des prix accessibles, nous avons déjà deux exemples de grosses entreprises du Pays basque qui ont décidé de venir s’agrandir chez nous, Needle Concept et Tekniaero [LAL n° 4087 du 4 novembre 2023]. D’autres entreprises dont 25 % viennent du Pays basque tapent à la porte, d’autres arrivent du nord de notre territoire, et des sociétés locales comme Lataste (transports), Pinaquy (travaux publics VRD) veulent également étendre leur activité. Nous avons tous intérêt à travailler dans la complémentarité, pas dans la concurrence, que ce soit avec Macs, la communauté d’agglomération du Pays basque, le Pays d’Orthe, et toutes les communes et institutions avoisinantes. S’agissant du foncier qui se raréfie, nous envisageons d’autres formes de mises à disposition, comme les baux à construction.

Un projet de résidence intergénérationnelle avec XL Habitat va se monter juste à côté du siège de la communauté de communes, qui réunira personnes âgées, jeunes et personnes handicapées

LAL : Cette attractivité générale se combine toujours avec une certaine crise du logement, comment agissez-vous ?

I. D. : Malgré la crise sanitaire, nous avons passé du temps à renouer du lien avec les habitants, notamment via les Assises du Seignanx. Avec ces réunions publiques, nous avons préfiguré le projet de territoire dévoilé cet été après deux ans et demi d’échanges, avec l’idée d’un territoire dans lequel nous avons plaisir à habiter, à entreprendre, à consommer, en pouvant se soigner, en préservant notre patrimoine culturel et nos activités agricoles, et en prévoyant la transition énergétique pour un territoire équilibré entre villes et villages. Dans ce contexte, nous avons su développer du logement abordable : le bilan du Plan local d’habitat à mi-parcours est plutôt satisfaisant, avec 1 000 logements créés depuis 2020 et autant à produire d’ici 2025. Nous avons revu toutes nos aides à la hausse pour la construction de logement social et la réhabilitation de logements anciens pour les personnes âgées à domicile. Un projet de résidence intergénérationnelle avec XL Habitat va se monter juste à côté du siège de la communauté de communes, qui réunira personnes âgées, jeunes et personnes handicapées avec l’Esat Château rouge. S’il manque toujours du logement social, il y a sur le territoire une vraie politique volontariste en la matière, comme avec le programme innovant Grandola à Tarnos, via le COL (Comité ouvrier du logement) et XL Habitat par exemple. Nous avons par ailleurs ici moins de problèmes qu’ailleurs sur la côte en termes de logements AirBnB ou de résidences secondaires et nous allons faire en sorte d’essayer que ce phénomène ne se diffuse pas sur le Seignanx. Je ne peux pas parler de ces sujets sans saluer la mémoire de Pierre Latour, notre vice-président au logement et maire de Saint-Barthélémy depuis 1995, dont la disparition soudaine nous a tous beaucoup ébranlés. Il était très apprécié pour ses compétences, sa bonhomie qui permettait de toujours détendre l’atmosphère et sa proximité avec les agents.

LAL : Où en est le PLUi dont la rédaction a plusieurs fois échoué ?

I. D. : Nous avons relancé le PLUi en avril 2021 après deux procédures avortées dans les mandats précédents. Notre PADD (Projet d’aménagement et de développement durable) a été voté à l’unanimité et nous en sommes à la définition des zonages et à la rédaction du règlement. Nous avons dialogué sur le nécessaire exercice de sobriété foncière avec la loi ZAN (Zéro artificialisation nette), dont les règles commencent à se clarifier malgré beaucoup d’incertitudes. Quand on fait de l’étalement urbain, on grignote des zones agricoles ou forestières, on ne peut plus faire ça. Quand on construit en hauteur, on utilise moins de foncier, et on remet de la nature en ville. L’urbanisme, ce n’est pas ma formation, je viens du domaine de l’éducation, mais j’espère que nous aurons une grande majorité sur le PLUi, voire l’unanimité. En tout cas je m’y emploie pour espérer le finaliser en 2025. Nous avançons les huit communes ensemble avec des groupes de pilotage pour parler aménagement, construction, déplacements, parkings de covoiturage, zones d’activités économiques, verdissement des communes et transition écologique… Le PLUi devrait nous permettre de dire ce que l’on veut sur ce territoire dans le nouveau contexte de sobriété foncière. Nous aimerions que le contentieux avec la Sodec à propos des Allées shopping [un grand ensemble commercial imaginé il y a plus de 10 ans et dont le permis modificatif a été refusé, NDLR] soit purgé d’ici là, mais il faut être très prudent sur ce sujet.

