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Collectivités / informatique – L’ascension de l’Alpi

Créée il y a presque 40 ans, l’Agence landaise pour l’informatique (Alpi) développe des services numériques pour les collectivités. En chantier : la sobriété numérique, la refonte du portail landespublic.org et la cybersécurité.
Visite guidée avec Magali Valiorgue, sa présidente, Renaud Lagrave, son directeur et Laurent Vial, expert en cybersécurité.

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Magali Valiorgue Alpi

Magali Valiorgue © H. R.

Les Annonces Landaises : Quelles sont les grandes étapes de l’évolution de l’Alpi ?

Magali Valiorgue : L’Association landaise pour l’informatique a été créée en 1985. Dans un contexte d’arrivée progressive du numérique dans nos modes de vie, l’objectif était de mettre l’informatique à la portée de tous et d’éviter que le numérique ne devienne une nouvelle fracture sociale, notamment chez les plus jeunes. C’est pourquoi dès ses débuts, sous l’impulsion d’Henri Emmanuelli, président du conseil général, l’Alpi s’est particulièrement concentrée sur le développement de l’informatisation des établissements scolaires. Son objectif était alors de compléter le Plan informatique pour tous par des formations et de la maintenance pour que, même éloignés des centres urbains, tous les élèves bénéficient d’une initiation à l’informatique de qualité. Dès 1986, l’Alpi s’est mise au service des collectivités et a créé les Amis (Ateliers multiservices informatiques). En 2004, l’association a évolué en syndicat mixte et son nom est devenu Agence landaise pour l’informatique.

LAL : Quel est son apport aux collectivités aujourd’hui ?

M.V. : Dans un département rural comme le nôtre, avec beaucoup de communes ayant une population inférieure à 1 000 habitants, l’Alpi accompagne les collectivités pour assurer la continuité d’un service public local : elle permet la mutualisation et la péréquation des technologies de gestion, d’information et de communication au profit de ses adhérents. Elle propose notamment des solutions de dématérialisation, des logiciels adaptés aux besoins des collectivités – la gestion des plannings pour les centres intercommunaux d’action sociale, par exemple, qui sont toujours complexes –, l’hébergement sécurisé des serveurs…

En informatique, comme en bien d’autres domaines, si on n’innove pas, on meurt

LAL : Quelles sont ses priorités ?

M.V. : Sa mission est avant tout d’œuvrer pour que chaque Landaise et chaque Landais puisse accéder à ses droits, sans que le numérique constitue un frein. Elle participe au développement des outils informatiques, mais aussi à leur appropriation grâce à un rôle de conseil et de formation auprès de ses adhérents. L’Alpi assure également le pilotage du réseau d’inclusion numérique des Landes, avec 33 conseillers qui se déploient sur tout le département.

Laurent Vial et Renaud Lagrave Alpi

Laurent Vial et Renaud Lagrave © H. R.

LAL : Renaud Lagrave, vous êtes directeur de l’Alpi depuis 1999. Quelle a été son évolution ?

Renaud Lagrave : Les fondamentaux sont la maintenance informatique et les logiciels métiers, mais avec l’arrivée du web dans les années 1990, nous avons pris le virage de la digitalisation. On se rendait compte que le besoin était grand et qu’il y avait un retard important dans la création de sites pour les communes. Aujourd’hui, avec 58 collaborateurs, nous proposons 53 types de prestations répondant aux attentes des 600 mairies et autres collectivités qui adhèrent chez nous.

LAL : Le développement était inéluctable ?

R.L. : En fait, nous tenons la corde par les deux bouts. Entre ceux qui ne veulent pas bouger et ceux qui veulent aller trop vite. Je cite toujours l’exemple de cette collectivité qui était très fière d’avoir mis en place un hébergement de ses données sur internet. C’est vrai, ils étaient en avance, mais ils ont vite fait marche en arrière en apprenant que leur base de données était partie aux USA, sans sécurité. C’est entre autres ce qui, en 2007, nous a incités à créer notre propre hébergement, en salle blanche hypersécurisée, dans la Maison des communes, à Mont-de-Marsan.

LAL : Vous est-il également arrivé d’aller un peu trop vite ?

R.L. : En informatique, comme dans bien d’autres domaines, si on n’innove pas, on meurt. Alors, c’est vrai qu’il nous est arrivé de partir trop tôt. Cela a été le cas pour la visioconférence, aujourd’hui banalisée, pour l’archivage électronique dont personne ne voulait à l’époque et pour notre Cyberbus, parti trop tôt lui aussi.

La pollution numérique est en passe de dépasser la pollution automobile

LAL : Quelles sont aujourd’hui les grandes mutations qui font votre actualité ?

