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« L’énergie renouvelable, clef de notre avenir » Philippe Latry, président de la communauté de communes des Landes d’Armagnac

La communauté de communes des Landes d’Armagnac (CCLA) vient de fêter ses 10 ans cette année. Son président, Philippe Latry, retrace les enjeux de ce territoire, notamment autour des énergies renouvelables, vues comme un moyen de financer le développement et les services locaux.

Philippe Latry, Président de la communauté de communes des Landes d’Armagnac

Philippe Latry, Président de la communauté de communes des Landes d’Armagnac © Patxi Beltzaiz - Hans Lucas

Les Annonces Landaises : Qu’a prévu la communauté de communes pour fêter ses 10 ans, avec ses 27 communes et quelque 11 500 habitants aujourd’hui ?

Philippe Latry : L’exubérance n’est pas notre marque de fabrique ! Nous avons réuni l’ensemble des élus du territoire ainsi que nos partenaires pour marquer cet anniversaire en mesurant le chemin parcouru.

Il est important de rappeler que la communauté de communes est née de la volonté de deux territoires, le Gabardan et le Pays de Roquefort, identifiés par la forêt et l’armagnac, alors que nous n’étions pas du tout obligés de fusionner. C’est une communauté bicéphale avec deux communes assez éloignées l’une de l’autre (30 km) sur 100 000 hectares limitrophes de la Gironde, du Lot-et-Garonne et du Gers. Cela se traduit aujourd’hui par un héritage sur la manière dont nous travaillons et la volonté de continuer à servir la population sur ce territoire réparti en deux zones d’attractivité avec des pôles intermédiaires. Notre volonté de garder cette proximité se retrouve, entre autres, dans le fait d’avoir deux pôles enfance jeunesse ou par l’installation de deux Maisons France Services à Gabarret et Roquefort, une accompagnée par l’État, l’autre entièrement financée par la communauté de communes des Landes d’Armagnac. Nous sommes une communauté de communes rurales, on ne va pas renier ça. La plus grosse des communes ici, c’est la moins petite des petites, avec Roquefort qui compte à peine 2 000 habitants. Dans les deux communautés de communes historiques, il y avait des modes de fonctionnement différents. Cela a pris du temps de vivre ensemble et nécessité des concessions et des compromis, mais nous y sommes parfaitement arrivés.

LAL : Un de vos marqueurs forts est la politique en faveur des énergies renouvelables (EnR) avec le photovoltaïque, pourquoi ce choix à l’échelle communautaire ?

P.L. : Cet axe de développement se situe dans la continuité de l’histoire du photovoltaïque du Gabardan il y a 15 ans, la plus grosse centrale d’Europe à l’époque. Depuis, les règles ont considérablement évolué et le développement en milieu forestier est très sensible. La loi donne la possibilité de développer des projets très encadrés par zones de 25 hectares en lien avec l’association régionale de Défense des forêts contre les incendies (DFCI) et le Syndicat départemental d’incendie et de secours (Sdis). Nos projets qui profitent d’une vision partagée du territoire et de son avenir, ne se font que sur du foncier public avec des loyers partagés entre communauté de communes et communes, la fiscalité étant perçue par l’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour financer de manière dynamique la politique en faveur de l’aide à la personne, de la jeunesse et du développement économique, au service de l’intérêt collectif.

Autre intérêt, et pas le moindre, c’est l’autoconsommation collective à l’échelle communautaire qui doit bénéficier aux industriels, artisans, commerçants ainsi qu’à l’ensemble des foyers.

Je crois que nous sommes les premiers à aller si loin sur ce sujet et cette démarche interpelle déjà d’autres territoires. Ce partenariat innovant signé à Cachen entre la CCLA, les opérateurs Incidences et Total Énergies et aussi Énerlandes (département) et Terra Énergies (région Nouvelle-Aquitaine) nécessite une répartition des projets photovoltaïques sur un calepinage bien précis, représentant un maximum de 0,7 % de la surface de notre territoire, pour garder notre caractère rural, agricole et forestier. Ce sont là, clairement, des questions de survie de notre territoire et nous revendiquons aussi le droit d’avoir des projets ambitieux. Nous n’allons pas

faire de grands projets de zones industrielles mais nous avons d’autres atouts à faire valoir ! C’est aujourd’hui qu’il faut se poser la question du coût de la consommation d’énergie : quand on voit les difficultés des entreprises et des ménages, si ce n’est pas la politique publique et des territoires comme le nôtre qui prennent en main ces questions en les accompagnant, qui va le faire ?

Nous sommes dans une logique d’optimisation et de densification des centres-bourgs

LAL : Idem pour la réhabilitation des centres-bourgs à travers notamment l’opération Petites villes de demain (PVD) ?

P.L. : Avec la loi Zéro artificialisation nette (ZAN) qui va nous contraindre en termes de consommation foncière en limitant l’étalement urbain, nous sommes dans une logique d’optimisation et de densification des centres-bourgs. L’opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain (Opah-Ru) financée par la CCLA, permet des projets de rénovation. Sur Gabarret et Roquefort, une dizaine de bâtiments pour une soixantaine de logements ont été identifiés. Quelques opérations devraient rapidement sortir, il y a de la demande de logements locatifs. Avec le dispositif national PVD qui concerne ces deux communes, nous avons bénéficié d’un financement pour le recrutement d’un chargé de mission.

