Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Marie-Hélène Cazaubon à la tête de l’agriculture landaise

Marie-Hélène Cazaubon a succédé à Dominique Graciet à la présidence de la chambre d’agriculture des Landes, Le 11 décembre dernier. Productrice de canards gras à Montsoué, elle entend permettre aux agriculteurs de faire face aux évolutions qui les attendent et ramener de la valeur ajoutée sur les exploitations.

Marie-Hélène Cazaubon

Marie-Hélène Cazaubon © Chambre d'agriculture des Landes

Les Annonces Landaises : Vous êtes la nouvelle présidente de la chambre d’agriculture des Landes. Pourriez-vous vous présenter pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore ?

Marie-Hélène CAZAUBON : Bien sûr ! Je suis une agricultrice de 56 ans. Je me suis installée en 1991, à Montsoué, sur l’exploitation familiale de mon mari. Elle était orientée vaches laitières et bovins viande et j’ai ajouté un atelier de poulets fermiers des Landes Label Rouge. Aujourd’hui, l’exploitation n’a plus rien à voir. Pour préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale [NDLR : le couple a eu trois enfants], nous avons complètement changé de productions dans les années 2000. Désormais, nous élevons et engraissons 26 000 canards par an, que nous vendons à la coopérative Maïsadour. Parallèlement à mon activité, je me suis investie très tôt dans le syndicalisme. Les responsabilités que j’ai prises au fil des années m’ont amenée là où j’en suis aujourd’hui, sans que je n’aie rien programmé. D’ailleurs, si on m’avait dit, au début de ma carrière, que je serais un jour présidente de La Chambre d’Agriculture, j’aurais bien ri !

 

LAL : L’agriculture a-t-elle toujours été une évidence pour vous ?

M.-H. C. : Non justement. Absolument pas ! Mes parents étaient agriculteurs et je m’étais toujours dit que jamais je ne suivrais leurs traces… Ça me paraissait tellement dur. Pas le métier en lui-même, mais le fait d’être toujours pris et d’avoir du mal à se dégager du temps. Au début de ma vie active, j’ai été serveuse, j’ai travaillé sur les marchés… Et puis j’ai rencontré mon mari et j’ai totalement changé d’avis ! J’ai souhaité m’investir dans l’exploitation car j’aime beaucoup l’élevage. Mais nous avons adopté un fonctionnement différent de celui de mes parents car je tenais absolument à conserver du temps pour nous et notre famille.

 

LAL : Cela ne vous a toutefois pas empêchée de prendre des responsabilités syndicales au sein de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA)…

M.-H. C. : C’est vrai. Dès mon installation, j’ai commencé à m’impliquer dans la vie syndicale. J’ai intégré la commission agricultrices de la FDSEA car je trouvais dommage que les femmes ne fassent pas valoir leurs droits. Beaucoup travaillaient aux côtés de leur mari sans être reconnues pour leur travail. Malgré l’implication de pionnières telles que Michou Marcus ou Simone Lesparre, beaucoup de femmes méconnaissaient les dispositifs qui leur auraient permis de devenir cheffes d’exploitation. Il y avait aussi beaucoup de travail autour de la question du congé maternité et du remplacement que trop peu utilisaient. D’ailleurs, certaines agricultrices ont encore du mal aujourd’hui à accepter de s’arrêter pendant cette période, tant le métier est prenant…

MES PARENTS ÉTAIENT AGRICULTEURS ET JE M’ÉTAIS TOUJOURS DIT QUE JAMAIS JE NE SUIVRAIS LEURS TRACES

© D. R.

LAL : Et comment êtes-vous passée de syndicaliste à élue de la chambre d’agriculture ?

M.-H. C. : En devenant présidente de la commission agricultrices de la FDSEA, à la suite de Mado Charrier, j’ai automatiquement intégré le bureau du syndicat. Cela m’a ouvert à toutes les autres problématiques de l’agriculture landaise et ça m’a passionnée. J’ai voulu défendre les dossiers et on m’a proposé de me présenter sur une liste pour les élections à la chambre d’agriculture en 2013. J’ai été élue et j’ai intégré des commissions au-delà de ma zone de confort. Je pense que le rôle d’un élu de la chambre est de pouvoir discuter sur tous les dossiers importants pour le département.

 

LAL : Qu’est-ce qui vous passionne tant ?

M.-H. C. : Mon engagement est personnel, bien sûr, mais je travaille pour l’intérêt général et cela est très motivant. Rencontrer des gens, porter des dossiers, obtenir des avancées pour le département et les agriculteurs, c’est extraordinaire. Et j’aime énormément travailler en équipe. Les décisions ne se prennent jamais seul. Il y a un véritable travail de groupe avec les autres élus et les salariés de la chambre. Une fois que la décision est prise, c’est à moi de la porter et de la défendre, évidemment, mais j’aime particulièrement tout le processus d’élaboration.

 

LAL : Cela a-t-il été difficile de vous imposer en tant que femme dans ce monde très masculin ?

M.-H. C. : À un moment donné, il faut oser se mettre en avant, bien sûr. Mais la prise de responsabilités dépend plus de la personnalité que du sexe. Et si les hommes sont majoritaires en agriculture, il y a toujours eu des femmes responsables dans les Landes. J’ai déjà cité Michou Marcus et Simone Lesparre qui ont débroussaillé le chemin ! Elles ont plus de 80 ans aujourd’hui et je continue à les consulter quand j’en ai besoin. Mais elles ne sont pas les seules : Monique Dufréchou, Mado Charrier ou encore Chantal Gonthier ont fait énormément pour la représentativité des femmes en agriculture. D’ailleurs, si on regarde bien, aujourd’hui, la MSA Sud Aquitaine, la fédération départementale de Groupama et maintenant la chambre d’agriculture sont dirigées par des femmes !

