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Les armagnacs landais en compétition

Après un an d’absence, le Concours des armagnacs landais revient le 13 novembre prochain. Cette 26e édition sera marquée par des évolutions destinées à ouvrir de nouvelles voies de commercialisation aux eaux-de-vie primées.

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Lors du concours, une quinzaine de producteurs présenteront une quarantaine d'échantillons © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

Le Gers est le plus gros producteur d’armagnac en France. Sur les 119 722 hectolitres récoltés en 2022, 82 % l’ont été dans ce département. Les Landes ne fournissent qu’environ 17 % de la production et le Lot-et-Garonne, moins de 1 %. Pour autant, chaque cuvée a ses spécificités. Car il n’y a pas un, mais des armagnacs.

Avec ses 700 ans d’histoire, la plus vieille eau-de-vie de France se décline au pluriel. Les quelque 5 300 hectares de vignes identifiés pour sa fabrication sont cultivés sur trois terroirs, donnant chacun des notes différentes aux spiritueux. Généralement puissants et corsés en Armagnac-Ténarèze et plus légers avec une saveur florale dans le Haut-Armagnac, ils sont souvent délicats et très fruités dans le Bas-Armagnac.

Pour mettre en valeur la richesse, la qualité et les singularités de la production landaise, la chambre d’agriculture et l’association Qualité Landes ont créé le Concours des eaux-de-vie du Bas-Armagnac landais en 1996. L’enjeu est de taille : faire découvrir aux professionnels la production des 80 viticulteurs locaux (à la tête d’environ 310 hectares de vignes), afin d’ouvrir des voies de commercialisation, dans un marché dominé par le département voisin.

PROFESSIONNALISATION DU JURY

La manifestation, qui a fêté ses 25 ans en 2021, n’a pas eu lieu l’an dernier. De nombreuses parcelles avaient été endommagées par les intempéries du printemps (gel en avril et grêle en juin). L’heure n’était donc pas à la fête. Pour son retour le 13 novembre prochain, la compétition entend donc frapper fort, afin de rattraper l’année perdue. La 26e édition qui se déroulera au Domaine d’Ognoas (Arthez-d’Armagnac) sera ainsi marquée par de multiples évolutions, au service de la qualité et du sérieux du concours.

La plus importante consiste en la professionnalisation du jury. Composé de 40 à 50 membres, il intègrera cette année de nombreux professionnels du secteur (œnologues, cavistes, restaurateurs, barmans, chefs de rayon et prescripteurs). On y retrouvera notamment Charlie Garros, auteur d’ouvrages sur le vin et l’alcool, Nicolas Faure, chef du restaurant L’Art des mets à Saint-Sever, Christophe Dupouy, chef étoilé des Clés d’argent à Mont-de-Marsan, Bertrand Martin, gérant des boutiques de vin et spiritueux Cave & Vous à Mont-de-Marsan et Saint-Paul-lès-Dax, mais aussi un chef formateur et deux élèves de troisième année de bachelor Wine Management & Tourism, de la célèbre école Ferrandi Paris. Les nouveaux jurés ont par ailleurs bénéficié d’une formation à la dégustation délivrée par Marie-Claude Ségur, responsable du pôle R & D, qualité et développement durable au BNIA (Bureau national interprofessionnel de l’armagnac), le 16 octobre dernier.

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L’utilisation de verres tulipe permet de percevoir l’intensité des arômes © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

QUINZE PRODUCTEURS EN LICE

Pour renforcer l’exigence de qualité, un nouveau barème de notation a également été mis en place. Et maximum 30 % des produits présentés dans chaque catégorie seront récompensés.

Des catégories, il y en a six, pour mettre en lumière la diversité des armagnacs landais : les VSOP (very superior old pale) ou assimilé, assemblages d’eaux-de-vie dont la plus jeune a au moins quatre ans d’élevage en fût de chêne ; les 10 ans d’âge (récolte 2013) ou assemblage équivalent à 10 ans ; les millésimes 2002 à 2007 ; les millésimes de plus de 20 ans (avant 2002) ; la blanche d’armagnac, eau-de-vie d’armagnac mise en bouteille sans avoir vieilli sous bois ; et la folle blanche millésimes 2007 à 2016, une eau de vie exclusivement issue du cépage folle-blanche.

Une quinzaine de producteurs participeront au concours et présenteront une quarantaine d’échantillons. Tous espèrent décrocher une médaille d’or ou d’argent. Une victoire au concours promet en effet une belle mise en avant et des débouchés quasi-garantis, grâce à une promotion renforcée via les réseaux sociaux de Qualité Landes (LinkedIn, Facebook et TikTok), la divulgation du palmarès dans les offices de tourisme des Landes et ainsi qu’à tous les professionnels du secteur (caves, épiceries, débits de boisson, établissements étoilés).

LES CLÉS DE LA DÉGUSTATION

Responsable du pôle R&D, qualité et développement durable au BNIA (Bureau national interprofessionnel de l’armagnac), Marie-Claude Ségur organise régulièrement des sessions de formation à la dégustation de la plus vieille eau-de-vie de France. Devenir juré dans un concours ne s’improvise pas. « Même si l’envie de devenir dégustateur est indispensable, un apprentissage est nécessaire, assure la spécialiste. Apprivoiser le style des boissons spiritueuses demande un peu de technique et d’expérience. »

Une dégustation fait plus appel à la vue et à l’odorat qu’au goût. « D’abord, on examine l’aspect de l’armagnac dans le verre. Il faut être attentif à la teinte, à la limpidité et à la brillance du produit. Ensuite, on prend l’armagnac au nez. On agite délicatement le verre pour mouiller les parois et on inspire doucement. Il faut être délicat. » L’utilisation de verres tulipe permet de percevoir l’intensité des arômes, sans le désagrément de la puissance alcoolique. « On essaie de déterminer la diversité des parfums et on cherche à vérifier que l’armagnac a les arômes que l’on peut attendre à l’âge du produit. »

La palette est très différente entre un VS (very special), assemblage d’eaux-de-vie dont la plus jeune a deux ans d’âge, et un millésime de 20 ans. « Dans le premier cas, on s’attend à une certaine fraîcheur, du fruité et assez peu boisé. Dans le second, on recherche une complexité beaucoup plus grande, des arômes de fruits compotés, des notes boisées, vanillées, épicées, et une bouche très ronde, très suave. »

La prise en bouche est presque anecdotique. « On prend une toute petite gorgée, avant de recracher. » Impossible de faire une dégustation professionnelle en avalant. Dans les concours, les jurés peuvent déguster jusqu’à deux séries d’une dizaine d’échantillons en une matinée.