Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Jenny Lartizien et le chanvre des possibles

À 46 ans, la cofondatrice des Chanvres de l’Atlantique, à Saint-Geours-de-Maremne, allie une indéniable fibre commerciale à des convictions sociétales et environnementales.

Jenny Lartizien CHANVRE

© D. R.

Jenny Lartizien n’est vraiment jamais là où on l’attend. Née dans la Somme, elle se pose à trois ans sur les rives du lac d’Hossegor, dans les bagages de ses parents en reconversion professionnelle. Ils deviennent hôteliers, en 1980, en prenant la gestion du Neptune qui deviendra le Pavillon Bleu en 2001, avant d’y ajouter le Lacotel en 1989. De son père Alain Bretelle, ancien président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH 40), disparu en janvier 2023, elle pense avoir hérité des valeurs de travail, de rigueur et d’engagement. Jenny obtient un bac ES plutôt tourné vers l’économie, mais rêve de devenir prof d’anglais. Commence alors pour elle une longue période de voyages, notamment en Australie où elle travaille pour Billabong. Au retour, son anglais est parfait mais après avoir goûté à la vie active, difficile pour elle de revenir sur les bancs de la fac. C’est alors que son frère Teddy lui propose de venir donner « un coup de main » dans la société familiale qui gère les deux hôtels. Le « dépannage » durera jusqu’en 2014. « Quand on grandit dans une entreprise familiale on apprend sur le tas et c’était l’opportunité de travailler avec mon frère.

Quand on a 24 ans, avoir un hôtel à vous c’est chouette. Je gérais le Pavillon Bleu et lui le Lacotel, sous la direction de notre père. On mutualisait nos forces pour les salariés, les achats. » Une expérience sur le tas qui révèle une indéniable fibre commerciale. Jusqu’à ce qu’une plante millénaire dont on ne cesse de (re)découvrir les vertus lui ouvre de nouveaux horizons.

LE CHANGEMENT, C’EST LE CHANVRE !

Cette plante, c’est le chanvre. Vincent Lartizien, ancien surfeur professionnel, qui a vécu 15 ans à Hawaï en connaît tous les bienfaits, susceptibles de répondre à tous les maux de l’époque en matière de santé et d’environnement. De la graine à la tige, tout est bon dans cette plante dont les propriétés peuvent être exploitées dans les secteurs de l’alimentation, du textile et de la construction. Dès 2016, Jenny le rejoint dans ce projet ambitieux des Chanvres de l’Atlantique, entreprise qui naît dans la pépinière Domolandes, avant de s’installer à deux pas sur la zone Atlantisud à Saint-Geours-de-Maremne. Ce site est destiné à la transformation de la plante dans son entièreté : valorisation de la graine, ligne de défibrage, stockage de bobines de fil, de tissus, fabrique de briques de construction. « À elle seule, cette plante répond à nos besoins vitaux, se passionne Jenny Lartizien. Elle peut même remplacer les matières plastiques issues de la pétrochimie et le papier à base de bois, tout en améliorant la qualité des sols où elle est cultivée. C’est la plante du changement de paradigme ! »

Avec le chanvre, « il y a un enjeu économique mais aussi environnemental et même sociétal »

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LA BOSSE DU COMMERCE

Femme de conviction, elle croit en ce projet. Et elle n’est pas la seule. La société lancée en 2016, connaît une croissance de start-up à deux chiffres. L’effectif passe de deux à 12, puis 25 personnes. Jenny en devient tout naturellement la directrice commerciale. Les deux cofondateurs sont rejoints par Laurence Remy. Riche de plus de 20 ans d’expérience au côté de leur investisseur privé et ami, François Payot, ex-PDG de Rip Curl, elle devient présidente de la société et associée. Aujourd’hui, l’entreprise connaît l’inflexion post-Covid que subit toute la filière bio, mais pas question de s’en inquiéter. Bien au contraire. « Tous les indices de reprise sont là », assure Jenny Lartizien. L’entreprise est dans l’attente de la finalisation du financement de la deuxième partie du projet lié à la construction, sur lequel ils travaillent avec un bureau d’études. Un secteur où les débouchés s’annoncent des plus prometteurs. Pour l’heure, Jenny Lartizien poursuit ce qu’elle sait faire de mieux en matière de prospection commerciale, avec toute l’expérience de sa vie antérieure dans l’hôtellerie. Elle n’ignore rien des filières du bio, de la réglementation, des certifications et en profite pour pousser un coup de gueule contre la multiplication des labels qui… tue le sens des labels.

On n’assène rien, mais on montre comment faire autrement

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DONNER LE CHOIX

Sa vie d’aujourd’hui n’est finalement pas totalement différente de la précédente. « J’ai toujours affaire à des professionnels dans le monde culinaire », explique- t-elle, après avoir passé trois jours avec 35 chefs de collectivités à concocter des recettes végétales et locales, dans le cadre de la loi Égalim. Quant à la prospection commerciale, c’est la même chose quel que soit le secteur. La satisfaction du client a toujours été pour moi essentielle. »

La multiplication des labels tue le sens des labels

Avec toutefois dans cette aventure du chanvre, une autre dimension. « Oui c’est doublement motivant. Il y a un enjeu économique mais aussi environnemental et même sociétal. De la même manière que nous nous étions engagés avec Vincent en 2009 pour la création d’un projet d’école alternative Montessori à Soorts-Hossegor. C’est la même démarche. On n’assène rien, mais on montre comment faire autrement. » Nourrie des travaux du Canadien Nassim Haramein, « l’Einstein d’aujourd’hui », sur le contrôle de la gravité, Jenny Lartizien se projette en 2030 dans un monde de distribution différente, où l’on stoppera la surconsommation et on aura réappris à vivre en circuit court, avec le fabriqué maison. Où le chanvre bien sûr retrouvera toute sa place. « Avant 1920, il avait apporté ses solutions. Pas de raison pour que cela ait changé ! »

Jenny Lartizien. CHANVRE

Jenny Lartizien © D. R.

EN QUELQUES MOTS

Un livre qui vous accompagne ? Les Sept Plumes de l’aigle, d’Henri Gougaud

Un disque ? Début, le second disque de l’artiste islandaise Björk

Un lieu ? La plage

Une devise ? « Amour, humour, toujours ! »