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L’indemnité inflation : application complexe

Pour faire face à l’inflation, le gouvernement a décidé de mettre en place un coup de pouce en créant pour la première fois une indemnité inflation. Celle-ci doit être versée au plus tard le 28 février 2022.

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Etant donné la complexité des règles d’application de l‘indemnité inflation et le risque en cas d’erreur que l’employeur en assume le coût final, malgré la pression des salariés qui souhaiteront bénéficier au plus vite de cette prime censée être versée courant décembre 2021 « sauf impossibilité pratique », il est fort à parier que les entreprises auront été obligées dans de nombreux cas de reporter le versement au début de l’année 2022.

LES CONDITIONS POUR BÉNÉFICIER DE L’INDEMNITÉ INFLATION

Deux conditions sont faciles à apprécier:

  • avoir l’âge de 16 ans au 31 octobre 2021 ;
  • et bénéficier d’une résidence en France

Par ailleurs, l’indemnité inflation n’est réservée qu’aux salariés qui ont perçu une rémunération brute ne dépassant pas 26 000 euros au titre des périodes d’emploi du 1er janvier au 31 octobre 2021.

L’indemnité inflation n’est réservée qu’aux salariés ayant perçu une rémunération brute ne dépassant pas 26 000 euros

Ce plafond est proratisé pour les salariés qui n’auront pas été employés pendant toute cette période. Exemple : un salarié sous contrat de six mois entre le 1er mai 2021 et le 31 octobre 2021 bénéficiera de l’indemnité si sa rémunération est inférieure à 15 736 euros (184 jours / 304 jours) x 26 000 euros.

En revanche, aucune proratisation n’est prévue pour les salariés à temps partiel. Ainsi un salarié cumulant plusieurs emplois et gagnant plus que le plafond au total pourrait éventuellement bénéficier de la prime chez un employeur. Pour apprécier le plafond, seuls les éléments de salaire versés par l’employeur sont pris en compte.

Ainsi seront exclues notamment les indemnités de congés payés qui ne sont pas versées par l’employeur mais par une caisse (par exemple la caisse des congés payés du bâtiment), ainsi que les revenus de remplacement tels que les indemnités journalières de Sécurité sociale versées par l’Assurance maladie ou les indemnités d’activité partielle. Cette dernière règle pourrait permettre à des salariés dont le revenu habituel est supérieur au plafond fixé, de pouvoir bénéficier au final de l’indemnité inflation (compte tenu d’une maladie ou d’activité partielle pendant la période concernée).

QUELLES SONT LES CONDITIONS D’ACTIVITÉ OUVRANT DROIT À L’INDEMNITÉ ?

Le salarié doit avoir travaillé au titre du mois d’octobre. Le versement sera simple à assurer pour des salariés qui auront travaillé tout le mois d’octobre. En revanche, il faudra envisager plusieurs autres situations plus complexes :

L’indemnité inflation n’est clairement pas due : si le salarié quelle que soit sa situation a quitté l’entreprise avant le 1er octobre 2021 ; si le salarié quelle que soit sa situation a été embauché après le 31 octobre 2021.

L’indemnité inflation doit être versée automatiquement par l’employeur dans les cas suivants : aux salariés en CDI qui ont été employés pendant au moins un jour au titre du mois d’octobre 2021. Ainsi par exemple, un salarié, qui a travaillé uniquement le 1er octobre 2021, aura droit à l’indemnité inflation de 100 euros. De même qu’un salarié qui a commencé à travailler le 31 octobre 2021.

En ce qui concerne les CDD, l’indemnité est automatiquement versée par l’employeur si le CDD a une durée minimale d’un mois ou que le salarié a travaillé au moins 20 heures au cours du mois d’octobre ou, s’il n’a pas de durée horaire, au moins trois jours.

