Couverture du journal du 23/03/2024 Le nouveau magazine

Maison Barthouil : le goût de l’excellence

Alors que la Maison Barthouil, spécialiste du saumon fumé et du foie gras landais, inaugure sa nouvelle boutique à Peyrehorade et prévoit l’ouverture d’un musée au printemps prochain, Pauline et Guillemette Barthouil prennent petit à petit les rênes de l’entreprise familiale fondée en 1929. Avec le ferme objectif de préserver le savoir-faire qui lui a valu de décrocher le label Entreprise du Patrimoine Vivant en 2021.

Guillemette et Pauline Barthouil se répartissent naturellement les tâches à la tête de l'entreprise

Guillemette et Pauline Barthouil se répartissent naturellement les tâches à la tête de l'entreprise © Bernard Dugros

« On bon saumon est un saumon dont on se rappelle ! » Voilà le premier enseignement de la Maison Barthouil qui accueille les gourmets dans sa nouvelle boutique de 60 m2, à Peyrehorade. « Le cœur et l’émotion suffisent à savoir si c’est un bon produit. Le temps s’arrête, on déguste quelque chose de différent grâce à la saveur fondante du poisson, un peu de longueur en bouche et une texture parfaite », explique avec passion Pauline, l’aînée des deux sœurs Barthouil. Cette nouvelle adresse située à 30 mètres du site de production, met en avant les signatures de la marque – saumon, foie gras, tarama – et les dernières recettes de la maison créées par Guillemette : un saumon d’élevage français provenant de Normandie, l’emblématique terrine de lièvre à la royale et une nouvelle gamme de conserves de canard maturé une semaine sur carcasse qui développe son goût et sa tendreté.

Pour concevoir ce lieu chaleureux, « installé dans la première maison des années 1930 bâtie dans le quartier », les deux sœurs ont travaillé avec le Collectif Encore, agence d’architectes du Béarn. « Nous voulions déplacer la boutique, créée par mon père au rez-de chaussée de l’usine, dans un espace adapté pour mettre davantage nos produits en valeur et amener une vraie expertise aux visiteurs », précise Pauline Barthouil.

Un premier investissement d’envergure pour les représentantes de la troisième génération des Barthouil qui, depuis le départ à la retraite de leur père Jacques en 2015, apprennent au côté du directeur général Laurent Hagneré, les secrets de la gestion de cette entreprise pas comme les autres.
« Quand mon père a décidé d’arrêter, nous n’étions pas tout à fait prêtes à prendre la suite. Il a donc recruté un directeur général. Il s’est énormément investi. C’est lui qui nous permet de faire la transition pas à pas, en partageant ce qu’il a appris sur le terrain. Il nous forme, à la direction générale pour ma sœur et à la partie commerciale pour moi. On n’en serait pas là sans lui », souligne Pauline Barthouil.

MAISON BARTHOUIL EN CHIFFRES

7,5 millions d’euros de chiffre d’affaires 35 salariés

2 points de vente à Paris et un réseau de 600 revendeurs dans toute la France, composé uniquement de commerces traditionnels (boucherie, charcuterie, fromagerie, poissonnerie, caviste, épicerie).

LE PRODUIT, SOCLE DE L’ENTREPRISE

Aujourd’hui, le trio prépare cette fois le départ à la retraite de Laurent Hagneré. « Les choses chez nous se font toujours doucement. On réfléchit à l’avenir et à ce qu’on veut amener. Notre entreprise existe car elle a un produit différent et c’est là notre socle. » Ici, il faut compter huit jours pour révéler le goût du poisson, avec une production de 100 tonnes de saumon fumé par an, soit le volume produit en une journée dans l’industrie. L’entreprise est, en effet, la seule en France à réaliser l’ensemble de la production à la main (écaillage, filetage, salage…) avec une seule technique de fumage quel que soit le produit. Un processus artisanal qui frôle l’orfèvrerie tant chaque geste, chaque détail est déterminant.

« C’est notre stratégie d’entreprise. On fume les saumons sur mesure. Cela demande une exigence quotidienne folle. Tous les matins, il faut sentir, toucher, regarder la peau et faire fonctionner ses sens pour vérifier le fumage. » Un savoir-faire qui lui a valu d’être labellisée « producteur artisan de qualité » par le Collège culinaire de France en 2015 et de recevoir le label Entreprise de Patrimoine Vivant en 2021. Elle bénéficie aussi d’une audience nationale et d’une présence sur les tables de chefs aussi renommés qu’Aurélien Largeau de l’hôtel du Palais, Hélène Darroze, Philippe Etchebest ou Julien Duboué.

DU BON SENS PAYSAN

L’autre moitié de l’activité de la Maison Barthouil est consacrée au canard dont elle s’applique à valoriser chaque partie pour fabriquer foie gras, magret, rillettes, cassoulet. « On n’est pas là pour élever des canards qui font uniquement des foies gras et des magrets et brader le reste. C’est du bon sens paysan. Si on veut continuer à manger un peu de viande demain, on doit respecter l’animal. »

La maison transforme 30 000 canards par an et travaille avec cinq producteurs sous contrat, situés à moins de 40 km, en Chalosse et dans les Pyrénées-Atlantiques.

