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Interview avec Jean-Luc Lafenêtre, président de la communauté de communes du Pays grenadois

Retraité du monde agricole, Jean-Luc Lafenêtre, président de la communauté de communes du Pays grenadois et maire de Maurrin, éclaire les enjeux à venir pour l’attractivité de ce territoire « rural et convivial », entre opération de l’habitat à Grenade-sur-l’Adour, création d’une école de musique, poursuite d’un grand projet agrivoltaïque, passage du Tour de France et mise en avant de l’insolite chapelle Notre-Dame du rugby avant la Coupe du monde.

Jean-Luc Lafenêtre, président de la communauté de communes du Pays grenadois et maire de Maurrin

Jean-Luc Lafenêtre, président de la communauté de communes du Pays grenadois et maire de Maurrin © Patxi Beltzaiz

Les Annonces Landaises : Comment définir la communauté de communes du Pays grenadois pour les novices ?

Jean-Luc Lafenêtre : La communauté de communes du Pays grenadois se caractérise par sa petite taille, avec 11 communes et un peu plus de 8 000 habitants : Grenade-sur-l’Adour a 2 500 habitants, Cazères-sur-l’Adour 1 000, toutes les autres entre 80 et 800. C’est un territoire rural, en proximité avec les habitants, où la convivialité nous a toujours sauvés !

Nous sommes entourés par de grosses collectivités comme Aire-sur-l’Adour, Chalosse Tursan (Saint-Sever) et le Marsan. Nous sommes là, au milieu, à faire notre place depuis 1999, date de la création de notre intercommunalité par Pierre Dufourcq à qui j’ai succédé en 2020. C’était un très grand bâtisseur qui a toujours voulu travailler dans le consensus.

Être 11 « petits », « tan petit tan hardit » comme on dit en gascon, fait notre force, cela nous permet de travailler en sérénité et bonne intelligence, avec des facilités financières par rapport à d’autres. On se bat pour parler de territoire, Lussagnet a autant le mérite d’exister que Grenade. Et tous nos projets avancent dans le même sens. Le budget a encore une fois été adopté à l’unanimité cette année, malgré des identités politiques différentes.

communauté de communes du Pays grenadois

La première pierre de l’école de musique (1,2 million d’euros), avec panneaux photovoltaïques en autoconsommation, a été posée en fin d’année © D. R.

LAL : Et du côté des entreprises ?

J.-L. L. : Le Pays grenadois accueille sur son territoire des entreprises très importantes comme Bernadet (BTP) et Frema (matériel agricole) à Grenade, Soléal (légumes) à Bordères, Terega (stockage de gaz) à Lussagnet, qui nous apportent quelques finances pour pouvoir mener des projets pour le territoire… Nous avons aussi un tissu artisanal de qualité. Au dernier recensement, 300 entreprises étaient déclarées, incluant les micro-entrepreneurs, avec beaucoup de services.

Notre zone d’activités de Guillaumet, montée en 2008 à Grenade a, elle, eu du mal à démarrer. Depuis le Covid, il y a des projets, ça repart doucement. Le Sictom du Marsan (ordures ménagères) auquel nous adhérons, est venu y monter une déchetterie et plusieurs artisans s’y sont installés. Il y a 9 hectares de terrains disponibles dont trois viabilisés. Nous avons d’ailleurs une chargée de mission qui s’occupe du développement économique du territoire.

LAL : Dans ce territoire rural, des agriculteurs se sont unis pour créer le grand projet agrivoltaïque Terr’Arbouts. Comment la communauté de communes s’est-elle positionnée ?

J.-L. L. : Le projet touche trois communes : Maurrin, Castandet et Le Vignau. L’idée est partie d’agriculteurs à qui on a demandé de changer de méthodes (arrêt des intrants chimiques) pour que la population accède à une eau de meilleure qualité. C’est soit l’utilisation de produits bio, soit le zéro phyto. Face à ce constat et compte tenu de la nature des sols, c’était la perte des agriculteurs. Avec ce projet, les ressources indirectes de l’électricité issue du photovoltaïque viendront en complément de leur rendement agricole plus faible.

Il faut faire attention à ne pas faire n’importe quoi avec le photovoltaïque

L’ensemble des élus communautaires est vigilant sur ce projet : il faut faire attention à ne pas faire n’importe quoi avec le photovoltaïque en termes de changement paysager [à Maurrin, plus de 10 % de la surface du village accueillera des panneaux, NDLR], de pratique de chasse, d’équilibre de l’environnement, de maintien de l’activité agricole, etc. Les agriculteurs ont fait preuve d’intelligence : ils ont décidé de mutualiser la ressource financière que vont générer les panneaux car certains peuvent en avoir sur leurs parcelles, d’autres pas, ils ont fait pot commun afin que tout le monde se retrouve dans ce projet agricole très ambitieux, en lien aussi avec les entreprises locales (Aqualande, Protifly, Oléandes, etc.) dans un système d’économie circulaire.

La communauté de communes est impactée au travers du PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) qui doit être modifié pour indicer les parcelles agricoles de la mention « PV » pour photovoltaïque. La nature des parcelles reste « Agricole ».

communauté de communes du Pays grenadois

Le grand projet photovoltaïque Terr’Arbouts touche trois communes : Maurrin, Castandet et Le Vignau © J. D.

LAL : Qu’en est-il de la transmission d’exploitations agricoles sur le territoire ?

J.-L. L. : L’agriculture est très importante sur le secteur. Il y a de moins en moins d’élevages bovins, pareil pour les palmipèdes, certains producteurs proches de la retraite ont arrêté avec les crises aviaires. Nous sommes en réflexion avec le PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) Adour Chalosse Tursan qui regroupe six communautés de communes, sur la question de la transmission des exploitations, pour mettre en avant, avec la chambre d’agriculture, la Safer et Agrobio40, les possibilités de rencontres entre exploitants proches de la retraite et nouveaux arrivants dans le métier. Sur des projets bien spécifiques, nous pouvons aider à l’installation avec des fonds européens.