R.L. : En premier lieu, nous voulons prôner la sobriété numérique. La pollution numérique est en passe de dépasser la pollution automobile. Entre notamment, les photos de vacances, la multiplicité des mails et les factures recopiées et sauvegardées en moyenne sept fois, c’est une vraie course à l’armement. Chaque jour, notre data center et ses 190 serveurs virtuels doivent sauvegarder 420 téraoctets. Il va nous falloir apprendre à agir différemment. Par exemple, ne plus faire « Répondre à tous » à un mail quand un seul destinataire serait suffisant.

LAL : Vous annoncez également une refonte du portail landespublic.org ?

R.L. : Nous sommes en train d’opérer un virage à 180° avec un relookage complet et surtout la création d’un service numérique en guichet unique. Nous privilégions l’expérience utilisateur pour que chacun puisse trouver son chemin facilement. Ce sera notamment une aide précieuse pour les secrétaires de mairie.

Par ailleurs, pour les marchés publics une dématérialisation complète de la chaîne se met en place. Aujourd’hui, 500 collectivités déposent leurs appels d’offres sur notre plateforme marchespublics.landespublic.org et près de 18 000 entreprises s’y connectent. Le moteur de recherche des annonces a été simplifié et un nouvel outil de « sourcing » permet aux collectivités d’aller chercher des informations fiables avant de lancer une consultation.

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LAL : La cybersécurité est également une de vos priorités ?

R.L. : La prise de conscience de nos fragilités est urgente pour nos adhérents et pour nous-mêmes. Fort heureusement, nous avons fait le choix d’internaliser nos hébergements, il y a plusieurs années déjà. C’est un plus, mais il faut savoir que chaque jour nos serveurs sont victimes de tentatives d’intrusion. Nous sommes arrivés à un niveau de sécurité important et nous avons signé une convention avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Nous avons formalisé cet engagement en recrutant Laurent Vial, un expert qui travaillait à la Base aérienne 118 pour le ministère de la Défense. Il est à la disposition des collectivités pour apporter des informations et réaliser des audits.

NE PAS SE FAIRE « CROISSANTER »

Quitter son poste de travail informatique en laissant sa session ouverte, c’est un peu comme quitter son domicile en laissant une fenêtre entrebâillée. C’est faciliter l’entrée des virus et autres hackeurs malveillants. Alors, pour motiver son personnel, être à la fois exemplaire en la matière et ludique, l’Alpi a inventé le « croissantage ». Si un collaborateur quitte son poste sans fermer sa session, un collègue (sur qui il peut toujours compter…) peut s’en emparer et envoyer le mot « croissant » à toute sa liste de diffusion. Dès le lendemain matin, le distrait est alors « condamné » sans appel à apporter un croissant à chaque destinataire. Ça peut calmer ! Il paraît que l’incitation à la vigilance fait école et… ravit les boulangers.

LAL : Laurent Vial, qu’est-il prévu pour les petites collectivités ?

Laurent Vial : On est sur un programme national d’équipement. On les invite à installer des pare-feu, à mettre des clefs d’authentification, à chiffrer les disques durs et à réagir aux campagnes de tests d’hameçonnage [technique frauduleuse destinée à leurrer l’internaute pour l’inciter à communiquer des données, NDLR] que nous mettons en place. Nous organisons des demi-journées de sensibilisation et de formation car les tentatives d’usurpation d’identité se multiplient et chaque jour en France, une collectivité est bloquée par la captation de ses données.

Chaque jour en France, une collectivité est bloquée par la captation de ses données

LAL : Quels conseils donneriez-vous ?

L.V. : Il existe un « Guide d’hygiène informatique » proposé par l’Anssi. C’est la transposition dans le monde numérique de règles élémentaires de sécurité sanitaire. Les conseils sont extrêmement simples. Si je devais en choisir un, ce serait de ne pas choisir un mot de passe trop simple et de ne pas utiliser le même partout. Le gestionnaire de mots de passe KeePass simplifie bien les choses.

Une salle blanche hypersécurisée, dans la Maison des communes, à Mont-de-Marsan Alpi

Une salle blanche hypersécurisée, dans la Maison des communes, à Mont-de-Marsan © H. R.

MEMBRE DU RÉSEAU NATIONAL DÉCLIC

Au mois d’octobre dernier, à l’Auberge landaise de Mont-de-Marsan, l’Agence landaise pour l’informatique a organisé les 12e rencontres nationales du réseau Déclic.

Pendant trois jours, plus de 150 spécialistes du numérique territorial, représentant 58 opérateurs publics de services numériques (OPSN) venus de toute la France, ont abordé les problématiques des collectivités territoriales. Au cœur des échanges : le RGPD (règlement général sur la protection des données), les API (application programming interface ou interface de programmation d’application), la transformation numérique de la commande publique, la sobriété numérique, la cybersécurité et les dossiers numériques du citoyen.