Un tiers de nos poubelles est aujourd’hui rempli par des déchets alimentaires qui, au lieu d’être jetés et incinérés avec l’ensemble des déchets ménagers, pourraient être triés à la source et valorisés. Selon une enquête réalisée en 2020 par OpinionWay pour l’Ademe, seulement 34 % des Français déclarent traiter leurs restes alimentaires (contre 25 % en 2008). Les principaux freins avancés face à cet acte de tri pourtant essentiel sont l’absence du service de collecte séparée (25 %) et le manque de place pour stocker les déchets et faire du compostage (44 %). Au niveau départemental, une étude réalisée en 2015 montrait que les Landais étaient plutôt bons élèves : 59 % des personnes déclaraient en effet composter leurs déchets organiques.
Mais il reste du chemin à parcourir pour que cette pratique se généralise et devienne un geste quotidien au même titre, par exemple, que le recyclage du verre. C’est précisément en ce sens que la loi pour une Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), puis la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec 2020) ont œuvré. Ainsi, au 1er janvier 2024, le cadre réglementaire évolue : tous les ménages devront pouvoir trier leurs déchets biodégradables et les séparer du verre, des emballages ou du reste de la poubelle indifférenciée. Cette obligation va concerner tous les producteurs de déchets (collectivités, administrations, ménages, professionnels…), quels que soient les volumes des déchets produits.
La loi impose aux collectivités publiques de proposer des solutions de tri à la source des biodéchets aux habitants de chaque territoire
UNE NOUVELLE ORGANISATION
« La loi impose aux collectivités publiques de proposer des solutions de tri à la source des biodéchets aux habitants de chaque territoire, précise Thomas Vachey, directeur du Sitcom côte sud des Landes. C’est une obligation de moyens et non de résultats. Il n’y aura pas de délit à ne pas composter ses déchets. Toutefois, c’est un sujet majeur pour le territoire en raison de l’enjeu de réduction des déchets. En triant à la source les biodéchets, on réduit d’autant le tonnage de déchets incinérés. Nous allons donc encourager les Landais à faire ce nouveau geste éco-responsable. » À la tête du syndicat intercommunal en charge de la collecte et du traitement des déchets de 76 communes du département, Thomas Vachey souligne la « politique volontariste » menée par son Sitcom depuis une vingtaine d’années : « Depuis les années 2000, nous distribuons gratuitement des composteurs aux habitants. Nous accompagnons aussi les projets de compostage collectif. Et, dès 2010, nous avons mis en place une collecte de biodéchets dédiée aux entreprises alors qu’il n’y avait pas encore d’obligation règlementaire. »
L’objectif de cette nouvelle loi est de ne plus pratiquer l’incinération et l ’enfouissement des biodéchets qui sont, pour le moment, les techniques les plus courantes et pourtant les plus néfastes pour l’environnement. Selon l’Ademe, en 2019, seulement 157 collectivités françaises avaient mis en place ou étaient en train d’organiser une collecte séparée des biodéchets. Les ambitions de ce nouveau volet réglementaire sont bien supérieures, même si aucun chiffre n’est clairement avancé. Mais au-delà des chiffres, les collectivités locales aspirent à une prise de conscience. Comme l’explique Thomas Vachey : « Nous savons que ça ne va pas se faire du jour au lendemain et qu’on n’arrivera pas à 100 % de biodéchets triés. Le tri du verre existe depuis environ 40 ans et pourtant on en trouve encore dans nos poubelles. Ça va prendre du temps, mais nous sommes convaincus que cela va réveiller quelques consciences. »
Les besoins ne sont pas les mêmes pour les habitants des centres-villes et ceux qui habitent en pleine campagne ou entre habitat individuel et collectif
COMPOSTEURS ET BORNES DE COLLECTE
Le Sitcom côte sud des Landes a analysé à la loupe son territoire et conclu qu’il n’existe « pas de solution unique ». Les besoins ne sont effectivement pas les mêmes pour les habitants des centres-villes et ceux qui habitent en pleine campagne. Idem entre l’habitat individuel et l’habitat collectif. À Seignosse, par exemple, la stratégie choisie repose sur deux solutions : des composteurs individuels et des bornes de collecte installées à proximité des résidences et des appartements. Le choix de l’emplacement des bornes demande de tenir compte d’un certain nombre de contraintes : réglementation en matière de giration des camions de collecte, accessibilité facilitée pour les usagers, proximité maîtrisée avec les habitations pour les risques d’odeurs. « Il y a une réelle réflexion à mener en amont pour trouver le dispositif le plus efficace », estime Alexandre D’Incau, adjoint à la transition écologique à la mairie de Seignosse.
Ensuite, un travail de pédagogie va être nécessaire. « Il faut que les gens comprennent à quoi sert le tri à la source des biodéchets et pourquoi il est important de le faire, poursuit-il. Au même titre qu’il est important qu’ils comprennent la nécessité que chacun, à son échelle, comme le colibri, fasse sa part du travail pour préserver le cadre de vie exceptionnel dans lequel nous avons la chance de vivre. » Et d’ajouter : « C’est plus facile de tout jeter dans une seule poubelle plutôt que de trier et de répartir les déchets dans plusieurs bacs. C’est une organisation à mettre en place et il va falloir une période d’adaptation. »
UN ACCOMPAGNEMENT INDISPENSABLE
Au sein du Sietom de Chalosse, afin d’accompagner les usagers dans leur démarche de tri des biodéchets et de compostage, des séances de sensibilisation d’1 h 30 animées par un maître composteur sont proposées. Elles sont même récemment devenues obligatoires pour toute personne qui souhaite obtenir gratuitement un composteur et un bio seau. Un choix réfléchi et assumé, comme le raconte Céline Abignon, responsable de la communication et de l’animation : « Il y a deux ou trois ans, la sensibilisation au compostage se résumait à une simple information de quelques minutes ou à un prospectus. Mais en raison de la part importante de biodéchets encore présente dans les ordures ménagères, nous avons conclu que la seule distribution du matériel ne suffisait pas pour pouvoir l’utiliser de manière correcte et durable. L’idée de ces séances de sensibilisation est une montée en compétences et en connaissances des usagers pour qu’ils puissent sortir leurs biodéchets de leurs poubelles, mais aussi pour qu’ils aient une utilité du produit final, à savoir le compost. »
Il est important de sensibiliser les gens au tri à la source, mais également au gaspillage
Toujours dans l’optique de réduire le volume des déchets qui, en Chalosse, sont enfouis, le Sietom organise également depuis cet automne des ateliers de cuisine anti-gaspi pour apprendre à utiliser les restes alimentaires. « On travaille dans l’idée de diminuer et de valoriser les biodéchets, mais aussi de promouvoir le retour au sol, poursuit Céline Abignon. Il est donc important de se questionner sur la manière d’acheter, de consommer et de cuisiner. La question du gaspillage alimentaire est centrale. »
Un avis largement partagé par Thomas Vachey : « Sur les 30 % de biodéchets jetés dans les ordures ménagères, on estime qu’un tiers sont des déchets alimentaires non consommés, c’est-à-dire du gaspillage alimentaire. Il est donc important de sensibiliser les gens au tri à la source, mais également au gaspillage. C’est important d’un point de vue évidemment environnemental, mais également financier. Car derrière la question du gaspillage, il y a celle du pouvoir d’achat. »
QU’EST-CE QU’UN BIODÉCHET ?
L’article L.541-1-1 du Code de l’environnement définit les biodéchets comme « les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires ».
Du côté des particuliers, les biodéchets prennent deux formes principales :
– les restes des préparations de cuisine et des assiettes ;
– les déchets verts issus de l’entretien des jardins (tonte, coupe de branches, etc.).
Sandy Mage © D.R.
3 QUESTIONS À SANDY MAGE, COFONDATRICE DE COMPOST LANDES ET MAÎTRE COMPOSTEURE
Les Annonces Landaises : L’utilisation d’un composteur nécessite quelques explications en amont. Quels conseils donneriez-vous aux utilisateurs ?
Sandy Mage : La technique est à portée de tous, mais il y a des bons gestes à apprendre avant de se lancer. Il y a deux critères importants : l’humidité et l’oxygénation. Il faut en effet un apport équilibré entre les matières humides – ce sont généralement les déchets qui viennent de la cuisine – et les matières sèches (broyat de branchages, feuilles mortes, etc.). Si on met uniquement de la matière humide dans un composteur, cela devient un tas de boue. Ensuite, quand cet équilibre est trouvé, il est important de remuer son compost régulièrement pour redonner de l’air en profondeur et ainsi accélérer le processus de compostage. Ce sont ces deux piliers qui permettent d’avoir un bon compost. Un composteur, ça se surveille, ça s’entretient car c’est une matière vivante. Et un compost bien entretenu ne sent pas ; c’est la règle.
LAL : Y-a-t-il des biodéchets à ne pas mettre dans le composteur ?
S.M. : Quand on sait composter, on peut tout y mettre. Mais, au début, il faut comprendre que les déchets ne se décomposent pas tous à la même vitesse. Le pain et les agrumes, par exemple, sont longs à composter. Quand on le sait, on peut en mettre en petite quantité. Concernant les restes de viande et de poisson, si l’équilibre matière sèche/matière humide n’est pas atteint, mieux vaut éviter. Ça peut générer des odeurs. Si l’équilibre est bon, je recommande de mettre ces déchets de matière animale dans un trou du compost et de les recouvrir.
LAL : Comment peut-on ensuite utiliser le compost ?
S.M. : Le compost est un apport précieux au jardin, sur des parterres de fleurs, au pied des haies, au potager. On peut même en mettre dans les jardinières en le mélangeant à du terreau. Le compost apporte des nutriments aux plantes et on peut l’utiliser toute l’année.