Le Pays grenadois est aussi territoire pilote pour ce qui est du foncier lié aux friches afin de les remettre en valeur et en culture. Nous avons ainsi un projet Etal 40 [Espace test agricole, dispositif départemental d’accompagnement pour les futurs exploitants agricoles, NDLR] qu’on espère voir aboutir cet automne pour acquérir 3 hectares de terre et ainsi accueillir deux maraîchers sur Grenade.

LAL : Comment avance le projet de redynamisation Petites villes de demain dont bénéficie Grenade-sur l’Adour ?

J.-L. L. : Nous venons de signer une convention avec la ville de Grenade, le conseil départemental et l’État. Nous avons partagé les compétences d’un chef de projet avec la communauté de communes de Villeneuve-de-Marsan qui nous ressemble, pour avancer dans la redynamisation des centre-bourgs. En dynamique et en bonne intelligence, la ville de Grenade va s’occuper de la redynamisation de son centre, et la communauté de communes va prendre tout ce qui concerne l’habitat. Nous lançons en juillet une opération programmée de l’habitat vers les propriétaires bailleurs et occupants avec des aides intéressantes cumulables avec celles de l’État.

Après enquête de Soliha [acteur associatif de l’habitat privé à vocation sociale, NDLR], on sait qu’il y a une vacance très importante dans les centres-bourgs de Grenade, Cazères et Larrivière, qui dépasse les 13 %, avec un potentiel de logements à réhabiliter. Il faut encourager les propriétaires à faire des travaux de rénovation énergétique et d’adaptation. La location à des prix modérés par la suite doit permettre d’attirer de nouveaux habitants, des jeunes couples qui veulent fonder une famille et trouver leur premier logement !

Nous réfléchissons aussi avec des entreprises du territoire qui sont à la recherche de logements pour leurs salariés qui parfois viennent de Pau chaque jour. Avec trois quarts d’heure de route, les jeunes ne restent pas.

Il est aussi question d’acquérir un espace commercial pour le louer, et ainsi accompagner le lancement d’une activité commerciale. Un projet de Maison de santé est aussi en cours pour attirer de nouveaux médecins et accompagner les professionnels de santé dans leur pratique. Notre intérêt est d’accueillir des internes et leur donner envie de rester sur le territoire. Pas de plage ni de surf ici, à moins de trouver une grosse vague sur l’Adour… mais nous comptons les attirer par le bien-vivre ensemble, les activités nature, nos fêtes, et toute la convivialité qui fait notre spécificité et notre ADN.

LE PAYS GRENADOIS EN CHIFFRES

11 communes : Artassenx, Bascons, Bordères-et-Lamensans, Castandet, Cazères-sur-l’Adour, Grenade-sur-l’Adour, Larrivière-Saint-Savin, Le Vignau, Lussagnet, Maurrin et Saint-Maurice-sur-l’Adour

8 059 habitants Budget : 9,6 millions d’euros en fonctionnement et 4,2 millions en investissement

29 élus et 80 salariés

LAL : La création d’une crèche et la construction d’une nouvelle école de musique participent aussi à cette attractivité…

J.-L. L. : Nous disposons d’un relais d’assistantes maternelles et constatons une baisse du nombre de places d’accueil. Si on veut accueillir de nouvelles populations, les services doivent suivre et les familles doivent avoir le choix pour la garde des enfants, une crèche est indispensable, on espère être sur la construction en 2024.

La première pierre de l’école de musique (1,2 million d’euros), avec panneaux photovoltaïques en auto-consommation, a été posée en fin d’année pour accueillir sur un seul site tous nos élèves, jusqu’alors éparpillés dans plusieurs salles et au centre de loisirs. Cela va apporter des projets nouveaux d’animations et attirer les familles. Déjà, on sent un engouement : on est passé cette année de 85 à 110 élèves accompagnés par 10 professeurs, personnels de la communauté de communes. Et cela rejaillit ensuite sur les bandas locales.

En termes d’animations, le Tour de France qui passe par Saint-Maurice, Grenade et Maurrin, le 4 juillet, est attendu par beaucoup : on va faire profiter les enfants de la caravane et du passage des cyclistes. On va donner une dynamique avec l’office de tourisme autour de l’événement. Tout comme on le fera pour la Coupe du monde de rugby, en septembre, avec une « coupe du monde des écoles du territoire » pour des rencontres festives. Ce sera l’occasion de mettre en lumière la chapelle Notre-Dame-du-rugby à Larrivière-Saint-Savin.

Nous lançons en juillet une opération programmée de l’habitat vers les propriétaires bailleurs et occupants avec des aides intéressantes cumulables avec celles de l’État

UN FORUM DES MÉTIERS AVEC LES JEUNES

Une enquête a été récemment lancée localement pour « mieux savoir ce que les jeunes attendent sur le territoire », au travers d’un questionnaire ouvert à tous.

Le conseil communautaire des jeunes est déjà très dynamique : ils ont gagné l’an passé le Budget participatif citoyen des Landes pour créer un skatepark. Ils ont aussi lancé un premier Forum des métiers avec les professionnels et entrepreneurs locaux qui verra sa deuxième édition en octobre prochain : « C’est une initiative extraordinaire pour faire connaître les métiers, selon Jean-Luc Lafenêtre. Les jeunes, j’y crois beaucoup. Quand j’étais jeune, on m’a fait confiance, j’essaie de redonner autant. »