Au-delà de PVD, nous avons étendu cette volonté de réhabilitation aux 25 autres communes avec un fond de concours spécifique pour la rénovation de bâtiments publics.

Une des prochaines étapes est la réflexion, je l’espère d’ici la fin de l’année, concernant l’intérêt (ou pas) d’adhérer à Landes Foncier, l’établissement public foncier local (EPFL) qui permet le portage financier d’acquisitions de terrains ou immeubles pour le compte des communes afin de constituer des réserves foncières ou réhabiliter des bâtiments vacants. Mais il ne faut pas forcer les choses, ne pas les imposer, et trouver une majorité claire. Si nous voulons maintenir nos écoles, il faut bien accueillir de la population jeune qui doit pouvoir se loger en trouvant des loyers ou des terrains à des prix accessibles.

Nous constatons aussi, comme partout, des flux liés aux possibilités de télétravail aujourd’hui facilité avec le déploiement de la fibre qui se finalise. La future gare LGV (ligne à grande vitesse) qui sera positionnée aux portes de notre territoire aura des conséquences sur les prix des terrains et de l’immobilier, qui restent encore, pour le moment, bien positionnés par rapport à d’autres endroits dans les Landes.

Avec le photovoltaïque, l’autoconsommation collective à l’échelle communautaire doit bénéficier aux industriels, artisans, commerçants et à l’ensemble des foyers

Armagnac

Le photovoltaïque est en plein développement, dans la continuité de l’histoire de la centrale du Gabardan il y a 15 ans, la plus grosse d’Europe à l’époque © Landes

LAL : Question désert médical, vous avez mis en place cet été une initiative intéressante pour financer la formation d’une infirmière en pratique avancée (IPA), racontez-nous…

P.L. : Nous finançons en effet à 100 % une formation d’IPA (25 000 euros annuels) à une infirmière du territoire, c’est sans doute une première dans les Landes, un investissement à moyen terme. Elle va ainsi partir pour deux ans à l’université de médecine et revenir exercer ici (pour une durée minimale de cinq ans). Avec ses nouvelles compétences, elle pourra accompagner le travail de médecins référents sur certains actes et prescriptions bien définis. Nous sommes prêts à financer deux postes d’IPA chaque année pour en avoir peut-être quatre ou cinq à terme. Cette aide vient compléter d’autres dispositifs comme l’aide à l’installation de professionnels de santé. La réflexion sur la politique de santé est au cœur du Contrat local de santé que nous partageons avec trois autres communautés de communes (Cœur Haute Landes, Pays Morcenais et Pays de Villeneuve en Armagnac Landais).

LAL : Quels sont les projets à venir ?

P.L. : La rénovation de notre piscine communautaire à Gabarret a deux vocations : être un outil pour les scolaires et une réponse aux besoins de la population au regard des évolutions climatiques quand il peut encore faire 34 °C le soir à l’intérieur des terres… Nous allons partir à la pêche aux subventions pour ce projet, qui aura un coût conséquent, avec notamment une couverture amovible, afin d’élargir l’amplitude d’ouverture sur les saisons.

À Gabarret également, le projet de restauration de la Maison du Gabardan du XVe siècle, classée aux monuments historiques, et déjà étayée sur l’extérieur, nécessite, lui, 1 million d’euros. L’urgence fait que nous ne pouvons plus attendre, mais le chantier a été considéré non prioritaire cette année pour y flécher les dotations de l’État… Nous allons donc retenter notre chance avec la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et explorer l’ensemble des pistes de financement possibles pour la sauvegarde de ce patrimoine commun.

Côté immobilier d’entreprises, nous avons pour objectif de créer des « box » pour l’accueil d’entreprises qui cherchent des locaux. Sur ce sujet aussi, le financement reste compliqué.

Armagnac

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

LAL : Comment le territoire pense-t-il son offre touristique ?

P.L. : Touristiquement, nous avons un potentiel de développement important, mais on n’y consacre pas encore assez de moyens et l’offre autour des bastides, des châteaux, de l’armagnac mérite d’être encore mieux mise en lumière. Notre offre culturelle avec un tissu associatif fort, commence à être visible et a déjà une certaine densité, avec des manifestations qui attirent du monde (Armagnac en fête, Émoi culturel, La Route de la transhumance…). Des choses intéressantes se passent aussi en hébergement et restauration pour un cocktail d’offre touristique non pas à la journée, mais sur du court ou moyen séjour où les touristes peuvent venir, rester et consommer.

LES LANDES D’ARMAGNAC EN CHIFFRES

27 communes : Arue, Arx, Baudignan, Betbezer-d’Armagnac, Bourriot-Bergonce, Cachen, Créon-d’Armagnac, Escalans, Estigarde, Gabarret, Herré, Labastide-d’Armagnac, Lagrange, Lencouacq, Losse, Lubbon, Maillas, Mauvezin-d’Armagnac, Parleboscq, Retjons, Rimbez-et-Baudiets, Roquefort, Saint-Gor, Saint-Julien d’Armagnac, Saint-Justin, Sarbazan, Vielle-Soubiran

45 délégués communautaires, 120 agents en incluant le Centre intercommunal d’action sociale (CIAS)

10 millions d’euros de budget de fonctionnement

2 millions d’euros d’investissements par an en moyenne sur les 10 dernières années