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Tribune de Nathalie Hazera : « SOS DRH en détresse »

Au cours de la crise sans précédent de la Covid-19, les responsables des ressources humaines ont relevé de nombreux défis. Quelle que soit la logique actuelle de l’entreprise, ce sont les hommes et les femmes qui vont faire que ce projet soit réussi. Miser sur celui ou celle qui soigne cette ressource humaine est assurément une décision de sagesse et non pas un pari.

Nathalie HAZERA

Nathalie HAZERA, Avocat, ancien bâtonnier, spécialiste en droit du travail à Dax © JPEG STUDIOS

Il est grand temps de prendre soin de nos soignants », titrait la presse dès le 19 mars 2020, soit deux jours après le premier confinement (1). Il y a cependant d’autres « héros » malmenés dans la crise sanitaire covid-19 :

  • Les services ressources humaines qui n’ont jamais cessé de travailler pendant cette période chaotique, se connectant, depuis chez eux, entre 2 heures et 3 heures du matin pour tenter d’accéder au service « activité partielle » saturé pendant des jours ou revenant dans l’usine désertée par le confinement, malgré la peur de la contagion.
  • Les directeurs qui ont été sommés de poursuivre ou maintenir la production, malgré les fermetures successives des frontières et d’usines et découvrant que ce maintien allait dépendre d’une seule petite pièce produite par un sous-traitant à l’autre bout de la planète confinée.

Dans cet épisode de la Covid-19 qui ne semble plus vouloir finir, les voici encore et toujours plus sollicités, aujourd’hui pour préparer une reprise d’activité, soit par la création d’une organisation nouvelle du travail, soit à la fin de l’activité partielle par des « ajustements », c’est-à-dire des licenciements.

Or, il y a quelques semaines, Estelle Luce, directrice des ressources humaines de l’entreprise Knauf, a été abattue froidement par un ancien salarié, parce qu’elle était, selon lui, la cause de son infortune, lui imputant l’origine et la décision de son licenciement.

Il est vrai que le DRH mène les procédures de rupture de contrats de travail en recevant les salariés au cours des entretiens préalables et peut signer les lettres de licenciement.

Aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement. La procédure de licenciement a été menée par une personne considérée par l’employeur comme étant délégataire du pouvoir de licencier dès lors que la lettre de rupture a été signée par le directeur des relations humaines et supérieur hiérarchique du salarié. (Cass. soc. 11-3-2020 no 18-25.999 F-D).

C’est oublier que ces fonctions sont occupées par des salariés, avec des profils divers. Dans les petites structures, le comptable ou la secrétaire fait office de responsable des ressources humaines. Dans les structures de plus grande envergure, ce sont des cadres de direction voire des cadres dirigeants, qui sont à la tête de tout un service dédié.

L’entreprise doit préserver et assurer leur santé et leur sécurité.

Le droit à la santé et au repos doit bénéficier à tous les salariés, y compris aux cadres « dirigeants » (Cass. soc., 30 novembre 2011, n°09-67.798) sens de l’article L 3111-2 du Code du travail (c’est-à-dire très autonomes, avec un vrai pouvoir organisationnel et une rémunération élevée). Même si ces hauts cadres, sont exclus des règles protectrices de la durée du travail, cette situation ne fait pas disparaître l’obligation de sécurité.

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Mais l’entreprise s’en souvient-elle ? Sans doute que non, tant les burn-outs et les volontés de reconversion se sont multipliés ces derniers mois. Le « baromètre 2020 : les DRH au quotidien », réalisé auprès des professionnels RH par les éditions Tissot a révélé sans grande surprise que 90 % d’entre eux sont au bord de l’épuisement.

Selon les travaux du psychosociologue Robert Karasek, le stress résulte du déséquilibre entre, d’une part, la « demande psychologique », c’est-à-dire le ressenti du salarié sur la quantité de travail à accomplir, les exigences professionnelles et les contraintes de temps liées à ce travail, et, d’autre part, une « autonomie décisionnelle », c’est-à-dire le contrôle que l’on a sur son travail.

Selon Johannes Siegrist, professeur principal de recherche sur le stress au travail à l’université Heinrich Heine de Düsseldorf, c’est le rapport entre l’effort et la récompense qui peut être à l’origine d’un mal-être.

Cette récompense non obtenue ou insuffisante, n’est pas seulement matérielle, elle peut être sociale, voire symbolique.

La pression est d’autant plus forte que le statut de RH, de salarié occupant un poste « à haut niveau », entraîne une sévérité particulière lorsqu’ils commettent des fautes.

Cassation 23 mars 2011 : faute grave pour un conflit d’intérêt. Cassation 9 avril 2014 : faute grave lorsqu’un DRH gonfle ses remboursements de frais, il rompait tant la confiance à légard de lemployeur quà légard du personnel placé sous sa responsabilité.

Cassation 6 novembre 2013 : faute grave pour des actes d’insubordination

Cassation 10 février 2021 (19-14.315) : faute lourde : la dissimulation par le RH de son intérêt personnel dans la réal

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