« Avec un cahier des charges très strict, le but est aussi de redonner le goût aux producteurs d’élever du canard de qualité. »

Très impactée par la crise aviaire, la Maison Barthouil a moins produit : « On fait le choix de ne pas se fournir ailleurs quand nos éleveurs n’ont pas de canard. » Alors il y aura forcément moins de canard à Noël, mais Pauline et Guillemette s’engagent sur un produit unique et c’est déjà un vrai challenge.

« Donner du plaisir aux gens qui dégustent nos produits et à ceux qui travaillent avec nous, créer un cercle vertueux autour d’une entreprise, voilà notre ambition. »

Les choses chez nous se font toujours doucement

DEUX SŒURS, DEUX EXPERTISES

Dans l’entreprise depuis 10 ans, les deux sœurs, Pauline, 39 ans, et Guillemette, 34 ans, ont d’abord tenu à apprendre le métier poste après poste. Pauline a commencé par être commerciale tandis que Guillemette écaillait les saumons avant de reprendre la direction de la production.

Complémentaires, elles se répartissent naturellement les tâches. Guillemette s’occupe de la partie produit, création des nouvelles recettes et Pauline travaille le commerce et l’image. Avant de se lancer, les deux sœurs ont parcouru le monde et enrichi leurs expériences. « Mon père nous amenait, petites, dans les fumoirs le dimanche. On sentait l’odeur, on regardait… On avait cela dans le sang, mais on avait envie d’aller voir ailleurs. » Après un diplôme d’ingénieur agronome, Pauline part en Amérique du Sud et travaille dans le café et le commerce équitable, puis à l’ambassade du Brésil pendant deux ans. Guillemette, quant à elle, passe un master à l’université de sciences gastronomiques de slow food en Italie et poursuit avec un master de géographie de l’alimentation à la Sorbonne. Elle part alors deux ans au Danemark au sein du laboratoire de recherche du prestigieux restaurant le Noma.

« FAIRE CE QUE L’ON SAIT ET QUE L’ON AIME FAIRE »

Cette année, la maison doit également gérer la hausse du prix des matières premières : saumon, bocaux, packaging, coût de l’énergie.

Toute la difficulté est de trouver l’équilibre entre une production de qualité et le développement de nouveautés. « On essaie, on voit ce que ça donne et on s’adapte. Notre objectif est avant tout de continuer à faire ce que l’on sait et ce que l’on aime faire. » Un long travail de recherche et de mise en valeur du produit qui nécessite du temps. « La modification du temps de salage de nos saumons nous a pris deux ans. Dans la recette de cassoulet, nous avons revu toutes les températures de cuisson des haricots pour qu’ils soient plus croquants, après avoir construit une légumerie en 2016 quand on a refait la conserverie. »

Un musée de 100 m2 au printemps 2023 dans l’annexe de la boutique.

Les deux entrepreneuses débordent d’idées, mais avancent prudemment. Leur prochain projet, soutenu par la région Nouvelle-Aquitaine et le département des Landes, verra le jour au printemps 2023. Elles préparent la création d’un musée de 100 m2 dans l ’annexe de la boutique.

« Nous déplaçons le petit musée que mon père avait créé dans un espace moderne, plus grand et interactif afin d’accueillir des scolaires et transmettre l’histoire de ce patrimoine lié aux Landes. » Un bel outil dédié à la tradition du canard, la migration du saumon et l’importance des Gaves sur l’économie du territoire.

Maison Barthouil

© Maison Barthouil

UN TERROIR DE SAUMON

L’entreprise est spécialiste du saumon sauvage atlantique : Norvège, Adour, mer Baltique et Écosse, mais produit aussi du saumon d’élevage. Chaque année, la famille Barthouil va choisir ses saumons d’élevage, bio ou sauvages. 50 % du résultat dépend de la qualité de la matière première. Les poissons sont tous fumés de la même manière avec du bois d’aulne des barthes (fourni par le sabotier de Saint-Étienne-d’Orthe) et salés à la main avec du sel de Salies-de-Béarn pour développer le goût propre à chacun. La Maison Barthouil, continue à produire du saumon sauvage de l’Adour, « au goût fabuleux », mais le produit est rare et la production est infime avec un prix au kilo qui s’envole (comptez environ 20 à 25 euros la tranche).

L’HÉRITAGE DES TRADITIONS

L’histoire de la Maison Barthouil commence au bord du fleuve Adour et des Gaves Réunis à Peyrehorade. Gaston Barthouil, le grand-père, ouvre sa charcuterie à 32 ans. « Mon grand-père faisait du confit et du foie gras. C’était aussi un amoureux de la rivière. » Il a l’idée de fumer les premiers saumons de l’Adour. Grâce à des contacts parisiens, l’audacieux Landais part au Danemark pour apprendre la technique ancestrale du fumage. Il en ramène le savoir-faire du fumage à l’ancienne et les plants du fumoir. « 60 ans après, on fume toujours selon cette technique traditionnelle danoise. » Dans les années 1990, son fils Jacques fait le choix de rester artisanal à l’heure de l’industrialisation. Son équipe le suit et le geste artisanal devient la marque de fabrique de la maison. Jacques fait évoluer l’entreprise et décide de fabriquer du tarama, encouragé par son épouse Françoise. En quelques années, il devient le troisième produit phare de la maison.