« LA PRISE DE RESPONSABILITÉS DÉPEND PLUS DE LA PERSONNALITÉ QUE DU SEXE »

LAL : Lors de sa réélection à la tête de la Chambre d’agriculture en 2019, votre prédécesseur Dominique Graciet avait annoncé qu’il vous passerait la main en cours de mandat au moment de son départ en retraite. Comment vous êtes-vous préparée à cette échéance ?

M.-H. C. : En m’appuyant sur l’ensemble des élus de la chambre. Chacun est impliqué et compétent dans des dossiers bien identifiés. En discutant et en partageant avec eux, j’ai une vue d’ensemble de toutes les problématiques. Je le répète, je suis désormais la représentante de l’agriculture landaise et j’irai partout où on aura besoin de moi pour apporter des solutions efficaces. Mais le travail et les décisions seront toujours collectifs. Les élus en place me soutiennent et m’accompagnent. Je sais pouvoir m’appuyer sur eux.

© Maïsadour

LAL : Sur quels dossiers souhaitez-vous vous engager prioritairement ?

M.-H. C. : Il y en a beaucoup ! Mais la gestion de la ressource en eau me paraît primordiale. Au niveau des rendements, l’année 2020 a été calamiteuse. Les chiffres définitifs ne seront connus que dans quelques semaines, mais on estime à 30 % la baisse du revenu de la Ferme Landes par rapport à 2019 ! Les conditions climatiques sont en cause. Nous avons été confrontés à des excès d’eau au printemps et au moment de la récolte, mais aussi à la sécheresse durant l’été. Une bonne gestion de la ressource en eau nous aurait permis d’en atténuer les effets. Comment ne pas comprendre qu’il faudrait stocker l’excès d’eau en hiver pour s’en servir en été ? Nous demandons la création de retenues mais il y a de gros blocages au niveau environnemental. L’eau est un enjeu. Mais l’économiser ne veut pas dire ne plus l’utiliser. Il s’agirait plutôt de l’utiliser intelligemment, en particulier pour sécuriser l’agriculture de notre département et permettre le développement de productions à forte valeur ajoutée.

 

Le poids de l’agriculture landaise

Dans les Landes, l’agriculture emploie 7 306 actifs, parmi lesquels 3 744 chefs d’exploitation et co-exploitants et 1 698 salariés permanents. La surface agricole utile (SAU) des exploitations s’étend sur 210 000 hectares. La valeur de la production landaise atteint 741 millions d’euros. Le département est le premier producteur national de maïs, maïs semence, maïs doux, asperges, carottes et palmipèdes à foie gras. Il se place deuxième pour les volailles label et les kiwis. Attachés à une agriculture qualitative, les exploitants landais fournissent sept produits sous signe officiel de qualité : le poulet fermier des Landes (qui a obtenu le premier Label Rouge de France en 1965), le canard fermier des Landes, le bœuf de Chalosse, les asperges des sables des Landes, le kiwi de l’Adour, les vins de pays des terroirs landais et vins du Tursan, le Floc de Gascogne et l’armagnac.

Source : Agreste Nouvelle-Aquitaine Memento agricole 2020

 

© Maïsadour

LAL : En parlant d’environnement, l’adaptation au changement climatique est un autre de vos chevaux de bataille…

M.-H. C. : Tout à fait. Nouvelles cultures, changements de pratiques, utilisation de nouveaux matériels, production d’énergie, valorisation des déchets… Je souhaite mettre à la disposition des agriculteurs tout ce qui pourrait les aider à s’adapter aux évolutions qui les attendent. Cela recouvre aussi bien les enjeux environnementaux que sociétaux. Pour avancer en ce sens, je m’appuierai sur le technopôle Agrolandes qui est une magnifique opportunité en matière de recherche et d’innovation. Mais je travaillerai aussi avec les coopératives, les entreprises agricoles et les Cuma du département. L’important est de partager les avancées pour amener de la valeur ajoutée sur les exploitations.

 

LAL : Êtes-vous inquiète face à l’apparition de nouveaux cas d’influenza aviaire dans les Landes ?*

M.-H. C. : Les mauvais souvenirs de 2016 et 2017 reviennent évidemment. Mais la filière a su tirer des leçons de ces deux épisodes traumatisants. À chaque fois qu’un nouveau cas est détecté, des zones de protection et de surveillance sont mises en place. Dans un périmètre d’un kilomètre autour des exploitations concernées, toutes les volailles sont abattues préventivement. Jusqu’à trois kilomètres, ce sont tous les canards qui subissent le même sort. Et dans un rayon de 10 kilomètres, les animaux sont mis à l’abri et les mouvements ne sont autorisés qu’après analyses. Ces mesures sont assez radicales et impactent très durement les producteurs concernés. Mais cela est fait pour protéger tous les autres.

 

LAL : Le mois de janvier est la période des vœux. Que souhaitez-vous à l’agriculture landaise ?

M.-H. C. : J’espère que nous réussirons les transitions qui sont devant nous afin de maintenir le potentiel agricole du département. Mais surtout, je souhaite que la valeur de notre métier soit reconnue à la hauteur de ce qu’elle représente. Nous, agriculteurs, nous nourrissons les gens. Qu’y a-t-il de plus important ?

 

* Entretien réalisé au début de la crise aviaire qui s’amplifie dans le département des Landes.