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Maïsadour, le virage durable

Après une année difficile, la coopérative agricole landaise accélère la transition agri-écologique sans perdre de vue son principal fil conducteur : préserver la rémunération des producteurs.

Maïsadour

© Shutterstock

L’exercice 2020-2021 a été compliqué pour le groupe coopératif Maïsadour. De nombreux  facteurs externes sont venus perturber l’activité : les conséquences de la pandémie mondiale, un troisième épisode d’influenza aviaire en cinq ans, une récolte en baisse de 30 % à l’automne 2020 et des taux de change défavorables à la filière semences. Dans ce contexte, le groupe coopératif de Haut-Mauco clôture son exercice avec un chiffre d’affaires de 1,276 milliard d’euros. L’excédent brut d’exploitation diminue de 35 millions d’euros. Mais les efforts de Maïsadour ont permis de ramener cette baisse à « seulement » 20 millions d’euros. « Nous nous sommes séparés d’un certain nombre d’activités », précise Michel Prugue, son président.

La salaison a notamment été cédée au groupe Fipso (spécialisé dans l’élevage de porcs et la transformation de viande porcine), tandis qu’Aqualia, entreprise de production d’aliments aquacoles installée à Arue, a été vendue à la coopérative bretonne Le Gouessant. « Nous avons ainsi réduit notre endettement d’un tiers », précise-t-il.

UNE FILIÈRE SOJA 100 % SUD-OUEST

Plus solide aux yeux de ses partenaires financiers, la coopérative peut désormais déployer son plan d’action visant à « promouvoir une agriculture à la fois rentable et durable », indique le directeur général, Christophe Bonno. La nouvelle ligne de conduite, thème central de l’assemblée générale qui s’est tenue à Saint-Pierre-du-Mont, le 7 décembre dernier, est en effet de « se transformer pour un monde durable ».

La création de Graines d’alliance, nouvelle filière soja 100 % Sud-Ouest, est une illustration de cette transformation. Développée en partenariat avec la coopérative Vivadour, cette entité est destinée à approvisionner le marché de la nutrition animale en tourteaux de soja local et sans OGM. Une usine de trituration ouvrira en juillet prochain à Saint-Sever, dans les locaux d’une usine d’aliment, fermée un an plus tôt. À pleine capacité, elle pourra traiter chaque année 30 000 tonnes de soja cultivé par les adhérents des deux coopératives. « C’est un projet 100 % vertueux, se réjouit Jean-Louis Zwick, directeur du pôle agricole de Maïsadour. L’utilisation des matières premières locales nous permet de réduire notre empreinte carbone et d’éviter d’importer du soja déforestant.»

La coopérative peut désormais déployer son plan d’action visant à « promouvoir une agriculture à la fois rentable et durable »

DÉVELOPPER LA VALEUR AJOUTÉE SUR LE TERRITOIRE

Et le groupe ne s’arrête pas là. En 2020, il a engagé la démarche Ideaal (Implication dans une démarche écoresponsable pour une agriculture d’avenir et locale). Elle recense les bonnes pratiques chez les adhérents de la coopérative et leur propose des plans de progrès individuels. Déjà 841 exploitations représentant 77 000 hectares, soit 70 % de la surface de production de Maïsadour, sont engagées dans cette démarche agri-écologique. Les actions de protection de l’environnement soutiennent le développement d’activités génératrices de valeur ajoutée sur le territoire. C’est le cas notamment avec les contrats pour la production de maïs spéciaux signés avec les industriels de l’amidonnerie. Maïsadour expérimente également des bassins d’aquaculture chez les agriculteurs. « L’objectif est de répondre aux attentes des consommateurs qui souhaitent éviter la surpêche, en développant une activité d’élevage de truites françaises qui constituerait un nouveau débouché pour nos adhérents. »

La coopérative entend aussi développer la vente directe. Après l’ouverture de magasins ruraux En direct de nos producteurs, en 2018, elle a lancé fin 2021 un réseau de franchisés autour d’un nouveau concept de magasins 100 % Sud-Ouest mêlant épicerie, rôtisserie et restauration. Baptisées L’Amour du terroir, six boutiques verront le jour en 2022 dans de grandes villes françaises.

La coopérative a lancé, fin 2021, L’Amour du terroir, un nouveau concept de magasins 100 % Sud-Ouest mêlant épicerie, rôtisserie et restauration

Maïsadour

(De gauche à droite) Christophe Bonno, Michel Prugue, Jean-Louis Zwick et Érice Humblot ont présenté le bilan de l’exercice 2020-2021 et les perspectives pour Maïsadour, le 7 décembre dernier © C.A.

PRÉSERVER LE REVENU DES AGRICULTEURS

Toutes ces actions visent le même but : garantir un revenu rémunérateur aux adhérents de la coopérative. Michel Prugue se réjouit d’ailleurs des rendements de maïs en 2021. En totale opposition avec celle de l’année précédente, la récolte a atteint des niveaux proches des records qui se conjuguent avec des prix élevés. «Cela a deux conséquences positives, souligne-t-il. Du côté de la coopérative, l’augmentation des volumes fait baisser nos charges fixes. Et chez les adhérents, cette trésorerie supplémentaire est un véritable ballon d’oxygène après deux années climatiques difficiles. » Mais ces derniers mois, le prix du maïs n’est pas le seul à avoir augmenté. « Nous sommes confrontés à une flambée des prix des matières premières que nous n’avions pas prévue. L’alimentation animale a augmenté de 28 % à 35 %. Les prix des emballages sont en hausse de 12 % à 50 %. Quant au coût de l’électricité, il a doublé en neuf mois.»

Autant de surcoûts de production qui ne sont pour l’instant pas répercutés sur les tarifs, faute d’accord avec les distributeurs. « La violence de la hausse est telle qu’elle met nos entreprises de transformation et l’élevage en danger. Nous avons entamé la sensibilisation de nos clients et nous nous tournons vers les pouvoirs publics. Il faut que les tarifs soient revalorisés au plus vite. Sans cela, faire tourner les outils industriels va revenir à perdre de l’argent. Les consommateurs sont en attente de produits locaux de qualité. Cela a un prix. Il ne s’agit pas d’améliorer notre marge, mais seulement de maintenir l’existant. Ne pas en convenir, c’est prendre le risque d’une baisse de la production. »