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[ Interview ] Notaires : « Modernité, agilité, bienveillance », Benoit Hourregue, délégué de la communication à la chambre des notaires Atlantique et Pyrénées

Avec un nouveau nom « Atlantique et Pyrénées »et un nouveau logo, la chambre des notaires qui regroupe les Landes, le Pays basque, le Béarn et les Hautes-Pyrénées, met en œuvre une stratégie de communication, reflet des évolutions de la profession. Tour d’horizon avec maître Benoît Hourregue, délégué à la communication au sein de la chambre.

Maitre Benoit Hourregue, délégué à la communication à la chambre des notaires Atlantique et Pyrénées

Maitre Benoit Hourregue, délégué à la communication à la chambre des notaires Atlantique et Pyrénées ©JPEG-STUDIOS

Les Annonces Landaises : Nouveau nom et nouveau logo pour la chambre des notaires qui réunit les Landes, le Pays basque, le Béarn et les Hautes-Pyrénées. L’image des notaires est-elle en train de changer ?

Benoît Hourregue : Nous voulons effectivement transmettre une image de modernité, d’agilité et de bienveillance qui se déploie dans notre nouveau logo et via les réseaux sociaux. L’objectif est d’expliquer notre utilité sur les secteurs obligatoires de l’immobilier et du droit de la famille, mais aussi le devoir de conseil et le facteur humain, particulièrement importants dans notre métier. Sur l’immobilier, entre le neuf, l’ancien, le rural, l’urbain, la copropriété, le diffus, la promotion immobilière, le lotissement… même s’il n’y a jamais deux dossiers qui se ressemblent, il y a toujours un canevas à respecter : un vendeur, un acquéreur, un bien, un prix. Le droit de la famille, en revanche, est un secteur moins canalisé entre les partages, les successions, les familles recomposées, le Pacs, le mariage pour tous, l’adoption, l’union, la désunion, la mort, la naissance… qui présente un volet psychologique important et implique souvent un conseil juridique en opportunité.

LAL : À quelles évolutions de l’exercice de la profession les notions d’agilité et de modernité renvoient-elles ?

B. H. : L’agilité et la modernité de notre profession passent aujourd’hui par la dématérialisation de l’acte authentique, la signature électronique. Les études pilotes dans les Landes ont démarré en 2011 et le processus a été mis en œuvre en trois ans sur l’ensemble des études landaises. Ces systèmes qui existaient déjà ont pris un coup d’accélérateur pendant les confinements où nous ne pouvions pas recevoir les clients dans des conditions normales, avec la signature à distance qui évite les déplacements et facilite les rendez-vous. Ils font désormais partie de notre quotidien. Dans ce contexte de dématérialisation croissante, où le travail à distance se développe, la signature électronique à distance chez le notaire assure le plus haut niveau de certification et de conservation du document. L’acte authentique qui est d’abord un acte notarié conférant un titre exécutoire aux engagements, garantissant une fiabilité maximale pour les faire respecter, va nous permettre de devenir très opportuns dans le domaine du droit des affaires. Nous pourrions ainsi travailler en collaboration avec d’autres professionnels sur les cessions de parts sociales de sociétés, de fonds de commerce…

Maitre Benoit Hourregue, délégué à la communication à la chambre des notaires Atlantique et Pyrénées

Maitre Benoit Hourregue, délégué à la communication à la chambre des notaires Atlantique et Pyrénées ©JPEG-STUDIOS

Comme au niveau national, l’immobilier représente dans les Landes environ 70 % du chiffre d’affaires des notaires

LAL : Ces signatures à distance ne sont-elles pas contradictoires avec votre rôle de conseil ?

B.H. : Seule la modalité de signature a évolué puisque, à l’occasion de ces rendez-vous en visioconférence, chaque partie est présente chez son notaire, ce qui permet de maintenir le rôle de conseil. Le client continue de se sentir autant intervenant à l’acte et n’a pas l’impression de signer par procuration. Dans 70 % des cas, la qualité de l’écoute est même renforcée dans la mesure où la parole n’est pas offerte et incite à se concentrer beaucoup plus.

LAL : Comment la sécurité de ces échanges est-elle assurée ?

B.H. : Comme avec nos logiciels métiers pour la signature électronique et le stockage des actes authentiques électroniques, nous sommes dotés d’un système de visioconférence obligatoire agréé par nos instances, identique chez tous les notaires qui offre le plus haut degré de confidentialité, de sécurité et de fiabilité.

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LAL : Ces évolutions technologiques modifient-elles en profondeur vos missions ?

B. H. : Le métier n’a pas changé dans son fondement : l’authentification des actes avec un critère élevé de qualité qui passe par les vérifications obligatoires pour assurer leur sécurité. Pour cette raison, même si nous n’étions pas obligatoires, les citoyens continueraient à passer devant les notaires pour les actes importants de la vie comme les achats et les ventes. La mission qui nous rend incontournables pour l’État, c’est la collecte de l’impôt sur les droits d’enregistrement (taxes sur les acquisitions, les donations, les partages), mais aussi désormais sur la plus-value. Sur 7,5 % de frais sur les transactions immobilières, les droits d’enregistrement représentent 6 % et environ 1 % d’honoraires pour le notaire.

LAL : Dans les Landes, vos activités évoluent-elles avec la poussée de l’immobilier notamment ?