Cependant, dans tous ces cas, le salarié a l’obligation de s’opposer au versement de l’indemnité inflation s’il l’a déjà perçue auprès d’un autre employeur. Dans ce cas, il doit se manifester et demander à la société de ne pas lui verser l’indemnité. Cela peut être le cas du salarié qui a quitté l’entreprise au mois d’octobre et qui a été embauché par un autre employeur qui est toujours son employeur actuel ou le salarié qui avait plusieurs employeurs au mois d’octobre et qui a une durée de travail ou de présence plus importante chez un autre employeur.

Dans les situations où le salarié a eu plusieurs employeurs en même temps ou successivement, il est tenu de respecter les règles de priorité complexes et de bénéficier de l’indemnité inflation auprès de son dernier employeur ou de l’employeur qui l’a occupé le plus longtemps. En réalité, il est probable que le salarié ne se manifestera pour s’opposer au versement de l’indemnité inflation que s’il l’a déjà perçue auprès d’un autre employeur. À défaut, il pourra encaisser l’indemnité inflation et s’opposer à son versement auprès de ses autres employeurs.

Ainsi plus l’entreprise tarde à verser l’indemnité dans les cas complexes et plus il y aura des chances que le salarié l’ait déjà perçue par ailleurs.

CAS OÙ L’EMPLOYEUR N’A PAS À VERSER SPONTANÉMENT L’INDEMNITÉ MAIS DOIT INFORMER LE SALARIÉ SUR SES CONDITIONS DE VERSEMENT ET ATTENDRE QU’IL SE MANIFESTE.

Les salariés en CDD qui ont été employés au mois d’octobre, mais moins de 20 heures ou de trois jours, doivent se manifester et demander expressément à bénéficier de l’indemnité. À défaut, l’employeur n’a pas à la verser. Il aura néanmoins l’obligation d’informer ces salariés des conditions leur permettant d’en bénéficier et leur laisser un délai (par exemple une semaine) pour en faire la demande expresse. Cela implique donc que l’employeur communique ces informations à des salariés qui sont partis depuis le mois d’octobre et qui ne sont parfois restés que très peu de temps à cette période de l’année.

Les entreprises ayant une activité saisonnière qui ont encore eu recours à des CDD saisonniers au mois d’octobre seront particulièrement concernées par cette situation qui les obligera à rechercher des salariés qui parfois auront déménagé ou n’auront plus donné de nouvelles. Par ailleurs, les modalités de la rupture du contrat de travail sont totalement indifférentes par rapport au versement de cette indemnité inflation.

Ainsi, peu importe qu’un salarié ait démissionné ou même qu’il ait été licencié pour faute grave, s’il remplit les différentes conditions, notamment de ressources, il bénéficiera de l’indemnité inflation. Cela risque de créer certains tensions, l’employeur étant tenu d’avancer cette indemnité à des salariés avec qui la relation aurait pu mal se terminer.

QUELLE  EST LA RESPONSABILITÉ DE L’EMPLOYEUR EN CAS D’ERREUR DE VERSEMENT ?

Si l’employeur a parfaitement informé les salariés sur les conditions de versement, que le salarié ne s’est pas manifesté ou n’a pas donné toutes les informations alors qu’il a déjà bénéficié d’une indemnité inflation auprès d’un autre employeur, la responsabilité de l’employeur ne pourra pas être engagée. Ce sera à l’État de chercher à se faire rembourser auprès du salarié qui aura perçu deux fois l’indemnité inflation. En revanche, si l’employeur n’a pas donné toutes les informations, il pourrait être tenu d’assumer la charge finale de l’indemnité inflation.

Enfin, l’employeur est censé uniquement avancer l’indemnité inflation et ensuite se faire rembourser immédiatement en déduction sur ses charges sociales par l’État.

Elissaveta PETKOVA, avocate spécialiste en droit du travail, Barthélémy Avocats - Bordeaux, inflation

Elissaveta PETKOVA, avocate spécialiste en droit du travail, Barthélémy Avocats – Bordeaux © Atelier Gallien

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