Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

« Nous sommes devenus très attractifs » Jean-Marc Lescoute, président de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans

À la tête, depuis 2020, de la toute jeune communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans (CCPOA), Jean-Marc Lescoute, ex-maire de Gaas, ancien éleveur de poulets label et gaveur de canards, met en avant la nouvelle attractivité de son territoire sur l’axe Bayonne-Pau/Toulouse.

Jean-Marc Lescoute, président de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans

Jean-Marc Lescoute, président de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans © Patxi Beltzaiz

Les Annonces Landaises : La communauté de communes du Pays d’Orthe et celle de Pouillon ont fusionné en 2017, il y a tout juste cinq ans. Où en est-on de l’intégration ?

Jean-Marc Lescoute : C’est effectivement un ensemble jeune et nouveau. Les deux territoires, ruraux, étaient relativement identiques avec chacun un bourg, Peyrehorade d’un côté et Pouillon de l’autre. Aujourd’hui, la fusion est digérée et nous avons toutes les compétences : économie, culture, patrimoine et tourisme, petite enfance, vieillesse, etc.

Par exemple, il y avait avant deux centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), ils ont été réunis en une seule entité. Au bout de quelques années, ce service méritait une restructuration pour une meilleure organisation du travail et la dynamique de ce pôle est aujourd’hui positive. Cela reste compliqué d’attirer dans ces métiers de l’accompagnement, mais nous tentons de nouvelles pistes, avec une personne dédiée pour favoriser l’embauche. Nous partageons ainsi des personnels avec des communes, et nous essayons de voir s’il est possible d’ajouter des missions dans d’autres secteurs pour rendre plus attractifs ces postes, en mixant des compétences.

LAL : Au niveau économique, la zone d’activités Sud Landes est longtemps restée peu active, qu’en est-il aujourd’hui ?

J.-M. L. : Il y a une douzaine d’années, sur la zone Sud Landes (Orthevielle, Oeyregave, Hastingues), des élus avaient acheté du foncier sur 45 hectares, avec le syndicat mixte du département et confié l’aménagement à la Satel (Société d’aménagement des territoires et d’équipement des Landes). La zone a été aménagée, et il est vrai qu’il n’y a pas eu de développement économique tout de suite, une seule entreprise s’était installée. En 2020, année Covid, d’autres entreprises ont commencé à y venir, puis ça a été la déferlante. Le Pays basque et le Seignanx sont très saturés, nous sommes sur l’axe Bayonne-Pau/ Toulouse et nous sommes donc devenus très attractifs. En deux ans, nous avons accueilli une dizaine d’entreprises très diverses pour un pôle qui représente aujourd’hui 1 000 emplois, dans la maroquinerie de luxe, le vêtement de deuxième main, la transformation de produits frais, la robotique, la location de matériel, la charpente à ossature métallique, la signalétique…

LE PAYS D’ORTHE ET ARRIGANS EN CHIFFRES

24 communes

24 000 habitants

Dans les projections liées au projet de territoire en cours, il n’est pas exclu que le territoire atteigne les 30 000 habitants d’ici 2045.

24 millions d’euros de budget

LAL : Reste-t-il des lots ?

J.-M. L. : Sur la première partie de la zone sur 35 hectares, il nous reste seulement deux ou trois lots. Devant le nombre de demandes, notre force est de pouvoir choisir quels types d’entreprises s’installent car l’objectif de cette zone est surtout d’avoir de la diversité et des entreprises qu’on n’avait pas jusqu’à maintenant. Il nous arrive de dire non car nous souhaitons notamment privilégier des sociétés qui amènent de l’emploi. Au départ, des entreprises craignaient d’ailleurs de ne pas avoir de personnels disponibles ici. Nous avons travaillé pour organiser l’emploi avec Pôle emploi et la Mission locale, et nous avons réussi ce défi de fournir une main-d’œuvre de proximité. Nous mettons même à disposition un local aux entreprises pour faire du recrutement. Notre petit pôle économique est géré par une personne, Marie-Anne Cheboub. Et de mon côté, je reçois directement les futurs entrepreneurs avec notre directeur général des services, Yannick Bassier. Ils apprécient ce temps passé ensemble, c’est un grand atout au moment de décider où s’implanter. Par la suite, une fois l’entreprise sûre de son choix, nous faisons tout pour lui faciliter la vie sur le plan administratif (permis de construire, réunion avec les administrations, aides…), ça leur plaît beaucoup.

