Faisons simple : je pense qu’il manque de 500 à 600 euros aux ménages français pour qu’ils puissent vivre correctement et se faire un peu plaisir. Et toutes les enquêtes d’opinion le démontrent jour après jour : le pouvoir d’achat est l’une des préoccupations majeures des Français.
Dépend directement de l’inflation
Pour mémoire, selon l’Encyclopédie Larousse, le pouvoir d’achat est l’ensemble des biens et services que le revenu courant permet à un individu d’acquérir, et donc de sa capacité réelle à consommer. Mathématiquement, il dépend de deux variables : d’une part, le revenu obtenu et d’autre part, l’évolution générale des prix, ce qui signifie qu’il dépend directement de l’inflation. Le terme de « pouvoir d’achat » apparaît au XVIIIe siècle sous la plume d’Adam Smith. À ses yeux, le pouvoir d’achat a trait à la domination : plus on possède, plus on a de pouvoir. Selon le ministère français de l’Économie, « il correspond à la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter, il dépend du niveau du revenu et du niveau de prix et son évolution correspond à la différence entre l’évolution des revenus des ménages et l’évolution des prix. Si la hausse des revenus est supérieure à celle des prix, le pouvoir d’achat augmente. Dans le cas contraire, il diminue ».
« Il faut défiscaliser et désocialiser toutes les heures travaillées au-delà de 35 heures »
Problématique du logement
Selon l’INSEE, « l’évolution du pouvoir d’achat des ménages est calculée en retranchant au taux de croissance du revenu disponible brut des ménages le taux de croissance du déflateur de la dépense de consommation finale en comptabilité nationale. Ce dernier diffère quelque peu du taux de croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC), principalement par ce que son champ est plus large que celui de l’IPC. Il couvre notamment la consommation de services de logement imputée aux ménages propriétaires du logement qu’ils occupent, les services d’intermédiation bancaire consommés par les ménages ».
Il existe plusieurs déterminants économiques et sociologiques de l’augmentation des dépenses des ménages. Pour mieux les connaître, l’Insee propose d’utiliser la méthode des unités de consommation. Selon cette approche, le premier adulte compte pour 1 UC, chaque personne de plus de 14 ans compte pour 0,5 UC et chaque enfant de moins de 14 ans compte pour 0,3 UC. Toujours selon l’Insee, le niveau de vie médian de la population française s’élève à 24 330 euros annuels. Il correspond à un revenu disponible de 2 028 euros par mois pour une personne seule et de 4 258 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Les 10 % de personnes plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 12 970 euros et les 10 % les plus aisées ont un niveau de vie au moins 3,4 fois supérieur. Parmi, les personnes plus fragiles, on peut citer également les familles monoparentales qui disposent d’un niveau de vie médian de 17 840 euros.
Les grands postes de dépenses des Français
Selon l’Insee, les grands postes de dépenses des Français sont pour les 3/4 : les produits alimentaires et les boissons non alcoolisés : 16 % du budget ; le logement, eau, électricité : 16 % ; les frais de transport : 16 % également ; les loisirs et culture : 10 % ; les biens et services divers (biens et services de soins personnels, bijouterie et maroquinerie, dépenses relatives aux gardes d’enfants, assurances et services financiers, autres) pour le reste. La question du rajout des impôts et taxes pourrait se poser.
Ces statistiques globales ne traduisent pas les très grandes disparités qui existent entre les différentes générations, les catégories socioprofessionnelles, la présence des personnes sur des territoires différents : métropoles régionales, villes périurbaines, monde rural, ou l’existence de solidarités familiales par exemple.
« Il faut desserrer l’étau sur le prix du foncier et les contraintes réglementaires »
Raisonner en dynamique
En résumé, tout l’enjeu est de pouvoir améliorer le pouvoir d’achat pour les classes moyennes et les personnes les plus modestes. Il convient en effet de raisonner en dynamique, à la fois en valeur absolue et en valeur relative. En effet, si les revenus nominaux progressaient plus vite que l’inflation, le pouvoir d’achat connaîtrait une baisse et, a contrario, si l’inflation augmentait plus vite que les revenus nominaux, le pouvoir d’achat diminuerait. Il convient alors d’augmenter les revenus pour contrebalancer les effets négatifs de l’inflation. De manière concrète, quelles mesures peut-on proposer ?
P1 : Développer une économie de croissance en permettant et en incitant les Français à travailler plus : 1 heure de plus par jour ne paraît pas insurmontable, notamment dans une économie qui est majoritairement de services.
P2 : « Défiscaliser et désocialiser » toutes les heures travaillées au-delà de 35 heures : tous les salariés qui travailleraient plus de 35 heures ne supporteraient ni charge sociale salariale, ni charge sociale patronale, ni impôt sur le revenu, sur les heures faites et rémunérées au-delà de 35 heures. Les heures de travail faites et payées seraient « dans la poche » des salariés pour leur montant brut.
P3 : Réduire la CSG sur les salaires des actifs salariés et non salariés et inciter les entreprises à reverser le montant de cette réduction de charges aux salariés, ce qui permet d’augmenter leur salaire net.
P4 : Revoir complètement l’aménagement du territoire français en décongestionnant les métropoles régionales qui ont trop « grossi ». Cela aurait deux conséquences : « détendre » le marché de l’immobilier dans les grandes villes et faire baisser le budget voiture pour les ménages qui sont obligés de s’éloigner pour se loger avec un minimum d’espace. Le poids du logement dans le budget des ménages est passé en moyenne de 11 % des dépenses de consommation des ménages en 1959 à 28 % en 2021, notamment dans les métropoles régionales.
P5 : Supprimer les niches fiscales des locations en meublé, des locations de meublés de tourisme sur les zones tendues et harmoniser la fiscalité avec les locations nues sur toute la France, afin de remettre sur le marché des biens à louer sur des périodes longues et d’augmenter le nombre de biens disponibles pour l’accession à la propriété.
P6 : Augmenter la taxe sur les logements vacants afin de remettre sur le marché des logements à la vente ou à la location.
P7 : Desserrer l’étau sur le prix du foncier et les contraintes réglementaires car seulement 6 % du territoire français est urbanisé.
P8 : Réaffecter les allocations familiales aux personnes les plus modestes et les supprimer pour les personnes dont les revenus dépassent 3 fois le smic.
P9 : Réduire les taxes sur l’essence avec pour corollaire une diminution des dépenses administratives de l’État.
P10 : Bloquer l’augmentation des taxes foncières pour les dix ans à venir.
P11 : Instaurer une tranche marginale d’impôt sur le revenu entre 14 % et 30 % en mettant entre les deux une tranche à 20 %, afin de réduire la rapidité du franchissement de seuil.
P12 : Réduire les taxes sur les assurances et donc les primes d’assurances IARD.
P13 : Diversifier le financement de la retraite en rajoutant un deuxième pilier (au niveau de l’entreprise) et un troisième pilier en développant les régimes de retraite par capitalisation.
P14 : Augmenter l’impôt sur le revenu sur les pensions de retraite pour les retraités qui perçoivent plus de 2 500 euros par mois par unité de consommation et qui sont propriétaires de leur habitation principale.
P15 : Développer une économie de l’offre afin de favoriser la concurrence entre les entreprises, lutter contre les positions monopolistiques ou oligopolistiques, et donc faciliter la baisse des prix.
Pour conclure, une citation d’Ernest Hemingway : « la première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques ».