Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Pépinières Larrieu : aux racines du vin

Installées à Bahus-Soubiran depuis quatre générations, les pépinières viticoles Larrieu sont les dernières en activité dans le département. Grâce à leur savoir-faire et leurs investissements réguliers pour maintenir leur productivité, elles alimentent caves coopératives et grands domaines du Sud-Ouest.

Pépinière Larrieu

Jérémy Larrieu © Bernard Dugros

C’est un métier peu connu dont on aurait tendance même à oublier l’existence, pourtant sans pépiniériste, pas de vin ! Ils ne sont plus que 450 à produire des plants de vigne en France, contre 1 000 en 2010. Et dans les Landes, il n’en reste qu’un. « J’étais le plus intéressé des petits-enfants à vouloir reprendre. Petit, j’adorais le clac-clac des machines à assembler le greffon et le porte-greffe », se souvient Jérémy Larrieu, 36 ans, à la tête des pépinières depuis 2010.

INVESTISSEMENT DANS UNE MACHINE À GREFFONS

Technique, physique, le métier présente beaucoup de contraintes quand il faut compter presque un an et 35 manipulations à la main pour un seul plant avant qu’il puisse être commercialisé, alors qu’en un épisode de grêle tout peut être réduit à néant. « On travaille sur des bois vivants, on ne sait pas si ça va prendre. C’est très stressant », avoue Jérémy Larrieu. La méthode de culture n’a jamais changé même si les techniques s’affinent : une fois le greffon (cépage) ramassé et assemblé au porte-greffe selon ses caractéristiques (vigoureux, séchant, résistant) en fonction des terroirs et des rendements souhaités par les clients, les étapes s’enchaînent : passage en chambre froide, acclimatation, paraffinage, stratification, plantation, traitement, irrigation, etc. Une grande partie se fait à la main, même si les investissements réguliers du pépiniériste permettent d’optimiser la production. « Cette année, j’ai investi 60 000 euros dans une machine qui fait les greffons. C’est assez révolutionnaire car tout était manuel avant. Tout comme la machine de traitement à l’eau chaude, achetée il y a trois ans 70 000 euros pour limiter les insecticides et éradiquer les maladies dont la flavescence dorée. » Pour minimiser les risques en cas d’aléas climatiques, le pépiniériste peut aussi compter sur ses façonniers qui cultivent des plants dans le Vaucluse. « Le réchauffement climatique, les menaces de grêle ou de gelée nous demandent une réadaptation permanente », constate son père, Michel Larrieu.

Pépinière Larrieu

60 000 euros investis en 2023 dans une machine à greffons © Bernard Dugros

UNE RÉFÉRENCE DANS LE SECTEUR VITICOLE

Pas de quoi démotiver la maison Larrieu qui porte fièrement ses 101 ans. « Mon arrière-grand-père Maurice a débuté en 1922 par 1 000 plants », raconte Jérémy jusqu’à ce que l’entreprise s’agrandisse et devienne aujourd’hui une référence dans le milieu viticole.

Les grands domaines du Haut-Médoc (Châteaux Talbot, Léoville Las Cases, Chasse-Spleen), les domaines d’armagnac, de jurançon, d’irouléguy, les caves coopératives du Sud-Ouest, les côtes de Gascogne, le cognac… leur font confiance. D’abord parce qu’ils connaissent la richesse de leurs terres landaises fines, sablonneuses et riches en limon et aussi parce que cette maison traditionnelle a le goût du travail bien fait. « Ce qui fait la différence, c’est notre capacité à aimer la nature, à connaître les sols. On sait capter l’air du temps et on reste toujours au contact du viticulteur », explique le pépiniériste. Ce savoir-faire s’apprend sur le terrain, avec l’expérience. À chaque nouvelle génération, la famille a transmis ses connaissances acquises à force de cultures. « À l’époque il y avait des pépiniéristes pratiquement dans chaque commune. Ces petites exploitations ont peu à peu disparu. Chez nous, mon père a pris la suite et je suis arrivé dans les années 1965 », raconte Michel Larrieu. Avec ses deux frères, ils vont accélérer le développement de l’entreprise en étendant sa clientèle jusque-là locale, dans toute la région du Sud-Ouest. L’exploitation ne cessera dès lors, de s’agrandir.

500 000 PLANTS

Sur leurs 10 hectares de vigne-mère de greffons et 15 hectares de terres agricoles, les pépinières produisent 500 000 plants. Les Larrieu cultivent des cépages pour toutes les appellations. Du 1er janvier au 31 décembre, épaulé par son épouse et ses parents, Jérémy Larrieu ne compte pas ses heures. Il emploie des saisonniers en haute saison dont certains reviennent depuis 15 ou 20 ans. La réussite des greffes oscille entre 40 et 70 %. « 5 % de réussite en plus nous assure une partie du bénéfice », explique son père. Les coûts de production sont lourds : 125 000 euros pour l’achat des porte-greffes et 50 000 euros de greffons. Quant à la facture d’électricité, elle est plutôt salée : entre 15 000 et 20 000 euros par an. « Depuis deux ans, j’investis dans des panneaux photovoltaïques sur mes bâtiments pour essayer de diminuer la consommation ou revendre l’électricité. »

Avec toujours l’envie d’aller plus loin, Jérémy Larrieu cultive ses terres en quête de l’équilibre parfait : « Je ne souhaite pas m’agrandir, je voudrais simplement ne pas avoir d’assemblages en dessous de 50 % de réussite ! ». De cette constante recherche d’excellence dépendra la productivité et la rentabilité du vignoble et surtout la qualité des vins.