Une deuxième tranche de cette zone d’activités devrait ouvrir vers 2025 sur 17 hectares. Cette extension devrait coïncider avec la mise en service d’un nouveau giratoire à la sortie de l’autoroute A64, qui doit arriver à point nommé. Je dois avouer que nous n’avions pas envisagé un développement économique aussi rapide ces trois dernières années !

Jean-Marc Lescoute, président de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans

© Patxi Beltzaiz

LAL : Arrivez-vous aussi à attirer de jeunes pousses ?

J.-M. L. : Nous avons, depuis 2013, une écloserie à Orthevielle pour faire démarrer des entreprises de zéro. Les locaux de 150 m2, à loyers progressifs, sont quasiment occupés en permanence. Au bout de trois ans – le temps limite pour y rester -, nous proposons un atelier relais pour un à trois ans de plus afin de consolider les forces des porteurs de projet et les aider à déployer leurs ailes pour se lancer.

Nous avons créé deux aires dédiées au logement des saisonniers, à Bélus et Saint-Étienne-d’Orthe

LAL : Le logement, ici comme ailleurs dans les Landes, est devenu un sujet de préoccupation…

J.-M. L. : Tout à fait. À Port-de-Lanne, Orist, Orthevielle, Pey ou Peyrehorade, le prix des zones à bâtir s’envole et cela part comme des petits pains. Dans le cadre du programme national Petites villes de demain, la mairie de Peyrehorade et son chargé de mission, avec la participation active de la CCPOA, sont à la manœuvre pour la redynamisation du centre-bourg et la réhabilitation d’habitats dégradés. Dans le cadre du Plan départemental de l’habitat, la communauté de communes a également mis en place une commission pour identifier et repérer, sur chaque commune du territoire, le potentiel de friches ou de terrains exploitables pour faire du logement.

Les nouveaux emplois créent des besoins en habitat et on ne peut pas se réjouir de faire venir des entreprises avec des salariés et derrière ne pas faire ce qu’il faut, également en matière de centres de loisirs, de jeunesse, de maternelle, etc. Les centres de loisirs de Pouillon et Peyrehorade sont à saturation, on n’a jamais connu ça, car des jeunes parents arrivent avec des enfants. En 2024-2025 nous allons réhabiliter et agrandir la maternelle de Tilh, un gros projet est en cours sur Orthevielle pour cumuler la maternelle, le primaire, le centre de loisirs et la restauration.

Nous n’avions pas envisagé un développement économique aussi rapide ces trois dernières années

LAL : En termes de logements saisonniers pour la culture du kiwi, vous avez mis en place un système innovant que d’autres collectivités sont venues voir. Racontez-nous.

J.-M. L. : On a fait quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs, une expérience unique que des gens du piment d’Espelette, du vignoble de Pessac-Léognan ou de l’appellation du Jurançon sont venus voir fonctionner. Pour la récolte des kiwis, les saisonniers qui viennent ici font souvent, avant ou après, le ramassage des pommes dans la Drôme, des clémentines en Corse, les vendanges dans le Bordelais… Ce sont des gens avec un mode de vie bien à eux, qui voyagent et vivent en camion, souvent avec leurs chiens, et ne veulent pas vivre dans des locaux en dur. La concentration de ces travailleurs en plein cœur de Peyrehorade avait causé quelques clashs par le passé. Là, nous avons mis en place deux aires pour eux avec toilettes, douches, palettes pour faire le feu : une à Bélus, sur un terrain de la communauté de communes, l’autre à Saint-Étienne-d’Orthe, sur une parcelle mise à disposition par un producteur, Julien Pedelucq. Et nous avons monté une association, Le Relais saisonnier d’Orthe et Arrigans, avec une ancienne saisonnière devenue sédentaire, Julie Fialip. Elle joue un rôle social important avec toute la communauté de saisonniers, elle s’organise pour la continuité de leur travail, rend des services. Et tout le monde s’y est mis pour la réussite du projet, c’est la condition sine qua non : la profession du kiwi a contribué financièrement, la Mutuelle sociale agricole (MSA) a aussi amené sa contribution, et la gendarmerie est dans la boucle pour la sécurité de tous.