LE SEIGNANX EN CHIFFRES

8 communes : Biarrotte, Biaudos, Ondres, Saint-André-de-Seignanx, Saint-Barthélémy, Saint-Laurent-de-Gosse, Saint-Martin-de-Seignanx, Tarnos (11 790 habitants)

28 770 habitants sur 15 000 hectares

37 agents à la communauté de communes et 91 au centre intercommunal d’action sociale

33 élus

29 millions d’euros de fonctionnement

14 millions d’euros d’investissements

Pas de recours à l’emprunt depuis 2020.

Seignanx

© Alexia Lepelletier

LAL : Les débats ont souvent été houleux ces dernières années dans le Seignanx, comme on a pu le constater avec le projet de centre aquatique…

I. D. : Les élections municipales ont rebattu les cartes, nous avons remis les choses à plat. Le bureau communautaire fonctionne tous les 15 jours avec toutes les communes représentées. Il est clair que nos débats argumentés sont parfois un peu agités, mais il faut faire en sorte que chacun ait la possibilité d’exprimer son point de vue et réussir à dégager des majorités pour avancer. Ça a été le cas pour le centre aquatique [LAL n° 4090 du 27 novembre 2023] qui devrait ouvrir ses portes en 2026, au centre-ville de Tarnos.

LAL : Avez-vous, comme ailleurs, des problèmes de recrutement au centre intercommunal d’action sociale (CIAS) ?

I. D. : Depuis 2020 et la crise sanitaire, nous avons mis en place des groupes de travail collaboratifs avec des agents du CIAS volontaires et un psychologue, pour améliorer la qualité de vie au travail et les rémunérations, et cela porte ses fruits. Nous avons toujours des problèmes de recrutement mais les services sont très mobilisés. Notre campagne de recrutement via les Cafés de l’emploi et des métiers, a permis trois embauches supplémentaires. Ce sont des indices satisfaisants, il faut continuer sur cette lancée. C’est une vraie source de fierté.

Seignanx

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

LAL : Côté culture, quel accueil ont reçu les rendez-vous Si le Seignanx m’était conté ?

I. D. : L’idée au départ était de partager notre patrimoine culturel, une façon de contribuer à souder un territoire qui parfois manque de dialogue. On a déjà posé nos valises un après-midi ou une soirée, pour parler de la révolte des métayers à Biaudos, des forges à Tarnos, de l’Adour à Saint-Laurent-de-Gosse, des histoires napoléoniennes à Saint-André-de-Seignanx, etc. Trois rendez-vous sont à nouveau prévus en 2024, notamment en mars à Saint-Barthélémy sur les cagots, des victimes de discriminations sociales et religieuses au Moyen-Âge. Ces animations gratuites qui attirent du monde, permettent de découvrir des facettes méconnues du Seignanx.

NOUVELLE STRATÉGIE FISCALE

Engagement de campagne, la stratégie fiscale a été « un des premiers actes fondateurs politiques en début de mandat », explique Isabelle Dufau. Il s’agit de maintenir les capacités financières de la collectivité, tout en adaptant la participation de chacun en fonction de la taille de son portefeuille, entre baisse de la taxe ordures ménagères pour la majorité des ménages, nouvelle taxe foncière bâtie et révisions des taux de la cotisation foncière des entreprises, afin d’augmenter la participation financière des grands groupes sans impacter les acteurs économiques locaux (75 % des entreprises du territoire). « Grâce à ces leviers, nous obtenons un gain chaque année pour développer des projets nouveaux. »

MOBILITÉS : VERS UN RER BASCO-LANDAIS ?

Sur les transports locaux, le Seignanx doit travailler avec de nombreux interlocuteurs. Tarnos, Ondres et Saint-Martin-de-Seignanx adhèrent au syndicat de mobilité Pays basque-Adour : le réseau TRAM Bus va déjà jusqu’à Tarnos, et un prolongement jusqu’à Ondres est espéré. Les cinq communes de l’intérieur dépendent, elles, du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. « Nous élaborons un schéma simplifié de mobilités qui doit permettre de développer des aires de covoiturage et du transport à la demande, et un contrat opérationnel de mobilité avec la région et le pays Adour Landes océanes », précise Isabelle Dufau. Des réunions publiques auront lieu début 2024 sur le sujet. Objectif : avoir moins de voitures sur les routes et plus de passagers dans les transports publics.

Autre projet à l’étude sur les 10 prochaines années, le service express régional métropolitain (SERM) basco-landais présenté début décembre par le conseil régional. Une sorte de RER basco-landais qui irait de Dax à Hendaye (voire Saint-Sébastien), avec des arrêts dans le Seignanx.