Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Arthur Laborde, nouveau patron des hôteliers-restaurateurs landais

Lors de la 78e assemblée générale de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des Landes (Umih 40) qui s’est tenue aux Prés d’Eugénie de Michel Guérard, le 23 mars dernier, le dirigeant des Thermes de Saubusse, 31 ans, a été élu président de l’organisation patronale, succédant à Alain Bretelle, décédé brutalement en janvier. Inflation, recrutement, hébergement… Entretien.

Arthur Laborde, Président de l’Umih 40

Arthur Laborde, Président de l’Umih 40 © Bernard Dugros

Les Annonces landaises : Comment devient-on président de l’Umih 40 à seulement 31 ans ?

Arthur Laborde : Je dirige un établissement thermal familial à Saubusse avec hôtel et restaurant et une cinquantaine de salariés sur place. Il a été fondé par mon arrière-grand-père en 1922, je suis de la quatrième génération. J’ai fini mes études de commerce en alternance ici, puis je suis reparti tout en bas aux baignoires dans les thermes pour voir tous les postes, avant de passer au service comptable. Au moment où la directrice a eu des jumeaux, j’ai pris son relais, puis nous avons travaillé ensemble en binôme jusqu’à ce que je reprenne la gérance, avec mon père aujourd’hui en pré-retraite. J’ai l’habitude d’être le plus jeune à faire pas mal de choses !

Avec Alain Bretelle [président de l’Umih 40 de 2017 à son décès en janvier dernier, NDLR], nous avions décidé en 2020 de créer une branche dédiée aux établissements thermaux qui sont des établissements hybrides entre cures, hôtellerie et restauration, c’était judicieux. C’était son second mandat, il m’avait dit que ça lui ferait plaisir que je prenne la suite. Cela devait être dans un an, malheureusement, ça s’est présenté maintenant, et je tiens à saluer tout le travail qu’il a mené durant toutes ces années au service de la profession, son expérience, son charisme… Il savait faire des ponts avec des gens haut placés de notre territoire pour faire avancer la cause.

LAL : Quelle est votre ambition à la tête de l’Umih 40 ?

A.L. : Au sein de l’Umih, je souhaite apporter par la jeunesse du dynamisme et de la modernité ! Nous allons continuer ce qui se fait à l’Umih des Landes, avec un regard nouveau, il nous faut porter nos projets pour faire avancer les choses dans notre secteur d’activité à défendre. J’ai notamment voulu amener des jeunes qui ont de nouvelles affaires comme les patrons de Monsieur Mouette à Capbreton qui ont une vision moderne de nos métiers. Nous avons aussi, dans les terres, les fondateurs de la Villa Mirasol à Mont-de-Marsan qui vient d’obtenir une étoile au Guide Michelin, c’était essentiel qu’ils participent à tout ça. Il y a un maillage très différent que l’on soit sur la côte ou à l’intérieur des terres, et c’est tous ensemble qu’il nous faut travailler sur les sujets complexes du recrutement, de l’hébergement, des problématiques qui ne sont pas les mêmes suivant les territoires. Je souhaite aussi que nous augmentions le nombre de nos adhérents à qui on apporte conseils, formations ou encore aide juridique : trois professionnels sur quatre en font partie, mais ce n’est pas encore quatre sur quatre ! On a besoin de tout le monde pour évoluer.

LAL : Côté emploi, comment attirer des gens vers ces métiers, alors que beaucoup s’en sont détournés depuis le Covid ?

A.L. : Le problème de l’emploi se pose malheureusement au niveau national dans tous les secteurs d’activité. J’ai la chance d’avoir un établissement où j’embauche du médecin au personnel de chambre, en passant par des réceptionnistes, et nous avons aussi des problèmes de recrutement sur le médical.

Dans l’hôtellerie-restauration, tout le monde s’adapte aux nouvelles façons de travailler, des patrons ont revu leur approche, on n’embauche plus quelqu’un pour faire du sept jours sur sept. Certains retravaillent les horaires pour, par exemple, proposer d’enchaîner le petit-déjeuner et le service du midi et avoir la soirée libre. D’autres arrivent à supprimer la coupure entre deux services, ou font des formules quatre jours « on » et trois jours « off », ou encore le travail uniquement le matin sur six jours. Bien sûr, selon la taille de l’établissement et les lieux, tous ne peuvent pas adopter de nouvelles formules, car chacun a ses propres contraintes. Il y a aussi la question des revalorisations de salaires pour être plus attractifs que nous avons appliquées depuis l’année dernière. Dans notre convention collective, l’accord prévoit une rémunération au minimum supérieure de 5 % au Smic et « une augmentation moyenne de 16,33 % » de l’ensemble de la grille des salaires précédente.

Arthur Laborde, Président de l’Umih 40

© Bernard Dugros

LAL : On entend souvent dire par des professionnels que les jeunes rechignent à travailler dans ces métiers. Quelle est votre vision là-dessus ?

A.L. : On ne peut pas mettre tout sur le dos des jeunes. Je suis jeune moi aussi et je connais plein de jeunes hyper vaillants, ils ne sont pas plus feignants que les autres, mais il faut savoir expliquer à tous ce que sont nos métiers pour pouvoir séduire. Thierry Marx [le chef étoilé devenu président de l’Umih nationale cet automne, NDLR] dit que dans nos activités, il y a 35 métiers différents. Il faut le faire savoir, il y a de quoi faire, des palaces, comme chez Michel Guérard à Eugénie-les-Bains, à des lieux plus populaires, nous avons la chance d’avoir une pluralité incroyable d’établissements et de métiers.