Pour d’autres types de saisonniers ou travailleurs, nous allons par ailleurs réhabiliter des foyers aujourd’hui inoccupés dans l’enceinte de la maison de retraite de Peyrehorade pour les transformer en logements temporaires et accessibles.

Avec la marque de destination Vallée du kiwi, nous pouvons être en capacité d’être facilement identifiés

LAL : L’office de tourisme (OTI) Orthe et Arrigans vient récemment de prendre l’appellation Vallée du Kiwi, quelle est la stratégie derrière ?

J.-M. L. : Nous ne sommes pas naturellement une zone très touristique dans les Landes, avec peu d’hôtellerie notamment. Les gens passent, mais ne restent pas beaucoup. Nous avons donc fait intervenir un bureau d’études pour établir un état des lieux et voir comment s’organiser pour demain. Qu’est-ce qui fait notre particularité ? Le kiwi. Nous pouvons, avec cette marque de destination, être en capacité d’être facilement identifiés. À terme, l’idée est aussi d’ouvrir une maison du kiwi pour que les touristes puissent venir voir cette histoire-là, atypique de notre territoire. Enfin, nous venons d’apprendre que l’ensemble patrimonial de Sorde-l’Abbaye est lauréat pour la région Nouvelle-Aquitaine du Loto du patrimoine. C’est le village où il y a sans doute le plus de plantations de ce fruit emblématique dans notre vallée…

Nous travaillons à la réhabilitation de la voie du tram qui allait de Dax à Peyrehorade, en voie verte

LAL : Le kiwi landais, c’est assurément du circuit-court. Manger local, c’est aussi un principe qui vous tient à cœur en tant qu’ancien exploitant agricole, d’où l’idée du drive Harte Bon ?

J.-M. L. : Oui, le Covid a bouleversé les choses, parfois de manière positive, avec ce retour à la consommation directe. La communauté de communes a développé, en partenariat avec la société Harte Bon et les producteurs du territoire (fruits et légumes, viandes, conserves…), un service de livraison en point relais ou via un distributeur 7j/7 24h/24 avec casiers réfrigérés à l’entrée de Peyrehorade. Cette société propose également, depuis peu, des plats cuisinés à base de produits locaux et pouvant être livrés aux entreprises du territoire pour le déjeuner.

LAL : Quels sont les projets en matière de développement durable en 2023 ?

J.-M. L. : Nous mettons en place une aire de covoiturage à la sortie de l’autoroute à Orthevielle, il y a des flux importants de travail vers Dax ou Maremne Adour Côte Sud, ce sera la première chez nous. Une autre doit être mise en place par Vinci vers le giratoire Sud Landes. Nous allons aussi équiper les toitures de nos bâtiments les plus importants (maternelles, crèches) en photovoltaïque pour privilégier l’autoconsommation. À plus long terme, nous travaillons à la réhabilitation de la voie du tram qui allait de Dax à Peyrehorade, en voie verte pour la marche et le vélo.

SE PROTÉGER DES INONDATIONS

Après quatre épisodes d’inondations en quatre ans, et malgré l’hiver sec qui vient de passer, la communauté de communes encourage les habitants à se saisir du dispositif Mirapi (mieux reconstruire après inondation), créé par la loi de Finances 2021. 77 diagnostics, pris en charge à 100 % par l’État, le département des Landes et la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans, ont été réalisés chez des particuliers par le bureau d’études avec un rapport technique sur la vulnérabilité de l’habitation. Côté travaux, à ce jour, seuls trois dossiers, subventionnés à 80 % par l’État, ont été déposés. « En 2018, la maternelle juste au bord du Gave, a été très impactée par les inondations pour un préjudice de 150 000 euros, rappelle Jean-Marc Lescoute. Nous avons fait les travaux d’étanchéisation par le bas pour éviter les entrées d’eau, avec des batardeaux, des barrières anti-inondations qu’on remet à chaque alerte, et ça fonctionne. »