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[ Hossegor ] Léa Niang : Vers une communication inclusive

La communication des entreprises a souvent du mal à refléter la diversité de la société. Depuis Hossegor où elle est installée, Léa Niang, consultante en communication inclusive, donne un coup de pouce à celles qui veulent (sincèrement) s’améliorer.

Lea Niang

Lea Niang © Patrick Vallea

Consultante en communication inclusive ? « C’est un métier que j’ai créé sur mesure en mixant mes compétences professionnelles et mes convictions personnelles », explique Léa Niang, installée à Hossegor. Vers 17-18 ans, les causes féministes prennent une grande place dans sa vie. « À l’époque, c’était un féminisme très blanc… Mais vers 2015 – 2016, mon militantisme a fait des ponts vers d’autres causes : la défense des droits LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, asexuel et tous les autres), les mouvements antiracistes… Fin 2020, après avoir été freelance spécialisée dans la publicité Facebook pendant plusieurs années, j’ai décidé de me lancer dans le conseil en communication digitale inclusive. Je travaille avec des start-ups dont les responsable sont conscience que c’est un sujet important, mais qui ne savent pas comment faire et ont peur de tomber dans le washing ou le politiquement correct. » Il n’y a pas de définition officielle de la communication inclusive, mais pour Léa Niang, il s’agit d’une communication qui est « représentative de la diversité des individus, respectueuse des communautés et des cultures habituellement minorisées et qui se détache des stéréotypes et des normes sociales ».

Une communication représentative de la diversité des individus qui se détache des stéréotypes

Éthique et résultats

Pour une entreprise ou une collectivité, avoir une communication inclusive est important à plusieurs titres. « Il y a la dimension éthique bien évidemment, même si ça me paraît tellement bateau de le souligner. Cela dit, on ne peut que constater que la communication manque de diversité. On ne peut pas continuer à ignorer les différentes composantes de la société. Les entreprises et les collectivités ont la responsabilité, au travers de leur communication, de rendre la société plus inclusive, d’en faire un endroit où tout le monde se sente accepté·e. »

70 % des millenials sont en demande de marques inclusives

Cela ne pourra qu’améliorer leur popularité. « Une étude menée auprès des millennials et de la génération Z a montré qu’ils et elles sont en demande de marques inclusives. 70 % des consommateurs et consommatrices millennials sont même prêt·e·s à passer à la concurrence, si la marque se montre plus inclusive et diversifiée dans sa communication. Quand on sait qu’en 2025, 75 % de la population active sera constituée de millennials, on se rend compte que le sujet est important ! » Autre avantage de la communication inclusive : une meilleure mémorisation publicitaire. « Quand les personnes se reconnaissent dans les représentations d’une marque, elles se tournent plus naturellement vers elle au moment de l’acte d’achat. »

Lea Niang communication hossegor

Lea Niang © Patrick Valleau

Un parcours de déconstruction

Mais comment faire concrètement pour aller vers plus d’inclusivité, sans verser dans l’opportunisme ? « Cela demande de désapprendre ce que l’on nous a appris ; de se déconstruire ; de sortir de la logique hétéro-normative patriarcale, coloniale et capitaliste qu’on nous inculque depuis toujours ; d’apprendre à écouter les autres ; d’intégrer des points de vue différents ; d’impliquer des personnes qui ne le sont pas habituellement. Car c’est en acceptant des idées différentes qu’on obtiendra des résultats différents. » Léa Niang prévient : « on ne peut pas être exemplaire sur tous les fronts et c’est un chemin qui n’est jamais terminé… mais ce n’est pas une raison pour ne pas commencer ! Il faut se lancer et y aller étape par étape. On fera des erreurs. Ce n’est pas grave. Il suffit de les reconnaître, de s’en excuser et de ne pas les refaire. »

Différents types d’interventions

Dans ses accompagnements, Léa Niang apporte son œil aiguisé aux entreprises pour les aider à avoir une communication loin des stéréotypes. « Je n’interviens pas dans le développement d’une opération de communication ponctuelle, mais je co-construis avec les équipes une stratégie de communication inclusive. Si moi-même, je ne suis pas pertinente sur un sujet, je fais intervenir mon réseau pour trouver les personnes les mieux à même d’apporter un éclairage approprié. Je réalise également des audits de ce qui a déjà été fait et je définis des étapes vers plus d’inclusivité. » À la fin de l’année, elle développera également une formation destinée aux communicants et aux communicantes pour leur faire prendre conscience des biais qui les influencent dans leurs missions. « Elle s’adressera aussi bien aux entreprises qu’aux collectivités et sera dispensée sous forme de workshops ou de webinaires. »

Une formation destinée aux entreprises et aux collectivités

Pour une première approche, Léa Niang propose aussi une newsletter gratuite (https://leaniang.com/visibles). Intitulée « Visibles », elle aide à comprendre la communication inclusive et ses enjeux en décryptant cinq actualités chaque semaine.

 

Le débat sur l’écriture inclusive

En 2015, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes avait publié un guide incitant les pouvoirs publics à adopter une communication sans stéréotypes de genre. Ce guide préconisait notamment l’usage de l’écriture inclusive qui consiste, selon l’agence de communication Mots-Clés, auteure d’un manuel de l’écriture inclusive en un « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes ». Mais en mai dernier, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a signé une circulaire proscrivant l’usage de l’écriture inclusive à l’école. Le point médian, utilisé pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot, cristallise les critiques. Il empêcherait les enfants souffrant de certains handicaps, comme la dyslexie, d’accéder au français.

Cette position désole Léa Niang. « Réduire l’écriture inclusive au point médian est ridicule. Dans la plupart des cas, il est possible de l’éviter… Ce qui me met en joie, ce sont les photos que publient les professeur·e·s sur les réseaux sociaux des copies de leurs élèves qui utilisent l’écriture inclusive. Cela montre bien que les choses évoluent. » [NDLR : Dans l’ensemble de l’article consacré à Léa Niang, le point médian a été utilisé sept fois.]

Le point médian, utilisé pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot, cristallise les critiques