La question de l’égalité femme-homme est essentielle au sein des organisations. Elle est gage de lien social et de performance. Le Conseil de l’Europe a défini l’égalité professionnelle homme-femme comme « l’égale visibilité, autonomie, responsabilité et participation des deux sexes à/dans toutes les sphères de la vie publique et privée ». Au sein de l’entreprise, l’égalité peut être définie comme l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en termes d’accès à l’emploi, à la formation, à la mobilité et à la promotion ou en termes d’égalité salariale. L’égalité salariale s’appuie sur deux principes : l’égalité de traitement des droits entre les hommes et les femmes, impliquant la non-discrimination entre les salariés en raison du sexe, de manière directe ou indirecte et l’égalité des chances visant à remédier, par des mesures concrètes, aux inégalités qui peuvent être rencontrées par les femmes dans le domaine professionnel.
Or, le champ de l’égalité salariale est relativement large. Il concerne tout aussi bien les questions de l’équité salariale, de l’accès des femmes aux fonctions les plus élevées de la hiérarchie, de la mixité des emplois et de la répartition des rôles attribués aux hommes et aux femmes dans la société : organisation du travail, équilibre vie privée-vie professionnelle, lutte contre le harcèlement.
L’égalité professionnelle femme-homme est le fruit d’une longue histoire de conquête de droits. Alors qu’elle aurait dû l’être, l’égalité femme-homme ne fut pas naturelle en France mais fut construite depuis moins d’un siècle par le recours à la loi. Ainsi, depuis 1946, l’égalité femmes-hommes est un principe constitutionnel : la loi garantit aux femmes des droits égaux à ceux des hommes dans tous les domaines. Vingt-six ans plus tard, une loi a posé le principe de l’égalité de rémunération « pour un même travail ou un travail de valeur égale ». En 1976, une directive européenne a porté sur les fonds baptismaux la notion d’égalité de traitement qui vise à passer d’une égalité formelle à une égalité réelle.
En France, c’est la loi du 13 juillet 1983 qui a modifié le code du travail sur le sujet de l’égalité professionnelle en réaffirmant le principe de l’égalité sur tous les sujets concernant la vie des femmes et des hommes dans les organisations : modalités de recrutement, politique de rémunération individuelle et collective, décisions des promotions et mise en place des politiques de formation. Plus tard, en 2001, la loi relative à l’égalité professionnelle incita les entreprises à mettre en œuvre des mesures de rattrapage en ce qui concerne les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et de réfléchir aux conditions de travail et d’emploi et ceci, afin de corriger les inégalités constatées. Au niveau des dirigeants, en 2011, la loi dite Copé-Zimmermann a fixé des quotas de femmes au sein des conseils d’administration afin de rééquilibrer la « pyramide des sexes » dans les organes de direction.
L’égalité professionnelle femmes-hommes est le fruit d’une longue histoire de conquête de droits
INDEX CALCULÉ AU NIVEAU DE CHAQUE ENTREPRISE
Créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir un avenir professionnel, l’index de l’égalité professionnelle (dit index « Pénicaud ») est obligatoire pour les entreprises, les associations et les syndicats qui emploient plus de 50 salariés. L’index est calculé au niveau de chaque entreprise constituant une entité légale. Lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements, le calcul est effectué au niveau de l’entreprise, et non de l’établissement. En ce qui concerne les employeurs publics, seuls les établissements publics à caractère industriel et commercial et certains établissements publics administratifs qui emploient au moins 50 salariés dans des conditions de droit public sont assujettis à l’obligation de publier l’index. A contrario, les collectivités locales ne sont pas assujetties à cette obligation.
L’index est une note globale calculée sur 100 points. Plus la note est élevée, plus le niveau d’égalité est important
L’index est une note globale de l’égalité femme-homme, calculée sur 100 points. Plus la note est élevée, plus le niveau d’égalité est important. Cette note totale est fonction de 5 critères définis par la loi : l’écart de rémunération homme-femme (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 points), l’écart dans les promotions (15 points), les augmentations au retour du congé maternité (15 points) et la présence de femmes parmi les gros salaires de l’entreprise (10 points). L’indicateur 1 consiste à calculer la différence entre la moyenne des rémunérations des hommes et des femmes, qui doit être égale à zéro, soit un objectif d’égalité parfaite. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes (base, variable et prime individuelle) est calculé à poste et âge comparable. Les rémunérations moyennes et comparées des hommes et des femmes incluent les primes de performance et les avantages en nature.
MÊMES AUGMENTATIONS
Seules sont exclues les primes liées aux conditions de travail (prime de nuit, heures supplémentaires, pénibilité, risque, astreinte), les primes de départ et de précarité. En ce qui concerne l’indicateur 2, il y a lieu de comparer le pourcentage des femmes et des hommes ayant reçu une augmentation de leur rémunération dans l’année. L’entreprise doit accorder les mêmes augmentations aux femmes et aux hommes à 2 % ou 2 personnes près. L’écart du taux d’augmentation individuelle des salaires entre les hommes et les femmes est effectué hors promotions. Le critère 3 permet d’observer les chances qu’ont les femmes et les hommes d’obtenir une promotion. L’objectif est d’atteindre un écart de 2 % ou de 2 personnes maximum. Concernant le critère 4, une entreprise obtient le maximum de points si elle accorde une augmentation à l’ensemble des femmes revenant d’un congé maternité. Si une seule des femmes dans cette situation ne perçoit pas d’augmentation de salaire, aucun point n’est accordé à l’entreprise. Quant au dernier critère, l’entreprise doit compter au moins 4 femmes parmi ses 10 plus gros salaires pour obtenir le maximum de points.
