Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Alegria Bistrot : reconversion en famille

Pour Frédéric Dupouy, la crise de la quarantaine rime avec joie de vivre. Ancien cadre dans une coopérative agricole, il a ouvert un bar-restaurant à Gabarret grâce au soutien de ses proches.

Frédéric Dupouy Alégria bistrot

Frédéric Dupouy © Bernard Dugros

Un arrêt maladie de six mois pour des problèmes de dos et l’entrée dans la quarantaine. Pour Frédéric Dupouy, 2019 a été une année éprouvante. « Mais ça m’a aussi donné du temps pour cogiter ! »

Cadre dans une coopérative agricole, il aime son métier. Mais durant ses mois de convalescence, l’idée de « réaliser quelque chose par [lui]-même » et de se lancer à son compte fait son chemin. « Je me suis dit qu’à 40 ans, c’était soit maintenant, soit trop tard… » Passionné par son territoire et désireux de dynamiser le village, il songe à ouvrir un bar-restaurant à Gabarret. L’ancienne boutique de couture de sa belle-mère est justement libre pour accueillir une nouvelle activité.

UN PROJET MÛREMENT RÉFLÉCHI

Mais pas question de se lancer tête baissée dans une lubie éphémère. Le projet a de « forts enjeux financiers et organisationnels » pour le père de famille de trois enfants, dont l’épouse Catherine est aussi maire de leur village de Créon-d’Armagnac. « Ce n’est pas seulement mon projet. C’est le fruit d’une réflexion familiale collective. »

Pour s’assurer de la viabilité de son idée, il se rapproche du réseau d’appui aux entrepreneurs BGE Tec Ge Coop. « Ma conseillère, Catherine Gasque, m’a permis de mettre des chiffres en face du projet et d’avoir une réflexion plus approfondie. » Le prévisionnel est bon.

Alors, fin 2019, il négocie une rupture conventionnelle avec son employeur et commence les premières démarches.

Même la crise sanitaire qui éclate brutalement trois mois plus tard ne le décourage pas. « J’ai profité de ce temps suspendu pour monter en compétences, en suivant un CAP cuisine en candidat libre, et pour rénover entièrement le bâtiment qui allait m’accueillir. »

Le 16 juillet 2021, Alegria Bistrot ouvre enfin ses portes sur le boulevard Saint-Martin. « Alegria signifie joie de vivre en espagnol. Et c’est aussi un clin d’œil à la peña de Gabarret qui porte le même nom. »

OBJECTIFS DÉPASSÉS, DÈS LA PREMIÈRE ANNÉE

L’établissement, ouvert du mercredi au dimanche, peut accueillir une centaine de couverts en terrasse, en salle ou dans la cour aménagée à l’arrière du bâtiment. La clientèle vient y déguster une cuisine faite maison qui met en valeur les produits frais et locaux et les cuissons au four à braise. Frédéric Dupouy œuvre en cuisine, épaulé à mi-temps par sa belle-mère. Sa femme, qui a conservé son emploi salarié à 60 %, leur prête main-forte en salle. Sa nièce a même été embauchée en extra durant l’été.

« Nous avons une clientèle très variée. La majorité est composée de particuliers et d’associations des environs. Nous accueillons aussi des curistes de la station voisine de Barbotan-les-Thermes. Et j’ai été agréablement surpris par l’attrait de l’établissement auprès des touristes qui recherchent du calme en été. »

Grâce à cette affluence, Frédéric Dupouy a largement dépassé son chiffre d’affaires prévisionnel dès sa première année d’exploitation. Ce succès lui a d’ailleurs valu d’être élu parmi les 41 Talents BGE français de 2022. Et il ne compte pas s’arrêter là. En plus de projets d’aménagement intérieur et extérieur pour toujours « améliorer le cadre de réception des clients », il envisage de développer une activité de traiteur en parallèle du restaurant.

« SE POSER LES BONNES QUESTIONS » LE STATUT JURIDIQUE

Frédéric Dupouy : J’ai choisi la Société par actions simplifiée (SAS) parce que la rédaction des statuts était libre et qu’il n’y avait pas d’impératif de capital. L’aspect fiscal était simple aussi.

LE FINANCEMENT

F.D. : Entre les travaux et l’achat du matériel, l’investissement s’est élevé à environ 130 000 euros. En plus de mon apport personnel, j’ai bénéficié de subventions à la création d’entreprise de la part de la région, du département, de la communauté de communes et de l’Agefiph.

Un emprunt bancaire a couvert le reste. Les exonérations auxquelles j’ai droit en zone de revitalisation rurale et le chômage que j’ai touché pendant deux ans grâce à ma rupture conventionnelle ont aussi facilité mon démarrage.

LES DIFFICULTÉS SURMONTÉES

F.D. : Quand on n’est pas cuisinier de métier, c’est difficile d’obtenir un financement. La première fois que j’ai présenté mon projet au banquier, il était perplexe. Mais j’étais sûr de moi et je l’ai défendu bec et ongles. Et ça a fini par payer. L’autre difficulté que j’ai rencontrée a été de trouver une licence IV. C’était primordial pour la viabilité du projet. Il m’a fallu pratiquement un an de recherches et de démarches pour en obtenir une.

LA COMMUNICATION

F.D. : Le bouche-à-oreille est le premier vecteur pour trouver des clients. Je suis impliqué dans de nombreuses associations et parler de mon projet autour de moi a drainé du monde.

Nous sommes présents sur Facebook, où on a raconté l’avancée des travaux. On a aussi créé un flyer qu’on a déposé dans les commerces locaux et à Barbotan-les-Thermes (Gers) pour informer les curistes. Enfin, on a adhéré à l’association des commerçants et artisans de Gabarret et à l’office de tourisme local pour être relayés sur leurs supports.

LES CLÉS DU SUCCÈS

F.D. : Dans un projet comme celui-ci, le soutien familial est primordial. Sans l’appui de mes proches, je ne me serais pas lancé. Cela demande également beaucoup de réflexion. Il faut se poser les bonnes questions pour anticiper l’aspect financier, l’organisation… Être tenace est une qualité supplémentaire ! Mais surtout, il faut le faire avec plaisir.