Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Olivier Mathios : Dormir peut attendre

Le Dacquois Olivier Mathios, bassiste du groupe The Hyènes, est le nouveau programmateur du CaféMusic’ à Mont-de-Marsan. Un choix comme une évidence.

Olivier Mathios © Leslie Leblond

« J’ai dit oui, j’ai réfléchi après. » Oui mais comment refuser, quand les 56 années de votre vie ont en partie été dédiées à la musique. Côté scène, comme bassiste des groupes Ten Cuidado, Les Timides ou The Hyènes, et côté coulisses, dans les rouages d’une association telle que Landes Musiques Amplifiées (LMA) qui n’a eu de cesse de promouvoir les musiques actuelles. Le nom d’Olivier Mathios s’est imposé comme une évidence pour assurer la programmation du CaféMusic’, dont la salle de spectacles de 500 places, ultra-performante, ouvrira à l’automne après trois ans de travaux. Un argument de plus pour accepter le challenge et avoir terriblement envie d’écrire cette nouvelle page de l’institution montoise, dont son frère Patrick, décédé en 1998, fut le premier directeur. Son frère, son mentor, à qui il piquait ses premiers disques, chez eux à Dax qui n’était pourtant pas la capitale du rock and roll, mais où tout a commencé.

CHEZ LUI, À DAX

« Oui Dacquois. C’est mon bled. Je râle toujours après, mais la seule chose qui importe quand je suis loin, c’est d’y revenir. » Olivier Mathios a l’habitude d’être « charrié » sur le sujet, mais c’est comme ça. Où qu’il soit en concert le week-end, il regarde les résultats de l’USD. Né dans une famille de mélomanes, il prend la vague rock en pleine figure. Son frère est batteur, lui deviendra bassiste en prenant quelques cours, mais surtout en jouant sur les disques qu’il aime, dont cet album culte, Morrison Hotel des Doors, dont il connaît la moindre note. Et puis viendront ACDC, la vague punk, les Cure, les Stranglers. Jusqu’à la première expérience de groupe, inspirée du foisonnement des années 1980-1990 : le rock basque, la Mano, le rock français alternatif mâtiné d’influences plus traditionnelles version Dr Feelgood.

UNE ÉPOQUE FORMIDABLE

Inutile de dire que la musique a fait la peau des études. Le bac est mort, vive le groupe Ten Cuidado qui remporte le tremplin rock de Tartas, lui permet d’enregistrer un premier 45 tours et d’envisager une tournée sur scène. Résultat : une centaine de concerts par an, en France et au-delà. « Cela a duré deux trois ans, mais c’est une époque qui a beaucoup compté pour tout ce qu’on fait maintenant. »

L’ENVERS DU DÉCOR

Et chacun a continué sa route. Celle d’Olivier rejoint le groupe punk-rock Timides. Cela dure cinq ans jusqu’à ce qu’il ressente une forme de fatigue. « Et quand je n’ai plus rien à dire, je ferme ma gueule. » Par chance, Il rencontre alors l’équipe de LMA qui lui propose de devenir leur coordinateur pédagogique et artistique. « Je suis resté 14 ans avec eux. J’ai appris l’envers du décor, à programmer des concerts, à accompagner les projets de groupes, mais aussi les collectivités et les associations qui voulaient organiser des concerts. C’était passionnant. »

Au fil des projets, il rencontre un certain Denis Barthe, batteur de Noir Désir. L’occasion de se faire un petit délire « basse batterie », comme ça pour le plaisir. Le « mal » est fait. Il intègre le groupe The Hyènes tout juste créé. « Je suis remonté dans le camion à plein temps. Je suis redevenu intermittent du spectacle. Jouer c’est ma vie. » Exaltant mais pas toujours facile, lorsque l’on a aussi construit une famille. « Oui c’est du sport parce que ce sont des métiers qui demandent tellement d’énergie et d’implication. En tournée on est dans un autre univers. Quand on revient à la maison, ça remet les choses à leur place. »

Cette année marquera donc le 20e anniversaire de l’aventure commencée avec The Hyènes, avec un nouveau disque en préparation, des festivals d’été et même une tournée des Cercles de Gascogne. Cela aurait déjà suffi à notre homme s’il n’y avait eu cette nouvelle aventure du CaféMusic’. Travailler sur une programmation, ce n’est évidemment pas imposer la liste de ses envies. « C’est un travail d’équipe même si on y met toujours sa patte. » Le mot d’ordre de son cahier des charges, c’est l’éclectisme, la diversité des courants et des esthétiques. Le tout avec un objectif de plusieurs concerts par mois, dans la salle principale, mais aussi dans l’espace à la jauge plus réduite qui la jouxte, pour des spectacles plus intimes, des résidences d’artistes, et enfin, du « hors les murs » car en étant provisoirement apatride le CaféMusic’ a tissé des liens à l’extérieur.

Et puis le CaféMusic’ ne se résume pas à des concerts, mais inclut tout un travail de médiation culturelle, une rock school avec ses 300 adhérents, des travaux en ateliers de pratique musicale pour des publics empêchés. Depuis plusieurs semaines, Olivier Mathios prend ses marques sans oublier qu’il devra assurer une vie de musicien avec The Hyènes. Il sourit : « Il y a un titre du groupe qui est : On dormira quand on sera mort ! ».

PAS UN PETIT PAYS

Mais l’exaltation du projet l’emporte. Et ne lui dites pas que le terreau musical des Landes serait infertile. « On est un petit pays qui a quand même vu naître deux groupes internationalement connus comme The Inspector Cluzo et Gojira. C’est pas si mal. Il y a autant d’énergie qu’ailleurs, il suffit de les mettre en valeur. Pour ça, on bénéficie d’une belle dynamique en termes d’opérateurs, d’aides, tout le dispositif d’émergence qu’est le XL Tour. On se rend compte qu’on a une scène très vivace avec l’an dernier, pas moins d’une cinquantaine de groupes candidats sur la nouvelle édition. »

Alors oui, Ça s’arrête jamais – autre titre des Hyènes -, d’autant que le bassiste œuvre avec deux autres groupes, Kartel, également rock et Nude totalement acoustique. Ce qui ne l’empêche pas de s’endormir tous les soirs avec un casque sur les oreilles, où se case invariablement un Gainsbourg ou un Bowie des années 1970. « Mon pire cauchemar serait de devenir sourd. »