Ainsi, toutes les entreprises concernées doivent calculer et publier l’index sur leur site Internet mais également l’ensemble des indicateurs qui le constituent. Au-delà de cette communication à l’ensemble des parties prenantes, les organisations doivent également le communiquer à leur conseil économique et social (CSE) ainsi qu’à l’inspection du travail. Si la note obtenue devait être inférieure à 75, l’entreprise aurait l’obligation de mettre en œuvre des actions correctives pour atteindre au moins ce montant au cours des trois années suivantes. Si l’entreprise ne publiait pas ses chiffres ou ne mettait pas en place des mesures correctrices, elle pourrait supporter une pénalité financière égale à 1 % de sa masse salariale.
La complémentarité des décisions des dirigeants des 2 sexes est gage de création de valeur
AIR LIQUIDE : 99/100
Selon un communiqué de presse en date du 8 mars 2021 à l’initiative de la ministre Élisabeth Borne, l’index de l’égalité femme-homme a progressé au cours de l’année écoulée. Le taux de répondants a augmenté, passant de 59 % en 2020 à 70 % au 1er mars 2021. Il s’élève même à 84 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Le taux de répondants des entreprises de 50 à 250 salariés a augmenté de 10 % entre 2020 (43 %) et 2021 (53 %). La note moyenne s’élève à 85. Mais seulement 2 % du total des entreprises ont obtenu une note maximale de 100. Quelques entreprises ou EPIC ont notamment obtenu d’excellentes notes. Pour ne citer que quelques-unes d’entre elles : Air Liquide : 99/100 ; Orange : 99/100 ; LVMH Fragance Brands : 96/100 ; Dassault Systèmes : 95/100 ; RATP : 95/100 ; Hermes : 92/100 ; SNCF Voyageurs : 91/100.
AUGMENTATIONS DE SALAIRES POST CONGÉ MATERNITÉ
Plus en détail, les deux indicateurs les plus faibles sont ceux relatifs aux augmentations de salaires post congé maternité et aux hautes rémunérations accordées aux femmes. Concernant le premier indicateur nommé, près de 3 000 entreprises ont obtenu 0 comme note et sont donc en infraction vis-à-vis de la loi qui oblige les entreprises à appliquer aux salariées de retour de congé maternité l’augmentation moyenne dont ont pu bénéficier leurs collègues masculins en leur absence. Quant à l’indicateur « hautes rémunérations » qui mesure la parité au sein des 10 meilleures rémunérations, il est faible. Seules 25 % de l’ensemble des entreprises respectent une parité ou une quasi-parité et 40 % des entreprises de plus de 1 000 salariés comptent moins de 2 femmes parmi celles ayant les rémunérations les plus élevées. L’insuffisance du score obtenu est une possible illustration du « plafond de verre » qui bloquerait l’accès des femmes aux postes les mieux rémunérés et à forte responsabilité au sein des organisations.
Dommage pour les entreprises qui se privent de méthodes de management complémentaires et d’un autre regard sur les facteurs de performance. La complémentarité des décisions des dirigeants des deux sexes est gage de création de valeur et de regards différents sur la vie des entreprises et les décisions à prendre.
DROIT FONDAMENTAL
En conclusion, l’égalité femmes-hommes est un droit fondamental. Selon l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme, « les hommes naissent libres et égaux en droits ». Or, l’égalité des droits a montré quelques limites. La nécessité d’agir de manière concrète sur les inégalités et discriminations, en matière de recrutement, de promotion ou de formation, a conduit à la formulation du principe d’égalité de traitement. C’est la logique de l’égalité des chances qui est importante.
La question de l’égalité salariale s’inscrit dans le prolongement de la prise de conscience de la contribution de l’emploi féminin à la croissance économique et, ceci, dans un contexte de responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise. Or, le champ de l’égalité salariale est large. Il circonscrit aussi bien les de l’accès des femmes aux fonctions les plus élevées de la hiérarchie, de l’accès à la formation professionnelle, de l’équité lors du recrutement, de la mixité des emplois et de la répartition des rôles entre les hommes et les femmes dans la société. Lue à travers la théorie de la régulation, une politique d’égalité professionnelle est constituée d’un ensemble de mesures, de dispositifs ou d’outils de gestion et de mesure.
La première égalité, c’est l’équité, Victor Hugo
ÉPANOUISSEMENT DE LA PERSONNE
Le calcul de l’index est, dans ce contexte, un outil de mesure de la réduction de l’écart des salaires entre les femmes et les hommes à travail égal. Il est crucial qu’une égalité de traitement existe au sein des organisations. Le sexe de la personne doit être « oublié » dans le cadre professionnel et « disparaître » pour laisser la place à une vision humaniste où l’être humain prédomine et efface le genre. De façon plus transcendantale, c’est l’épanouissement de la personne dans un univers de bien-être qui doit primer. Et l’épanouissement d’une personne est multidimensionnel. Tout à la fois professionnel, culturel, social et affectif. Au-delà du calcul de l’index, il est important de proposer des offres d’emplois, articulées autour de la compétence et de l’expérience et tout en garantissant l’équité en matière d’augmentations salariales à qualifications, compétences et performances comparables.
Tout l’enjeu des années à venir sera de consolider le statut professionnel des femmes, de reconnaître leurs compétences et leurs mérites, et de lutter contre le poids des « stéréotypes » qui constituent des obstacles à l’égalité de traitement et à la mixité des pratiques. L’équité est le chemin à emprunter.