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Aqualande : travailler moins, travailler mieux

ROQUEFORT - Le groupe Aqualande mène depuis trois ans une politique RSE qui porte ses fruits, et qui lui a valu, en juin dernier, le prix coup de cœur France Qualité 2023 pour ses pratiques managériales.

Damien Sicot, Directeur industriel d'Aqualande

Damien Sicot, Directeur industriel d'Aqualande © Aqualande

Derrière l’acronyme un brin abscons de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) se cachent parfois des pratiques très concrètes qui peuvent révolutionner les conditions de travail des salariés avec des conséquences sur leur bien-être au quotidien, entraînant de fait une meilleure productivité. Leader européen de l’aquaculture, le groupe coopératif Aqualande (175 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 1 000 salariés) a bâti son projet sur le respect des hommes, de l’environnement et des poissons. S’agissant du volet humain, toute l’organisation du travail a été revue depuis trois ans. Avec des résultats probants et salués comme tels à travers le prix coup de cœur France Qualité 2023(*), en juin dernier.

Arrivé en 2020 pour relever ce challenge, Damien Sicot, directeur industriel, a tout d’abord établi un constat. « Aqualande a grossi très rapidement et beaucoup investi dans les usines, les process, a toujours su répondre à la croissance, en dépensant énormément d’énergie, mais a peut-être négligé sa structuration. J’y ai trouvé des managers de proximité, des chefs d’équipe devenus des super pompiers, éteignant les incendies tous les jours, avec un engagement irréprochable, mais tirés vers l’opérationnel et du coup, pas disponibles pour réfléchir à comment produire mieux en dépensant moins d’énergie. »

« NOTRE » PROJET

Damien Sicot pose un préalable : « J’ai fait en sorte que ce projet soit notre projet et pas le mien. On s’est dit : OK, on veut changer l’organisation, mais qu’est-ce qui nous déplaît ? Qu’est-ce qu’on veut garder, et obtenir ? » Réponse : obtenir des maillages de management à taille humaine, développer responsabilisation et autonomie dans le pilotage de la performance, maîtriser le temps réel, le quotidien, pour permettre aux managers intermédiaires de travailler sur les projets du futur, le temps différé. « Globalement, aussi cultiver le collectif, faire en sorte que services supports et production travaillent mieux ensemble au travers de l’amélioration continue. Je considère que les opérateurs ne sont pas juste là pour produire, mais aussi pour améliorer les choses, et savent mieux que personne dans l’entreprise ce qui dysfonctionne dans un poste de travail.

Être à leur écoute pour mieux travailler. » Pour le directeur industriel d’Aqualande, il fallait aussi reconnaître les compétences de chacun.

« Nous avons fait évoluer 350 personnes, cassé les dogmes voulant que certains postes ne seraient accessibles qu’à certains. L’idée est que cette organisation soit vivante. »

© Aqualande

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ACCIDENTOLOGIE EN BAISSE

Les résultats ont été au rendez-vous. « On a baissé notre taux de fréquence [nombre d’accidents sur le nombre d’heures travaillées, NDLR] de plus de 33 % en un an. On est revenu à des taux d’accidentologie qui correspondent davantage aux métiers de l’agroalimentaire et en 2023, nous sommes allés au-delà de nos attentes. On a diminué nos réclamations clients de 14 %. Notre taux de service s’est amélioré. Quand je compare les premiers semestres 2021 et 2022, où nous avions les mêmes volumes à faire : en 2021, on a été obligé de travailler plus de huit samedis pour atteindre les objectifs, alors qu’en 2022, on a fait zéro samedi et maîtrisé nos heures supplémentaires. En 2021, on a fini avec 27 000 heures supplémentaires. À la fin de l’année 2022, nous étions à 18 000. Nous avons été meilleurs en travaillant moins. J’ai dit aux équipes : « Je veux qu’on produise moins vite pour aller plus vite. » Cela peut paraître un peu marcher sur la tête. Mais les gens ont compris. Cela ne sert à rien d’aller vite si le poste d’après ne suit pas, et que je mets en difficulté mon collègue. Par cette organisation, on a développé un collectif. »

© Aqualande

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LES DÉFIS DE DEMAIN

Mission accomplie ? « Ça n’est jamais terminé. L’organisation bouge et il faut préparer l’entreprise aux changements de demain et aux nouvelles attentes sociétales. Nous avons une entreprise qui rencontre des difficultés de recrutement. On se pose beaucoup de questions sur l’automatisation de certaines tâches. En 2022, on a investi dans un nouveau robot de saignée. On a changé beaucoup de process sur l’atelier de première transformation. Le métier de salariés qui consistait à saigner des poissons consiste maintenant à piloter une ligne robotisée. Ce n’est pas le même métier. On se doit d’accompagner, d’amener de la qualification à nos salariés. Et c’est bien vécu par quelqu’un qui a fait ça pendant 20 ans. Il ne se détruit plus le poignet, et son métier est plus intéressant. On ne peut opérer ces mutations si on est toujours à éteindre les incendies à droite à gauche. C’est toujours ma notion de temps réel et de temps différé. Il est très important de maîtriser l’opérationnel pour pouvoir préparer les défis de demain. »

Tout ce processus a renforcé une conviction. « Même si nos métiers évoluent par plus d’automatisation ou de simplification ou de complexification, il est évident que l’humain reste au cœur de l’entreprise. C’était la volonté de Stéphane Dargelas [PDG du groupe Aqualande, NDLR] quand il m’a confié cette mission. Voir qu’on a pu faire évoluer 350 personnes, que moins de salariés sortent blessés de cette entreprise, c’est ultra positif. Je veux du zéro accident. Il y a trois ans, on me disait que ce n’était pas possible et on vient de faire trois mois consécutifs sans accident. Donc pourquoi pas 12 ? C’est une réelle fierté que d’avoir contribué à faire avancer Aqualande et une très belle aventure humaine. »

(*) France Qualité : association de référence des professionnels de la qualité, de la maîtrise des risques et de l’amélioration continue