B.H. : Comme au niveau national, l’immobilier représente dans les Landes environ 70 % du chiffre d’affaires des notaires. Il a fallu attendre 2017 pour aplanir la chute des prix liée à la crise de 2007. Et depuis 2018, nous assistons à un boom de l’immobilier et à une forte augmentation des prix. Un prix standard à 450 000 euros à Seignosse en 2017, par exemple, atteint aujourd’hui 700 000 euros. On sent, bien sûr, la notion de bulle liée aux biens de prestige ou très bien placés, à la notion de location en meublé facilitée par les plateformes. Mais cette bulle n’est pas globale compte tenu des augmentations de population et de la forte demande en logement, particulièrement criante sur la côte mais que l’on retrouve dans tout le département. Le phénomène est aussi lié à une pénurie de logements, et à une confiance dans l’économie, en dépit du contexte. Et tant qu’on n’aura pas atteint les prix de Saint-Tropez, pourquoi voulez-vous que ça s’arrête ?

 Dans le département, la plupart des études auraient un besoin de recrutement entre une et trois personnes, selon leur taille

LAL : La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 (dite « loi Macron ») a permis la création de nouveaux offices depuis 2017. Combien de nouveaux notaires dans les Landes ? De nouvelles installations sont-elles prévues dans le cadre de la troisième carte ouverte le 1er octobre pour la période 2021-2023 ?

B.H. : Avec les deux premières cartes, neuf nouveaux notaires se sont installés dans les Landes : trois à Mont-de-Marsan, un dans l’agglomération de Dax, un à Léon, un à Capbreton, deux à Hossegor et un à Seignosse, portant le nombre total à 22. Avec l’ouverture de la troisième carte en cours, il y en aura un nouveau sur le secteur de Dax et deux sur la zone de Bayonne qui peut s’étendre sur la côte sud des Landes jusqu’à Hossegor. Le fait est que, compte tenu de la dynamique en termes d’immobilier, le marché tel qu’il est aujourd’hui a permis d’intégrer sans problème tous les nouveaux notaires. C’est surtout la méthode du tirage au sort lorsque le nombre de candidatures dépasse le nombre d’offices à créer dans chaque zone qui nous a paru curieuse. Nous aurions préféré conserver le principe de la sélection sur concours qui présidait auparavant à la création des études.

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LAL : Le Conseil supérieur du notariat estime entre 3 000 et 5 000 collaborateurs les besoins des études au niveau national. Les études landaises connaissent- elles la même pénurie ?

B.H. : Nous sommes dans un système économique forcément en croissance, et cette pénurie est effectivement liée à l ’activité. Par ailleurs, qui dit davantage de notaires, dit plus de collaborateurs dans tous les segments du personnel : secrétariat, comptabilité, diplômé notaire, clerc de notaire. Dans le département, la plupart des études auraient un besoin de recrutement entre une et trois personnes, selon leur taille.

LAL : La formation des notaires devrait faire l’objet d’une réforme. Le nouveau cursus serait ouvert aux titulaires d’un master de droit, et se déroulerait sur trois ans, avec une année d’enseignement, puis un stage notarial pendant deux ans. Qu’en pensez-vous ?

B.H. : Cette évolution est essentiellement liée à l’unification de l ’ensemble des cursus universitaires autour des masters. Il faudrait désormais choisir la filière du notariat dès le master I, en troisième année universitaire. À titre personnel, je regrette que la formation en général implique le choix d’une orientation vers un métier de plus en plus tôt. Ce processus a tendance à unifier les profils. Je préférais la notion d’université qui permettait de se chercher quelque temps, de trouver sa voie, avant de passer un concours, un examen d’entrée vers une filière professionnelle, comme c’était le cas pour le notariat et pour les avocats.

LAL : Quel est, selon vous, l’intérêt pour la profession du nouveau code de déontologie en cours de rédaction pour une entrée en vigueur le 1er juillet 2022 ?

B.H. : Les notaires sont des officiers ministériels et ne font pas partie du monde du commerce. Notre déontologie est donc extrêmement liée à des notions de publicité, de mise en avant ou de démarches actives auprès d’éventuels clients qui sont interdites dans notre métier. Ce nouveau code vise à appréhender le nouvel environnement numérique et à mettre à jour ce qui sera autorisé en matière de communication sur les réseaux sociaux notamment. Il va également falloir encadrer les usages de la dématérialisation qui nécessite beaucoup plus de contrôle et de vigilance. Il existe aujourd’hui un système de sanctions pour les notaires indélicats, même sans avoir créé de sinistre, qui étaient jusqu’ici gérées par des chambres départementales ou régionales et qui seront désormais mises en œuvre au niveau national par le Conseil supérieur du notariat à Paris.

Les structures interprofessionnelles regroupant notaires, experts-comptables, avocats, conseillers en gestion de patrimoine, courtiers en crédits et assurances, vont a priori se développer pour plus d’efficacité et de spécialisation

LAL : La profession vous semble-t-elle aujourd’hui à un tournant ?

B.H. : De nombreuses questions se posent aujourd’hui, auxquelles nous n’avons pas de réponse. Avec la forte dématérialisation, les signatures à distance, les clients vont-ils davantage se déplacer chez leur notaire de proximité ou plutôt opter pour des grands pôles de notaires en ville ? Les notaires sont des généralistes du droit ; comment vont évoluer leurs missions en fonction de leur implantation géographique, en tissu urbain, semi-urbain ? Vont-ils devoir se spécialiser sur la promotion immobilière, la vente diffuse ou le droit de la famille ? Les structures interprofessionnelles regroupant notaires, experts-comptables, avocats, conseillers en gestion de patrimoine, courtiers en crédits et assurances que l’on voit apparaître aujourd’hui, vont a priori se développer pour plus d’efficacité et de spécialisation. Autre phénomène : de plus en plus d’études ne se nomment plus par les noms des notaires, mais avec un nom plus générique qui renvoie à une stratégie de marque. Pour ma part, je pense que nous n’en sommes pas encore au stade où le professionnel peut s’effacer totalement. Le nom du professionnel reste important dans la notion de confiance.

Chambre des notaires Atlantique et Pyrénées