Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

L’hôtellerie retient son souffle

Frappés de plein fouet par la crise du coronavirus, les hôteliers voient fondre leur trésorerie, en dépit des soutiens financiers mis en œuvre par l’État. Et les professionnels du secteur sont unanimes pour considérer que le plus dur reste à venir.

« Si on avait ouvert, on aurait explosé les compteurs », soupire Frédéric Petiteville en voyant s’enchaîner les week-ends de printemps ensoleillés. À Biscarrosse, à l’hôtel La Forestière dont l’ouverture était prévue le 20 mars, l’équipe recrutée début mars reste confinée. « Avec l’annonce de la fermeture de nos établissements, le 14 mars, en 24 heures, tout a basculé. Depuis, on est au point mort. Nous avons déjà perdu plus de 10 % du chiffre d’affaires de l’année », comptabilise de son côté Thierry Pantel, à l’hôtel Le Richelieu à Mont-de-Marsan. L’annonce par le président de la République, le 13 avril, du maintien de la fermeture des hôtels et des restaurants au-delà de la date du 11 mai prévue pour le début du déconfinement est « le pire des scénarios possible pour notre secteur. Pour nos entreprises, la catastrophe économique est confirmée et si nous avions un doute, l’année 2020 est une année perdue », résumait dès le lendemain l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) dans un communiqué. Une annonce qui n’a pas vraiment surpris Alain Bretelle, hôtelier à Hossegor et président du syndicat professionnel du secteur dans les Landes : « On savait qu’on allait être prolongés encore plusieurs semaines ». S’il est encore trop tôt, selon lui, pour évaluer les retombées réelles de la crise en matière de dépôt de bilan, « le juge de paix interviendra quand les premières charges fixes vont tomber ». Et les hôteliers d’énumérer les taxes foncières, la taxe de séjour forfaitaire dans certaines communes, les factures d’eau et d’électricité, les abonnements aux chaînes de télévision cryptées, les différents contrats d’entretien…

Si le chômage partiel mis en œuvre par l’État apporte une bouffée d’oxygène et si Bercy a confirmé, le
17 avril, être « prêt à étudier les annulations de charges et l’évolution du fonds de solidarité », pour les professionnels, le compte n’y est pas. À propos du prêt garanti par l’État remboursable sur un à cinq ans, auquel 45 % des hôteliers français ont eu recours, « ce n’est pas en prenant des crédits supplémentaires qu’on va s’en sortir. Rien n’est gratuit », martèle Frédéric Petiteville. La profession compte aussi sur l’État pour faire pression sur les assurances pour qu’elles aillent plus loin sur les garanties de perte d’exploitation, aujourd’hui refusée à près de 98 % des entreprises. « Même quand la clause sanitaire figure dans le contrat, la pandémie n’est pas prise en compte », regrette-t-il. Quant à l’annonce des assureurs, de porter à 400 millions d’euros leur contribution au fonds de solidarité gouvernemental (contre 200 millions d’euros auparavant), elle correspond à 350 euros par établissement.

« Aujourd’hui, on nous donne quelques moyens pour passer l’orage. Les établissements sont confrontés à d’importants problèmes de trésorerie. Pour les saisonniers, quoi qu’il se passe cet été, elle ne sera pas suffisante pour aborder la saison suivante. Certains se demandent déjà si ça vaut vraiment la peine de démarrer la saison. Ils risquent de ne pas ouvrir et le personnel de se retrouver sur le sable. Ceux qui ouvrent à l’année et conservent un noyau d’équipe ne pourront pas les payer, dans la mesure où d’octobre à Pâques ils fonctionnent sur la trésorerie. Il faudra plusieurs années pour la reconstituer », résume Alain Bretelle. D’autant plus que les professionnels sont unanimes : « Le plus dur reste à venir. On va vers l’inconnu ». La clientèle sera-t-elle au rendez-vous ? À Mont-de-Marsan, l’annulation du festival Arte Flamenco en juillet, et au mieux le report des fêtes de la Madeleine fin août auront un impact sur la fréquentation. À Biscarrosse, les annulations commencent à tomber pour juin. L’inconnue va également résider dans les attentes de la clientèle. « Nous avons un métier de service, de contact. Nous allons communiquer au maximum sur la sécurisation des protocoles d’entretien avec des produits spécifiques, mais il n’est pas question de casser les prix. Les charges, elles, seront toujours là », rappelle Frédéric Petiteville. 

« Nous avons déjà adressé nos fiches techniques au ministère de la Santé pour exercer nos métiers en garantissant la santé de nos salariés et de nos clients. Mais que se passera-t-il si l’un de nos salariés contracte le coronavirus ? », interroge Alain Bretelle. Bruno Le Maire a indiqué, travailler à un plan de relance spécifique au secteur du tourisme qu’il devrait présenter début mai. Mais, les premières pistes avancées sur l’ouverture d’une table sur trois dans les salles de restauration, un taux d’occupation de 50 % des chambres ou les laisser en jachère entre 48 heures et 72 heures entre chaque client… ne satisfont pas les professionnels. « Des mois d’août et de septembre à 50 % de taux d’occupation ne permettront pas de restaurer la trésorerie pour l’hiver, explicite Alain Bretelle. Comme pour les attentats du 11 septembre 2001 pour les mesures de sécurité dans les aéroports, dans les hôtels, il y aura un avant et un après la pandémie. La clientèle va regarder la technicité de mise en œuvre des mesures de sécurité. Il faudra s’adapter ».