Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Savoir écouter pour recruter

Sur un marché du travail en tension, les méthodes de recrutement doivent évoluer pour répondre aux nouvelles aspirations des candidats. On fait le point.

Sophie Matthews, directrice des agences Manpower de Saint-Paul-lès-Dax et Saint-Geours-de-Maremne recruter

Sophie Matthews, directrice des agences Manpower de Saint-Paul-lès-Dax et Saint-Geours-de-Maremne © Bernard Dugros

Quelle est la première ressource d’une entreprise ? Clairement, ses femmes et ses hommes !

Bien sûr, nous pouvons évoquer le parc industriel, la stratégie digitale, le portefeuille clients (entre autres), mais sans une équipe motivée et performante, les objectifs sont difficilement atteints.

Et nous avons eu besoin d’une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent pour nous en rendre pleinement compte.

En Nouvelle-Aquitaine, les annonces diffusées par Pôle emploi ont triplé en 2022, et le nombre de demandeurs d’emploi est au plus bas (moins de 7 %). Pas besoin d’être expert en maths pour prendre conscience que la donne a changé, et que le plein emploi est quasiment atteint.

Aujourd’hui, les candidats ont le choix, quel que soit le métier ou le secteur d’activité. Dans les Landes, les entreprises du bâtiment, du bois, de l’agroalimentaire, l’industrie chimique, la logistique… Bref, toutes peinent à recruter.

ACCÉLÉRER LE PROCESSUS DE RECRUTEMENT

Dans ce contexte de forte activité et de tensions sur le marché de l’emploi, le long processus de recrutement classique n’est plus adapté. Le faire durer en multipliant les entretiens, hésiter dans sa prise de décision sont les ingrédients parfaits pour… perdre un candidat de valeur. Les prétendants sont fortement sollicités, quels que soient le secteur d’activité et la qualification. La réactivité devient donc une règle d’or pour « verrouiller la ressource » au mieux.

PRIORITÉ AUX SAVOIR-ÊTRE ET AUX MOTIVATIONS

Il est plus que jamais essentiel, voire stratégique, de garder en tête que l’humain est la première ressource de l’entreprise, d’être à l’écoute des candidats et de partir de leurs aspirations et attentes. La priorité est de plus en plus donnée au savoir-être et aux motivations des personnes, pour évaluer comment « ça peut matcher » entre candidats et entreprises. Il ne s’agit plus de partir du CV, mais des aspirations des candidats, qui peuvent donner lieu à des reconversions surprenantes et particulièrement réussies grâce à l’aide de la formation. Parmi les candidats de nos agences, un coach sportif s’est récemment reconverti en opérateur en industrie chimique, un ancien militaire s’est lancé dans la maçonnerie. Plus nous prenons de temps pour connaître le candidat, plus nous nous donnons les moyens de réussir.

Sophie Matthews directrice des agences Manpower de Saint-Paul-lès-Dax et Saint-Geours-de-Maremne recruter

Sophie Matthews, directrice des agences Manpower de Saint-Paul-lès-Dax et Saint-Geours-de-Maremne © Bernard Dugros

LES ATOUTS À VALORISER

Bien entendu, le salaire reste un facteur majeur dans la prise de décision des candidats. Certains grands groupes ou secteurs d’activité ont de grilles de salaires bien définies. Néanmoins, certains dirigeants font preuve d’agilité quant à la rémunération et font de vrais efforts, malgré le contexte difficile. Alors qu’avec l’envolée actuelle du prix des carburants, les frais de transport deviennent un vrai sujet, l’une de nos entreprises clientes a, par exemple, récemment proposé de les indemniser à hauteur de 5 euros par jour. Lorsque les rémunérations sont au Smic, cette indemnité est fortement appréciée et fait ainsi la différence dans le recrutement.

Au-delà du salaire, il est également essentiel de prendre le temps d’expliquer les avantages sociaux de l’entreprise qui constituent aussi un facteur différenciant. RTT, tickets-restaurant, CE, mutuelle font partie du « package » scruté par les candidats. Le secteur du travail temporaire, dispose quant à lui d’un Fonds d’action sociale (FASTT) qui propose des aides au logement, des services pour louer une voiture ou financer un projet.