Tout le monde s’adapte aux nouvelles façons de travailler, des patrons ont revu leur approche avec les salariés sur les formules des temps de présence

LAL : La formation des jeunes et moins jeunes fait notamment partie de vos priorités. Où en est justement l’idée d’ouvrir une école Thierry Marx dans les Landes avec des temps de formation raccourcis pour des publics souvent éloignés de l’emploi ?

A.L. : Je vais avoir l’occasion de rencontrer prochainement Thierry Marx à l’Umih pour voir s’il peut nous aider à implanter ces écoles sur notre territoire avec des structures pour favoriser l’insertion, afin de réussir à capter des gens qui ne savent pas forcément quoi faire et les intéresser à nos métiers.

Globalement, il y a un problème de formation, il faut aider les CFA (centres de formation des apprentis) à trouver les bonnes formules. Nous avons des CFA sur Dax et Capbreton, mais il manque également des écoles dans le nord des Landes, nous allons voir avec les élus locaux comment ouvrir de petites structures pour mieux mailler le territoire et former à la fois des jeunes et des moins jeunes en reconversion.

De notre côté, nous proposons aussi l’Umih Formation que les adhérents n’utilisent pas assez. Il s’agit de former directement les salariés dans les établissements, en interne. Un confrère a ainsi formé son second directement chez lui, les gens qui l’utilisent sont très contents du service, c’est un gros plus.

Les professionnels ne sont pas contre contribuer à un projet pour héberger les saisonniers. Il y a un travail à faire avec les élus pour trouver des espaces disponibles pour construire ou réhabiliter des lieux de vie stables

LAL : Autre problème, les saisonniers qui ont de plus en plus de difficultés à se loger sur la côte…

A.L. : C’est effectivement un problème pour les saisonniers de passage, mais il se pose aussi pour les salariés qui travaillent à l’année et ont du mal à se loger, notamment quand la famille s’agrandit.

À Hossegor, certains établissements ont pu investir dans des logements pour héberger des saisonniers. Ça avance aussi à Biscarrosse, d’après mon collègue Frédéric Petiteville, sur l’attribution d’un terrain par la commune pour que des hôteliers-restaurateurs puissent construire.

Les professionnels ne sont pas contre contribuer à un projet pour héberger les salariés dont ils ont besoin. Il y a un travail à faire avec les élus pour trouver des espaces disponibles pour construire ou réhabiliter des lieux de vie stables : nous avons eu des propositions comme les internats de collèges ou lycées, malheureusement ils ne peuvent être utilisés que deux mois… Tout cela à un coût avec un secteur immobilier très tendu, il faut donc des aides publiques. Il faudrait aussi être en capacité de modifier certains PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunaux) pour faire des bâtiments en R+2 ou 3. On aurait alors besoin de moins de surface foncière pour plus de capacités d’hébergement. Si on vous donne 500 m2 et qu’on ne peut pas monter d’étage, il y a un sujet. Tout le monde doit avancer ensemble.

Par ailleurs, avec Airbnb, beaucoup de logements saisonniers ont également été perdus au profit de locations pour les vacanciers, plus rentables. Et ces loueurs n’ont pas les mêmes contraintes qu’un hôtelier, on espère une nouvelle législation pour mieux cadrer tout ça.

À noter enfin qu’avec Action Logement, nos adhérents peuvent bénéficier d’aides à distribuer à leurs salariés pour leur loyer, beaucoup ne sont pas au courant de ce dispositif très utile.

« Trois professionnels sur quatre adhèrent à l’Umih 40 » Arthur Laborde

« Trois professionnels sur quatre adhèrent à l’Umih 40 » © Bernard Dugros

LAL : Avec l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie, quelle est la situation actuelle des professionnels du secteur ?

A.L. : Comme tous les secteurs économiques, nous sommes impactés. Des établissements étaient déjà en difficulté depuis le Covid, il y a des PGE (Prêts garantis par l’État) en cours à rembourser. Et maintenant, on prend cette inflation sur le coin du nez, c’est assez costaud à encaisser. Des contrats d’énergie vont parfois jusqu’à quintupler ! On a eu quelques remontées en ce sens depuis janvier. Des négociations se font au niveau national comme dans tous les domaines.

Il faut féliciter nos entreprises qui tiennent bon, elles sont très valeureuses pour défendre leurs affaires, leur bébé. Dans ce contexte, nous devons consolider notre marge qui est durement percutée par les hausses de l’énergie ou des matières premières. Il faudra donc étudier de près nos tarifs afin que le consommateur puisse continuer à avoir un produit et un service de qualité. Il faut trouver ce bon équilibre et que chacun fasse un petit effort de son côté.

Face à l’inflation, il faut étudier de près nos tarifs afin que le consommateur puisse continuer à avoir un produit et un service de qualité

LAL : Comment se présente la saison ?

A.L. : 2023 est une année charnière car on ne parle enfin plus du Covid. Il faut donc qu’on retrouve les chiffres d’affaires de 2019 pour stabiliser nos affaires, en espérant ne pas avoir trop de problèmes de recrutement. De plus en plus de clients se décident en dernière minute, un phénomène beaucoup plus prononcé depuis la crise sani- taire. À nous de nous adapter à ces nouveaux modes de consommation.

L’UMIH40 EN CHIFFRES

600 adhérents dans les Landes

La filière représente 1 128 entreprises (hôtels, restaurants, traiteurs, cafés, établissements de nuit, bowlings, loisirs indoor, thermes) ; 420 millions d’euros de chiffre d’affaires ; plus de 4 000 salariés.