Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Carole Garreau : retour à l’essentiel

Fille et petite-fille de vignerons, Carole Garreau a choisi de perpétuer l’histoire de famille. Après une brillante carrière de cadre supérieure, elle a tout quitté pour prendre les rênes du Château Garreau à Labastide-d’Armagnac et succéder à son père, Pierre Garreau, producteur d’armagnac.

Carole Garreau

Carole Garreau © Bernard Dugros

Les vendanges sont terminées depuis quelques jours et la période de distillation se prépare. Pour que la fête soit encore plus belle, Carole Garreau, à la tête du domaine familial de 82 hectares dont 24 consacrés à la vigne, a ouvert quatre dates au public et invité cette année un grand chef pour accompagner la dégustation d’un repas gastronomique. Ce qui compte est de faire « vivre l’expérience armagnac, à travers le terroir, la nature, s’amuser et découvrir l’eau-de-vie gasconne autrement », insiste la vigneronne. Auréolée du Trophée 2023 de l’œnotourisme dans la catégorie « initiatives créatives et originalités », l’entrepreneuse continue de développer cette activité, dont son oncle avait su déceler le potentiel en créant l’écomusée de l’armagnac dans les années 1980. Après la création d’un escape game sur le thème de l’armagnac et de parcours nature et écologiques autour des étangs et du vignoble, elle travaille aujourd’hui avec son mari, Michel Caillaud, à la rénovation de leur musée du vigneron. « Heureusement que mon mari est là désormais à plein temps car je suis une formation en alternance pour un an à Riscle et je m’absente beaucoup », avoue Carole Garreau. À 47 ans, la vigneronne au regard bleu azur et au visage juvénile, reprend ses études « pour le plus grand plaisir de mon fils de 11 ans », s’amuse-t-elle. « Je me suis inscrite au BTS viticulture œnologie. J’ai envie d’être plus dans le détail, de mettre de la théorie sur les choses apprises sur le tas et de pouvoir davantage échanger sur la technique », explique la perfectionniste, par ailleurs diplômée du très prestigieux Institut national des études territoriales (Inet) de Strasbourg.

HISTOIRE DE TRANSMISSION

Tombée dans la marmite dès son plus jeune âge, Carole Garreau tient sa passion pour la vigne de son père et de sa grand-mère. « Pendant les vacances, je suivais ma grand-mère dans la vigne, lors des visites et des dégustations. Quand mon père et mon oncle ont pris la suite, j’ai beaucoup appris avec eux aussi. » Pourtant elle ne se destinait pas à reprendre le flambeau. « Ce n’était pas envisageable d’en faire un métier. À l’époque de mes grands-parents, rester paysan n’offrait aucune opportunité d’ascension sociale. Ils ont donc incité leurs enfants à faire autre chose. Mon père était notaire, mon oncle, médecin tout en s’occupant du domaine. Et j’ai fait de même. »

Faire vivre l’expérience armagnac, à travers le terroir, la nature, s’amuser et découvrir l’eau-de-vie gasconne autrement

« J’AIME CE QUI EST ESSENTIEL »

La jeune Bordelaise démarre ainsi une carrière de cadre supérieur dans la fonction publique territoriale, d’abord en gestion de projet et assistante maîtrise d’ouvrage à l’agglomération de Bordeaux puis au Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de Pau comme directrice administrative et financière, avant de rejoindre la communauté d’agglomération de Tarbes au service juridique.

Mais en 2006, son père s’interroge sur l’avenir du château au départ de son oncle à la retraite. Carole et Michel n’hésitent pas une minute : « On avait deux options, on partait dans l’aventure ou on vendait le domaine », se souvient-elle.

Après quelques années de transition, elle s’installe définitivement au château en 2015. Un changement de vie qu’elle apprécie pleinement. « J’aime ce qui est essentiel, on n’a pas forcément besoin du superflu pour bien vivre », insiste cette amoureuse de la nature et des choses simples. « C’est important d’avoir ses valeurs, de savoir d’où on vient et de pouvoir fabriquer de bons produits. »

DONNER UNE IMPULSION

Accompagnée par six collaborateurs, la nouvelle entrepreneuse développe progressivement sa stratégie. « Ce passage de génération fait qu’on a capitalisé sur l’existant, tout en s’adaptant aux nouvelles tendances de consommation et de goût », explique-t-elle.

« Nous avions un beau domaine mais qui ne cherchait pas à se faire connaître. On a voulu lui donner une nouvelle impulsion. » Labellisé Haute Valeur Environnementale en 2018, le domaine amorce la commercialisation de la blanche d’armagnac, une eau de vie fruitée, idéale en apéritif ou cocktail, et crée des éditions limitées telles que le brut de fût 100 % folle-blanche « Pure Insolence » avec des packagings modernes qui cassent l’image de « digestif au coin du feu ! ».

LA FLAMME DE L’ARMAGNAC

D’autres projets verront bientôt le jour mais pour l’heure, Carole Garreau attend avec impatience de rallumer ses alambics et de célébrer son nouveau millésime. Le résultat d’une année de travail. « Rien ne remplacera le petit verre qu’on goûte autour de l’alambic. Il y a les saveurs, une ambiance, une chaleur, tous les sens sont mis en éveil », confie-t-elle dans un large sourire. Cet instant magique où le vin de la récolte se transforme en eau-de-vie, Carole Garreau le partage chaque année en famille, entre amis et avec sa clientèle au pied des deux alambics de 1919. Ceux qui depuis quatre générations produisent de grands armagnacs au goût fruité, tout en rondeur, distingués par de nombreux prix nationaux et régionaux et exportés à travers le monde. Leur secret de fabrication ? « Un chai souterrain, unique sur le territoire, celui d’un prince russe qui fit creuser la colline au XIXe siècle. Il leur donne leur douceur et leur rondeur », et bien sûr la passion partagée d’une famille dont Carole est devenue pour son plus grand bonheur, l’heureuse ambassadrice.

Carole Garreau

© Bernard Dugros

SI VOUS ÉTIEZ…

Une saison : le printemps

Un cépage : le baco

Un plat : le foie gras

Un mot : la vie

Une couleur : le vert

Une émotion : la joie

Un lieu : la Gascogne