Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Vermilion : du pétrole et des idées

PARENTIS-EN-BORN - Avec la fin de l’exploitation du pétrole dans le sous-sol français annoncée pour 2040 par la loi Hulot de 2017, la société canadienne Vermilion qui exploite et extrait chaque jour 8 000 barils de pétrole brut en France dont près de 20 % dans le « Texas landais », réfléchit à des potentiels de reconversion de ses infrastructures.

Vermilion

Des tournées sont régulièrement faites par bateau pour vérifier le bon fonctionnement des pompes sur le lac © Patxi Beltzaiz - Hans Lucas

Mars 1954 – il y a bientôt 70 ans – : le pétrole jaillit pour la première fois d’un forage à Parentis-en-Born avec une sonde à 2 264 mètres de profondeur par la compagnie pétrolière Esso qui obtient la concession par décret du 11 août 1956 pour une durée de 50 ans.

Une concession mutée en 1999 à Vermilion, groupe pétrolier fondé au Canada en 1994. C’est à Parentis-en-Born que la société choisit alors d’installer son siège social France où flottent côte à côte le drapeau tricolore et celui à feuille rouge d’érable.

Vermilion

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

80 EMPLOIS DIRECTS

Dans la commune, une ancienne pompe à balancier occupe un rond-point comme pour montrer l’intérêt économique local de cette ressource. Et ici, des pompes s’activent toujours 24 heures sur 24 pour extraire le pétrole via une trentaine de plateformes pour 40 puits en activité sur le lac, au milieu des pins et des véliplanchistes. Ce jour de novembre, le mauvais temps fait former des moutons sur l’étendue d’eau, pas de sortie en bateau donc pour vérifier les puits. « On fait des tournées environnementales pour constater de visu que tout fonctionne et pour gérer tout ce qui est raclage, nettoyage des canalisations par rapport à la corrosion, tests de mesure de débit des puits et de profondeur des nappes », explique l’opérateur Jean-Marc Broustey-Pons, lunettes sombres de sécurité toujours sur le nez. Des techniciens peuvent passer des journées entières sur l’eau pour ces missions, grâce à un catamaran avec base de vie pour les équipes. Venant coiffer les plateformes lacustres, une grande barge de 60×20 m, soit  1 200 m2 environ, permet aussi de réaliser des interventions de réparation ou d’optimisation.

Le pétrole français ne représente qu’1 % du pétrole consommé en France

Grâce à des pompes à balancier installées en surface (« tête de cheval ») et des pompes centrifugeuses immergées électriques au fond du puits, l’or noir récupéré dans les sous-sols entre 2 500 et 3 000 mètres de profondeur, est ensuite envoyé sur le dépôt pétrolier du site landais, puis jusqu’à Ambès, au nord de Bordeaux, par des canalisations pipeline de 90 km de long. Toute la production des Landes et de Gironde y est stockée dans de grands bacs et deux fois par mois, des bateaux viennent la récupérer pour l’amener vers la raffinerie TotalEnergies du Havre. Le pétrole français ne représente qu’1 % du pétrole consommé dans l’Hexagone et Vermilion en est le principal producteur avec une répartition à 50/50 entre ses bassins d’extraction aquitains (Cazaux en Gironde, Vic-Bilh dans les Pyrénées-Atlantiques) et franciliens (Seine-et-Marne, Essonne…).

VERMILION EN CHIFFRES

Premier producteur de pétrole en France avec 70 % du pétrole de l’Hexagone

450 puits sur 27 concessions

8 000 barils/jour (1 300 m3)

1 réseau de 1 000 km de canalisations (collecte/transport)

33,3 millions d’euros d’investissements en 2023

450 emplois (dont 140 directs)

Et dans les Landes…

3 concessions : Parentis-en-Born, Lucats-Cabeil et Mothes

Près de 70 puits actifs

1 500 barils/jour (250 m3 de pétrole) et plus de 10 000 m3 d’eau par jour

180 emplois dont 80 directs

Christelle Dupouy, Responsable RSE de Vermilion

Christelle Dupouy, Responsable RSE de Vermilion © Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

GARDER DES RÉSERVES STRATÉGIQUES ?

Alors que 80 emplois directs (+ 100 indirects) sont générés par Vermilion dans les Landes, la loi de décembre 2017 portée par le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qui met fin à la recherche et l’exploitation des hydrocarbures en 2040 pour lutter contre le réchauffement climatique, a été un « gros coup dur pour les personnels », fait valoir Christelle Dupouy, responsable RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et relations publiques chez Vermilion à Parentis-en- Born. « Mais la bonne nouvelle a été que l’entreprise a décidé de rester en France, voyant cette date comme l’occasion de repenser notre modèle et réfléchir à d’autres opportunités. »

Juste avant la loi Hulot, la prolongation d’exploitation de Parentis-en-Born avait été accordée par le décret ministériel du 26 juin 2006, permettant ainsi de continuer l’exploitation commerciale de la ressource jusqu’en 2031. Vermilion devrait demander en 2029 une nouvelle prolongation jusqu’en 2040. « On en a demandé récemment sur le bassin francilien et le bassin d’Arcachon et cela nous a été accordé », relève la responsable.