Certaines entreprises se différencient en mettant en avant leurs valeurs. La nouvelle génération est sensible à l’environnement et à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Le contrat à durée indéterminée n’intéresse pas forcément les jeunes d’aujourd’hui, qui se montrent plus libres, libres de choisir l’entreprise et le travail. Ils apprécient notamment la flexibilité, l’agilité de l’intérim et d’avoir le choix des missions.

Partir des aspirations du candidat, plutôt que du CV

La souplesse dans les horaires est aussi un sujet clé. Les candidats sont de plus en plus nombreux à privilégier leur vie de famille, ils ne souhaitent plus travailler le week-end ou en 3×8. Aux recruteurs d’écouter et prendre en compte les contraintes personnelles et de proposer les postes adéquats aux parents qui élèvent seuls leurs enfants ou en garde alternée. L’un de nos clients a ainsi décalé le démarrage des journées de 6 h à 8 h pour faciliter l’organisation familiale, un autre a réorganisé son plan de charge sur quatre jours pour donner des week-ends de trois jours, un troisième propose le travail le samedi sur la base du volontariat. En résumé, dans la mesure du possible, tous essaient de s’adapter afin d’attirer les talents.

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© Bernard Dugros

COMMENT ATTIRER LES TALENTS DANS LES LANDES ?

Nous avons l’avantage de vivre et travailler dans une très belle région. Et qui dit très belle région, dit aussi ses inconvénients. Et l’accès au logement arrive clairement en première position dans les défis à relever pour les nouveaux arrivants.

La question se pose en particulier pour les emplois saisonniers des entreprises de l’agroalimentaire. La pression est forte : sur une courte période, l’année se joue. Et quand il manque de la main-d’œuvre, en raison de l’absence de logement (entre autres), la situation pour l’entreprise peut rapidement devenir critique. Certaines se dotent de logements pour les salariés, ce qui est clairement un avantage différenciant. Globalement, l’idéal serait de mieux anticiper, de créer davantage encore de liens entre les entreprises et les communes, de mettre en place des solutions avec les dortoirs des établissements scolaires pendant les vacances, ou les résidences secondaires pendant la basse saison touristique…

Sur les recrutements à long terme, au côté d’une nouvelle personne qui arrive d’une autre région, il y a souvent un conjoint qui démissionne et des enfants qu’il faut changer d’école. Le « package familial » est à prendre en compte si l’on ne veut pas voir des salariés repartir dans leur région d’origine quand leur famille n’a pas pu s’intégrer. Notre cabinet de recrutement prend, par exemple, toujours en compte la profession du conjoint pour essayer de l’accompagner au mieux.

Proposer un logement est clairement un avantage différenciant

L’INTÉGRATION : L’ÉTAPE CLÉ

Une fois le recrutement effectué, rien n’est encore joué. Il faut alors prendre le temps d’intégrer le nouvel arrivant. Le rôle du manager et des ressources humaines est clé pour communiquer, accompagner, former, valoriser le nouveau collègue et ne pas le « laisser dans la nature ».

Parmi les initiatives des entreprises landaises à suivre pour favoriser cette intégration, certaines mettent en place un binôme doté d’un rôle de mentor sur une période de six mois, d’autres proposent des sorties mensuelles entre collègues…

Le recrutement n’est pas une science exacte, personne ne pourra prétendre avoir la solution idéale. En revanche, prendre un peu plus de temps avec les candidats, prendre un peu plus le temps de connaître ses nouveaux collaborateurs et ses nouveaux collègues peut faire une petite différence. Et les petites différences, une par une, peuvent faire des grandes choses pour les équipes.

LE TÉLÉTRAVAIL, UNE SOLUTION ?

Le télétravail a été fortement utilisé et médiatisé pendant les périodes de confinement. Certes, pour les métiers qui le permettent, c’est en effet un grand confort.

Mais, dans les Landes, comme dans d’autres régions, la diversité des secteurs et des métiers ne permet pas toujours sa mise en œuvre. Un maçon, un opérateur de fabrication, un cariste, un conducteur d’engins – et la liste est longue – sont tous attendus sur leur chantier et poste de travail. Voir d’autres collègues « à la maison » peut créer des frustrations.

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