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François Morin : « Fromager, un métier de reconversion »

CAPBRETON. Expert dans le domaine de la finance, François Morin a laissé tomber les cotations boursières pour devenir fromager à Capbreton.

François Morin

François Morin © X. Ges

Passer du Dow Jones au reblochon, peut sembler pour le moins atypique. De ces aventures personnelles que l’on observe de loin, mi sceptique, mi admiratif. « C’est loin d’être banal, objecte François Morin, 46 ans, qui a ouvert son magasin Pins et fromages, le 10 novembre dernier, en plein centre de Capbreton. « J’ai fait ma formation avec une juriste et un cadre dans le marketing. 90 % des fromagers sont issus d’autres professions. C’est un métier de reconversion. » Lui a travaillé 23 années dans la région parisienne, dans le monde de la finance, avec depuis toujours, l’envie d’un projet entrepreneurial. Et puis, il y a eu le coup de foudre pour Capbreton, le Covid, et une gourmandise assumée…

François Morin

François Morin © X. Ges

Une première vie dans la finance

Né en Normandie, François Morin avait déjà de bonnes bases pour aimer la crème et les fromages dont cette région n’est pas avare. Mais dans sa première vie, c’est plutôt vers les chiffres purs et durs qu’il se tourne : maîtrise de sciences économiques, DESS de finance (ex master). Las ! Il arrive sur le marché du travail en octobre 2001, soit un mois après le 11 septembre, loin d’être la période rêvée pour débuter. Il part six mois à Londres parfaire son anglais. Mais lorsqu’il revient, cela ne va toujours pas mieux sur les marchés financiers. Alors, il va gravir peu à peu tous les échelons en débutant comme contrôleur des risques, puis analyste, et enfin analyste gérant pour le groupe Natixis. Il rejoindra ensuite la société Amundi comme opérateur de marché. Il vit alors en région parisienne avec son épouse et leurs deux filles.

Capbreton stratégique

Entre-temps, la belle-famille de son témoin de mariage lui a fait découvrir Capbreton. Toutes les vacances familiales se passent désormais sur la côte Aquitaine, jusqu’à l’acquisition d’une maison dans la cité portuaire, il y a six ans. « Pourquoi Capbreton ? Un de mes meilleurs amis y avait acheté une maison et je me suis demandé pourquoi. En m’y intéressant j’ai trouvé que la ville offrait un positionnement stratégique idéal en matière de cadre de vie, d’environnement, d’offre éducative et de soins. » Quant à changer de vie…

« Le tournant a été le Covid à un moment aussi où j’étais un peu lassé d’un système de prise de décisions pyramidal, mais j’ai toujours eu envie d’un projet entrepreneurial. J’ai longtemps cherché quoi. J’épluchais, les faillites, les liquidations, les reprises d’entreprise. À la base, mon premier souhait était de m’éloigner de tout ce qui était alimentaire, car mes parents travaillaient dans l’agroalimentaire et je savais que c’était très contraignant. Mais comme je suis gourmand, j’ai eu tendance à revenir vers ça et lorsque j’ai fait mon autobilan, le fromage est devenu une évidence. Ce qui a tout accéléré c’est ce bâtiment qui était à vendre à Capbreton.

Ambiance de village

Un bâtiment situé au pied de la mairie, dans la petite rue Madeleine-Castaings, entre un magasin bio et une bonne boulangerie, dans un quartier qui sert de trait d’union entre la place de l’Hôtel-de-ville, la rue piétonne et le marché. « Il y règne une ambiance et une vie de village. »

Après avoir obtenu une rupture conventionnelle, François Morin entreprend une formation auprès de la Fédération française des fromagers et le centre de formation des professionnels du lait. Une centaine d’heures à laquelle il ajoute une formation d’affinage, effectuant de nombreux stages. Il avoue que revenir « à l’école » à son âge n’a pas été facile et qu’il ressent parfois le complexe de l’imposteur. « J’ai toujours des doutes. Avant, j’étais un expert dans mon métier. Mais je n’ai aucun regret. On peut me reprocher d’être un imposteur, mais pas de ne pas avoir la volonté d’apprendre et m’améliorer. » Plusieurs mois de travaux et une surélévation plus tard, l’ancien cabinet de cardiologie a donc accouché de la fromagerie-crèmerie Pins et fromages.

Du lait cru, du bio, du fermier

« Nous avons fait le choix de nous orienter vers des fromages au lait cru dont nous sommes des ardents défenseurs et si possible – et ça va souvent de pair — vers des fromages fermiers. Toutes les régions sont représentées. J’aime tous les fromages et nous essayons d’offrir une grande diversité. » Il privilégie autant qu’il le peut la proximité avec tous les éleveurs et producteurs à qui il voue le plus grand respect. « Ce sont eux qui font le métier le plus dur. Une salle d’affinage qui donne sur la rue, offrant au regard des passants des rangées de belles tommes dorées, jouxte la boutique et ses vitrines alléchantes. S’y côtoient les valeurs sûres que sont le Comté, le Vacherin Mont d’Or, en ce moment les fromages à raclette et ses chouchous à découvrir, comme le Soumaintrain de Bourgogne ou la Manigodine de Savoie. Dans un placard vitré, on trouve aussi des produits de crémerie, des yaourts et du lait en bouteilles venant notamment de la ferme de Castets qui travaille en bio.

« Les retours sont très encourageants. Nous avons reçu un très bel accueil. Les gens reviennent. Pour la plupart des Capbretonnais. La viabilité passait par là. Nous ne voulions pas faire une boutique touristique seulement consacrée aux fromages de la région, mais nous implanter comme fromager traditionnel. Pour les fêtes, nous avons eu une centaine de clients par jour et nous avons un gros flux les jours de marché. En homme de chiffres qu’il reste, il regardera si la courbe des résultats est conforme au business plan établi au moment de finaliser son projet. Le bouche-à-oreille fera le reste. Reste encore à améliorer la signalétique. Une artiste va peindre le logo sur le mur pignon à l’extérieur. Il n’y aura plus aucune raison pour ne pas céder à la tentation.