Courant novembre, à l’issue d’une enquête publique, le groupe pétrolier a obtenu le droit de forer huit nouveaux puits dans des gisements déjà accordés de la forêt de La Teste (Gironde) et les écoogistes ont aussitôt dénoncé un « scandale environnemental », alors que les méga-feux de l’été 2022 s’étaient dangereusement rapprochés des structures pétrolières girondines, contraignant Vermilion à l’arrêt de la production et à la mise en sécurité des installations de stockage sur ce site classé Seveso seuil haut.

Si Emmanuel Macron vient d’assurer lors de la COP28 sur le climat à Dubaï que la France devrait « définitivement tourner la page du  pétrole d’ici à 2040-45 », l’échéance apparaît, aux yeux de certains,

comme un objectif impossible, un peu comme pour le glyphosate dont l’autorisation vient d’être prolongée pour 10 années supplémentaires dans l’Union européenne. En 2022, Fabien Lainé, alors député de la circonscription, a d’ailleurs plaidé pour repousser l’interdiction d’exploitation de pétrole en France à 2050, disant l’intérêt de conserver cette ressource notamment pour l’armée française. « Nous avons toujours besoin de pétrole, et ce sera le cas après 2040. Nous devons faire ce que l’on appelle « la transition », et cela se fait progressivement. Faut-il importer l’ensemble des besoins des Français en pétrole et laisser dans le sous-sol des ressources qui sont extraites en France selon les normes françaises exigeantes au niveau humain, environnemental et réglementaire ? », demande Christelle Dupouy.

Pantxika Etcheverry, Directrice générale de Vermilion France

Pantxika Etcheverry, Directrice générale de Vermilion France © D. R.

PRODUIT ET CONSOMMÉ EN FRANCE

Quoi qu’il en soit, Vermilion (300 millions d’euros de chiffre d’affaires) travaille à des solutions alternatives. « Le pétrole produit et consommé en France est notre cœur de métier depuis 26 ans et on souhaite continuer à le faire jusqu’en 2040 dans les meilleures conditions, tout en investissant aussi pour l’avenir en recherche et développement. Peu de monde détient une connaissance du sous-sol aussi pointue que nous », relève la directrice générale, Pantxika Etcheverry, passée par plusieurs postes de l’entreprise depuis ses années d’ingénieur en intérim ici il y a plus de 20 ans.

Déjà, Vermilion chauffe gratuitement des serres horticoles à Parentis-en-Born grâce aux calories récupérées de l’eau issue de son processus de production de

pétrole (cf. encadré), une technique qui permet aussi le chauffage du lycée des métiers Condorcet à Arcachon, un projet financé par la région Nouvelle-Aquitaine et l’Agence de l’innovation européenne. Ce premier contrat commercial en Gironde a permis à Vermilion de confirmer, selon elle, que, « à l’heure actuelle, la viabilité du modèle économique est condition- née à la production de pétrole ».

Côté reconversion, la piste la plus avancée est l’utilisation de nos puits et infrastructures pour produire de l’hydrogène bas-carbone à partir de nos gisements

Depuis quelques années, l’entreprise travaille aussi avec des organismes de recherche, l’Europe et les ministères pour trouver des opportunités de reconversion, diversification et valorisation de ses ouvrages et gisements : géothermie, captage et stockage de CO2, extraction de métaux/lithium des eaux de gisements… « La piste la plus avancée est l’utilisation de nos puits et infrastructures pour produire de l’hydrogène bas-carbone à partir de nos gisements », assure Pantxika Etcheverry. Reste à obtenir des autorisations de l’administration pour pousser plus loin ; des demandes devraient être déposées au second trimestre 2024, côté bassin francilien probablement.

« Tout prend du temps, on ne peut pas changer un modèle industriel en un an, dit-elle, il faudra très certainement un minimum de 10 ans pour le mettre en place. Mais nous travaillons à ce que l’ensemble des salariés souhaite : trouver de nouveaux débouchés à la production actuelle. »

Le site de Parentis-en-Born est classé Seveso seuil haut © Vermilion

Le site de Parentis-en-Born est classé Seveso seuil haut © Vermilion

CHAUFFER LES SERRES À TOMATES

L’eau à plus de 60°C remontée des tréfonds des sous-sols et issue des exploitations d’hydrocarbures, permet, depuis 2008, de chauffer des serres

horticoles de la société Tom d’Aqui, voisine de Vermilion à Parentis, où 7 500 tonnes de tomates poussent chaque année. L’extraction pétrolière est un résultat d’huile, de gaz et d’eau naturellement chauffée.

Après la séparation de ces trois produits issus du sous-sol, l’eau chaude entre dans un circuit fermé où un échangeur thermique transfère l’énergie calorifique dans un deuxième circuit fermé appartenant à Tom d’Aqui qui va ainsi chauffer ses éco-serres.

Vermilion réutilise l’eau extraite en l’injectant de nouveau dans ses gisements au travers de ses puits, sans contact avec les nappes phréatiques.