Ils veulent, plus que jamais, être prêts à épauler et orienter les chefs d’entreprise en difficulté vers les dispositifs adaptés. Même s’il est encore difficile de prévoir précisément quel va être l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises, et notamment les plus petites, le réseau des 70 Centres d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) se prépare activement à faire face à un afflux de demandes, dans les mois à venir. En commençant par développer la communication pour mieux se faire connaître, y compris de la presse locale. « N’hésitez pas à faire des communiqués et des conférences de presse, à faire savoir aux journalistes que vous êtes le local de l’étape et que vous pouvez donner des informations sur le territoire », a ainsi lancé le président du CIP National, William Nahum, aux représentants des CIP territoriaux, au cours de la réunion annuelle du réseau national qui s’est tenue par visioconférence, le 26 juin dernier.
L’INFORMATION ET LA PRÉVENTION EN PREMIÈRES LIGNES
« Nous avons tous été surpris par l’arrivée de cette crise sanitaire », mais « même si certains tribunaux de commerce ont fermé, tous ont continué à fonctionner », a rappelé le président de la Conférence générale des juges consulaires de France, Georges Richelme, à cette occasion. « La continuité de la justice économique a été assurée grâce à nos greffiers », « au dévouement de nos juges », à « des outils numériques » et à un certain nombre de « dispositions dérogatoires », telles que « l’audience à juge unique et par tout moyen » et « la procédure sans audience ». Surtout, pour les tribunaux de commerce, « le grand sujet a été la prévention », et ce, dès le début de la pandémie.
De leur côté, les administrateurs et mandataires judiciaires ont mis en place un numéro vert animé bénévolement par des membres de la profession pour répondre à toutes les questions des entreprises sur les mesures gouvernementales (chômage partiel, fonds de solidarité, Prêt Garanti par l’État…). « 95 % des appels proviennent de petites entreprises de moins de 10 salariés », dont une grande majorité est issue des secteurs « de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce de détail », a souligné Christophe Basse, président du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ).
Les premières mesures prises par le gouvernement « ont permis d’apporter de l’oxygène pendant quelques mois », mais « il va falloir mettre en place de nouvelles actions », a pointé le président du CIP national, William Nahum. « Une très grande partie des acteurs économiques risquent de se retrouver à la fois débiteurs défaillants et créanciers impayés », a expliqué Georges Richelme. Pour « éviter les procédures de redressement qui risquent de bloquer le crédit interentreprises et d’avoir des effets en cascade sur les autres partenaires de l’entreprise, (…) nous avons proposé à la Chancellerie d’aménager une procédure de prévention, la conciliation, de façon à forcer les créanciers à discuter avec les débiteurs ».
L’article 2 de l’ordonnance du 20 mai 2020 permet désormais au président du tribunal d’interrompre ou d’interdire toute action en justice d’un créancier refusant de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure de conciliation et de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.
LES ENTREPRISES BIENTÔT FACE à UN MUR DE DETTES ?
Le nombre d’ouvertures de procédures collectives n’a, pour l’instant, pas enregistré de hausse significative en France. Mais les entreprises ne risquent-elles pas de se retrouver confrontées à un mur de dettes à l’automne, ou l’année prochaine ? « Non, je crois que tout va se faire dans le temps, sur un, deux ou trois ans », a répondu le président du CNAJMJ, Christophe Basse, et « je pense que l’effet sera beaucoup moins fort en France qu’ailleurs, et dans des proportions moins importantes qu’en 2009. » De même, « nous ne pensons pas voir venir de vague [de défaillances d’entreprises] en 2020 parce que les Prêts garantis par l’État sont prévus pour une durée d’un an », a relevé Charles-René Tandé, président de l’Ordre des experts-comptables, qui travaille désormais sur le plan de relance avec le ministère de l’Économie et des Finances.
Avec la crise, « on observe chez les chefs d’entreprise quelque chose de nouveau sur le plan psychologique », a pointé l’avocat spécialisé en droit des entreprises en difficulté, George Teboul. « Les freins habituels à la prévention [mandat ad hoc et conciliation] sont la peur et la honte », a-t-il rappelé. Or, du fait de la pandémie, « la crise déculpabilise » le chef d’entreprise parce qu’il ne se sent pas « responsable de l’échec ». De même, « le tribunal de commerce est de plus en plus perçu comme une aide », ce qui représente « une opportunité extraordinaire de développer la prévention ».
APPEL À LA MOBILISATION ET PROPOSITIONS EN FAVEUR DES TPE
Pour pouvoir faire face à un potentiel afflux de demandes, le réseau national des CIP souhaite mettre en place, dès septembre prochain, un dispositif exceptionnel pour soutenir les CIP territoriaux à assurer leur mission, qui consiste à informer et guider les chefs d’entreprise en difficulté sur les différentes solutions qui leur sont offertes. Pour ce faire, « nous allons faire appel au volontariat de tous, experts-comptables, avocats, anciens juges consulaires », a annoncé le président du CIP national, William Nahum.
En parallèle, le réseau vient d’émettre plusieurs propositions pour faciliter la sortie de crise. Il plaide notamment pour un droit des entreprises en difficulté spécifique aux TPE, car si les procédures de prévention fonctionnent bien pour les grandes entreprises, elles nécessiteraient « d’être adaptées » aux plus petites. Le CIP national propose également que l’État devienne un « actionnaire dormant » des entreprises qui vont rencontrer des difficultés à rembourser leur Prêt garanti par l’État (PGE), et de mettre en œuvre des moyens « pour que les investisseurs potentiels (banques, assureurs, fonds d’investissement…) puissent s’engager rapidement dans les entreprises endettées ». Ou encore « d’élargir les compétences des tribunaux de commerce » en créant des tribunaux ayant vocation « à juger des contentieux et des difficultés de toutes entités ayant une activité économique », y compris les artisans, les agriculteurs, les professionnels libéraux ou les associations, qui relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires.