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Saint-Sever – Béat devant le beatus

L’objet est unique et peu connu. Il est pourtant l’un des manuscrits les plus spectaculaires du Moyen Âge. Le musée d’art et d’histoire du Cap de Gascogne qui vient de rouvrir les visites jusqu’à fin octobre, propose la découverte de ce joyau enluminé du XIe siècle, créé à l’abbaye de Saint-Sever.

La « Mappa Mundi », somme du savoir géographique du XIe siècle Saint-sever

La « Mappa Mundi », somme du savoir géographique du XIe siècle © H. R.

Au commencement, il y avait la Bible et notamment son dernier chapitre, l’Apocalypse de Jean. Au VIIIe siècle, le moine Beatus de Liébana proposa un commentaire en latin. L’œuvre d’érudition, revenant sur le combat entre le bien et le mal, fait naître une trentaine de manuscrits. Tous sont hispaniques, sauf un, décoré à Saint-Sever, vers 1060.

DES PIGMENTS RARES

Dans le couvent des Jacobins de la ville, le musée d’art et d’histoire du Cap de Gascogne rénové dédie une salle à cet ouvrage exceptionnel à plus d’un titre. Il mesure 36,7 × 28,6 cm – des dimensions peu communes – et comporte 500 pages de parchemin reliées en cuir de veau, sur lesquelles a travaillé une équipe de moines. Il y avait là des copistes, des parchemineurs, des enlumineurs et des relieurs. Les enlumineurs utilisant des pigments de couleur pure, souvent organiques, venus des quatre coins de la planète, comme le blanc de plomb, le vert de gris, l’orpiment, le noir carbone, la dorure, ou des composés chimiques, tels que le sulfure de mercure et les bleus égyptiens de double silicate de calcium et de cuivre. Des techniques qui sont actuellement l’objet d’études grâce à des technologies de pointe.

« MAPPA MUNDI »

On dénombre au total dans l’ouvrage une centaine de peintures servant d’explication visuelle du monde et de l’histoire de l’humanité. La mappemonde, « Mappa Mundi », représentation de la terre physique et conceptuelle, qui se déploie sur deux pages, en est l’un des plus beaux exemples décoratifs. Unique par sa mise en forme, le nombre des toponymes, l’abondance et la longueur des légendes, elle est une somme du savoir géographique disponible au XIe siècle. Surtout, elle donne une position géographique centrale à l’abbaye de Saint-Sever qui s’y présente comme une nouvelle Jérusalem occidentale.

« GUERNICA » ET LE BEATUS

En dépit des vicissitudes de l’histoire, l’église abbatiale de Saint-Sever classée monument historique et au patri- moine mondial de l’Unesco, conserve encore d’importantes parties romanes dont certaines ont été manifestement inspirées par le Beatus. Après être passé entre plusieurs mains privées en Vendée, celui-ci a atterri à la Révolution française dans les collections de la Biblio- thèque nationale où il est conservé depuis. Sa force créatrice a également capté l’attention d’un certain Pablo Picasso qui, l’ayant vu lors d’une exposition parisienne, a repris des enluminures parlant de souffrance et de mort dans son chef-d’œuvre « Guernica », réalisé en 1937.

Musée d’art et d’histoire du Cap de Gascogne – Couvent des Jacobins rue du Général-Lamarque Saint-Sever Ouverture d’avril à octobre

 www.mahcapdegascogne.fr