Comme B. B. King, Jimi Hendrix aurait eu une cigar box guitar (CBG) comme premier instrument vers ses cinq ans. Keith Richards et Paul McCartney ont, eux aussi, composé avec, plus grands.
L’origine des CBG remonte au XIXe siècle en Amérique, quand les guitares classiques, trop chères, ont poussé des musiciens sans le sou, noirs et blancs, à se fabriquer leur propre cordophone avec ce qu’ils trouvaient : une boîte à cigares pour la caisse de résonance, un manche à balai ou de pioche et quelques cordes, d’une à quatre en général.
Des dizaines de boîtes à cigares de Cuba ou du Brésil attendent leur heure musicale © J. D.
LUTHERIE DE RÉCUP’
La plus ancienne preuve illustrée d’un instrument de boîte à cigares connue est une gravure datant de 1876 montrant deux soldats de la guerre civile dans un champ, dont l’un joue du violon en boîte à cigares (cigar box fiddle). L’instrument s’est ensuite popularisé durant la Grande Dépression dans les années 1930. Et depuis une vingtaine d’années, il connaît un nouvel essor avec des artistes de blues comme Justin Johnson, Asaf Avidan, Seasick Steve ou Samantha Fish qui le remettent à l’honneur.
Ses modèles sur ampli, toujours uniques, sont faits de caisses de vin ou de boîtes de cigares
William Guillon a toute sa vie voulu jouer de la guitare, mais il a attendu que son fils s’y mette un jour pour le suivre, grâce à la magie des accordeurs électroniques, lui qui ne supportait pas les guitares mal accordées… « Aussitôt, je me suis mis dans la lutherie amateur. J’ai acheté une imitation de Stratocaster cassée, je l’ai retapée en m’aidant de tutoriels sur le web. Et là, par hasard, je suis tombé sur le blog d’un gars qui faisait de la lutherie, puis sur le fameux Seasick Steve… J’ai découvert le mot cigar box guitar et j’ai trouvé l’instrument fabuleux. Je m’en suis fabriqué une et elle est restée en décoration jusqu’à mon accident », explique le touche-à-tout, passé de dessinateur en béton armé à conducteur de travaux, de la logistique pour une entreprise de surf à Hossegor au bâtiment tous corps d’état sur l’île d’Aix. C’est là qu’il se blesse un hiver en faisant des lames de volet, et perd deux de ses doigts : « Le premier truc qui m’est venu à l’esprit, c’était la musique et la moto. J’ai décidé dans la minute qui a suivi, que jamais je n’arrêterai l’une ou l’autre ». Il revient alors à Mont-de-Marsan et réintègre la maison de ses grands-parents où il avait vécu enfant.
© L’Arrache Lutherie
ENTRETIEN ET RÉPARATION D’AMPLIS
« Au bout de six mois, avec encore mes pansements, je me suis mis à refabriquer des CBG. » Des modèles électriques sur ampli, toujours uniques, à son goût, ou sur commande de clients, avec des caisses de vin en bois, des boîtes de cigares trouvées ici ou là (chez un spécialiste du cigare à Béhobie ou au tabac près de la Madeleine à Mont-de-Marsan), des os d’osso bucco pour les cordiers qu’il crée aussi en spatule de cuisson acier retaillée, des goulots de bouteille « bottleneck » pour l’effet slide, des vieux micros, etc. Car William Guillon est le roi de la récup’. Au plafond de son atelier, des dizaines de lattes d’un vieux lit en acajou attendent d’être poncées et transformées en manches de CBG, au-dessus de stocks de ferraille en tout genre. Pendant le Covid, ce passionné de disques vinyles qui, trois jours par semaine, travaille dans la recyclerie de l’association montoise Landes Partage où il achète régulièrement de la hifi cassée, a aussi suivi une formation de dépanneur en audiovisuel et électroménager à Saint-Vincent-de-Tyrosse pour réparer et entretenir des amplificateurs de guitare et haute-fidélité : « Les amplis à lampes, c’est ma passion première ! ». Pas un hasard donc si l’auto-entrepreneur vend désormais ses CBG chez un copain qui crée des enceintes acoustiques au design personnalisé, dans la boutique éphémère de Capbreton côté Pont Lajus, sur les rives du Boudigau qui prend ainsi des petits airs de Mississipi.
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