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Filière bois – La Compagnie des Landes protège sa forêt

Incontournable dans le secteur du Born, la Compagnie des Landes est quasi inconnue du grand public. Pourtant le groupement forestier approvisionne les plus grandes entreprises landaises de la filière bois et multiplie les actions pour préserver l’environnement.

Landes

© Bernard Dugros

Une fiche succincte sur Wikipédia et une mention sur le site de la mairie de Pontenx-les-Forges où elle est installée. Ce sont à peu près les seules informations disponibles en ligne à propos de la Compagnie des Landes. D’ailleurs, en dehors du Born, peu la connaissent.

Pourtant, le groupement forestier, créé en 1834, est un incontournable de la filière bois. Gestionnaire et exploitante de 17 000 hectares de peuplements, cette société détenue par la Caisse des dépôts compte les plus grandes entre prises landaises du secteur parmi ses clients. Gascogne, Smurfit, Egger, FP Bois, Archimbaud, Beynel, Rayonnier… toutes s’approvisionnent auprès d’elle pour faire tourner leurs usines. Elle vend ainsi 80 000 m3 à 100 000 m3 de bois par an. « Uniquement à des industries landaises », précise Myriam Rondet, sa directrice. La Copagnie des Landes, c’est le bois en circuit court : en moyenne, les camions de livraison parcourent seulement une trentaine de kilomètres.

Myriam Rondet, Directrice de la Compagnie des Landes

Myriam Rondet, Directrice de la Compagnie des Landes © Bernard Dugros

L’ENGAGEMENT DE LA CAISSE DES DÉPÔTS DEPUIS 60 ANS

L’attachement au territoire est viscéral pour ce groupement forestier. En près de 200 ans, son action a profondément modelé le secteur du Born et de la Grande Lande.

Au XIXe siècle, la Compagnie des Landes exerce de multiples activités, au premier rang desquelles la sidérurgie. Propriétaire des forges de Pontenx, elle emploie alors une centaine de personnes qu’elle loge. Les ouvriers pratiquent également l’agriculture dans la continuité du métayage. Parallèlement, la sylviculture se développe et l’exploitation de la résine fait la richesse du site.

Tout change au début du XXe siècle. Les forges sont abandonnées après la Première Guerre mondiale. Et après la Seconde, un mouvement de substitution s’opère en forêt. Les pins ne servent plus à produire de  l’essence de térébenthine, mais sont vendus aux usines de trituration et aux scieries.

En 1963, la Caisse des dépôts devient actionnaire majoritaire et recentre l’activité sur un objet unique : la forêt. À ses côtés, quelques familles landaises sont aussi actionnaires. Aujourd’hui, l’entreprise compte 17 salariés.

Ses axes de travail ne concernent cependant pas que les arbres.

« Notre cœur de métier, c’est la forêt. Mais nous sommes insérés dans un territoire, souligne Myriam Rondet. L’habitat, les forges, les sites naturels tels que les lagunes ou les ripisylves… nous ne pouvons pas occulter ces milieux auxquels nous sommes adossés. Ils sont des éléments essentiels dans notre gestion au quotidien et la préservation des écosystèmes forestiers landais. »

La Compagnie des Landes, c’est le bois en circuit court : en moyenne, les camions de livraison parcourent seulement une trentaine de kilomètres.

PARTENARIATS AVEC LES ACTEURS DE LA RECHERCHE FORESTIÈRE

De nombreux partenariats sont donc noués avec les acteurs de la recherche forestière (Institut national de la recherche agronomique, institut technologique Forêt cellulose bois-construction, ameublement, Centre régional de la propriété forestière, Parc naturel régional des Landes de Gascogne…), ainsi qu’avec des écoles (lycée de Sabres, Bordeaux Sciences Agro, université de Poitiers…). Une action est également engagée avec le département pour la gestion des lagunes, ces écosystèmes emblématiques des Landes de Gascogne.

Les abords du siège de la Compagnie accueillent un rucher et sont entretenus de manière extensive par des chevaux. Un rapprochement avec le Conservatoire national des races d’Aquitaine a même été engagé pour introduire d’autres animaux.

Et l’entreprise accueille pour trois ans Émilie Ropert-Dupont. Cette doctorante en CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche) réalise une thèse en géographie sur l’airial landais.

Le patrimoine de la Compagnie des Landes est large : des logements ouvriers, des airials qui accueillaient des bergers et permettaient de surveiller la forêt, d’anciennes cabanes de chasse, mais aussi le château du maître des forges et même une chapelle qui n’est aujourd’hui plus consacrée. « Nous possédons une soixantaine de bâtiments », reprend Myriam Rondet. Ceux qui restent accueillent les bureaux de l’entreprise, sont loués ou attendent de trouver une nouvelle destination. Mais tous sont entretenus pour conserver l’héritage du passé.

En près de 200 ans, l’action de la Compagnie des Landes a profondément modelé le secteur du Born et de la Grande Lande

ARBORETUM DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Si le temps semble suspendu au siège de la Compagnie des Landes, le groupement forestier n’en est pas moins tourné vers l’avenir.

« Nous avons fait évoluer nos pratiques, reconnaît Myriam Rondet. En effet, depuis une vingtaine d’années, le changement climatique a engendré une fréquence plus élevée des événements exceptionnels. À 10 ans d’intervalle, nous avons déjà subi deux tempêtes, dont le groupement s’est relevé. »

Pour « avoir les pratiques forestières les plus vertueuses et augmenter la résilience du massif », la Compagnie est proactive. Dès 2007, elle a ainsi créé l’arboretum du changement climatique. Dix espèces de feuillus et dix espèces de résineux y ont été implantées pour observer leur évolution.

« Ces actions s’inscrivent dans notre doctrine de long terme et notre engagement pour l’intérêt général, insufflé par la Caisse des dépôts. » Seize ans plus tard, les résultats sont flagrants : certains arbres se dressent fièrement à plus de 15 mètres du sol, tandis que d’autres sont pourrissants et rabougris… quand ils n’ont pas tout simplement disparu !

« Au niveau des résineux, l’essence la plus adaptée aux sols landais reste le pin maritime. Néanmoins, certains feuillus constituent des pistes intéressantes pour de la diversification par petites touches. » Sans surprise, le chêne-liège, espèce endémique, se comporte bien. Lors des coupes rases, il est conservé sur les parcelles et de plus en plus implanté en lisière de forêt, tout comme le chêne vert qui donne également de bons résultats.

Les tilleuls, les érables, les charmes et les châtaigniers, eux, ont périclité. En revanche, l’eucalyptus semble se plaire dans l’arboretum. Les troncs ont atteint 20 mètres de haut !

« Nous avons planté 200 hectares pour expérimenter la diversification opérationnelle à destination des industries du papier. »

Mais le pin maritime reste le seigneur incontesté de la lande. Ce qui n’empêche pas quelques adaptations et recherches.

Dans l’arboretum du changement climatique, 10 espèces de feuillus et 10 espèces de résineux ont été implantées pour observer leur évolution

RISQUE INCENDIE : UNE PRIORITÉ

Les enseignements de l’arboretum du changement climatique servent notamment à promouvoir la bio-diversité dans les parcelles. En plus de conserver tous les feuillus lors des coupes rases, des lisières de feuillus sont implantées au moment des reboisements. « Il y a encore 10 ans, très peu d’acteurs forestiers le faisaient. »

La Compagnie des Landes est très vigilante au risque incendie et aux méga-feux. « Limiter au maximum le risque incendie est une priorité », insiste Myriam Rondet. Tous les ans, les bords de route sont mis à la terre pour éviter les départs de feu provoqués par les mégots des automobilistes imprudents ou des pyromanes. Et les peuplements sont débroussaillés au rouleau landais à trois, sept, 13 ans, puis tous les sept ou huit ans.

« Voire plus si le besoin s’en fait sentir. » Cet entretien minutieux porte ses fruits. Mais l’été dernier, les incendies ont détruit plus de 30 000 hectares du massif dans son ensemble. La Compagnie des Landes a, quant à elle, perdu 90 hectares.

AUX PETITS SOINS DE L’ÉTANG

En 2014, la Compagnie des Landes a entrepris de restaurer la continuité écologique de l’emblématique étang de Pontenx. Créé au XVIIIe siècle pour alimenter les forges, le plan d’eau artificiel est aujourd’hui propriété du groupement.

Or, le barrage entrave la circulation des anguilles.

« Nous aurions pu détruire le barrage pour retrouver le ruisseau d’origine : le Canteloup, note Myriam Rondet, directrice du groupement forestier.

Mais l’étang constitue une telle part de l’identité de la commune qu’il allait de soi de le préserver. » Sur le papier, les travaux paraissent simples : installer une passe à anguilles sur le barrage pour en faciliter le franchissement. Dans la réalité, cela nécessite un dragage et une vidange de l’étang avant de pouvoir rénover l’ouvrage hydraulique. « Nos actionnaires ont très vite pris la mesure de l’impact sur la biodiversité et ont choisi de faire les choses de manière exemplaire. »

Après une concertation avec les acteurs du territoire et de nombreuses études environnementales, les travaux ont été engagés en octobre 2022. En quatre mois, 30 000 m3 de sédiments ont été extraits du plan d’eau qui n’avait pas été dragué depuis les années 1970. Le chantier se poursuivra de juillet à novembre 2023. Cette fois, il s’agira de mettre l’étang à sec. Seul le Canteloup poursuivra son cours jusqu’à l’étang d’Aureilhan, le temps de réaliser les travaux nécessaires sur le barrage. « Nous avons été très attentifs à toutes les mesures environnementales.

Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour préserver ce milieu situé en zone Natura 2000*. » L’investissement est en tout cas conséquent. Le budget prévisionnel de 2 millions d’euros sera dépassé du fait de l’inflation.

* Zones humides de l’arrière-dune des pays de Born et de Buch